Les Récents Délais Pour L’Open Banking au Canada
Le très attendu Énoncé Économique d'Automne (EEA), dévoilé hier, a apporté son lot de surprises et de déceptions pour le secteur FinTech canadien. Alors que beaucoup espéraient des avancées concrètes vers l'instauration d'un système bancaire ouvert, favorisant l'innovation et la concurrence, c'est finalement de nouveaux délais qui ont été annoncés pour la mise en place de l'open banking au Canada.
Un Budget Accru Mais un Lancement Repoussé
Le Cadre pour les Services Bancaires Axés sur le Consommateur, introduit dans le Budget 2024, a certes été étoffé dans cet EEA. On y trouve désormais des précisions sur les règles d'accréditation et de catégorisation des acteurs, ainsi qu'une augmentation du budget alloué à l'Agence de la Consommation en Matière Financière du Canada (ACFC), qui passe à 44,3 millions de dollars sur 3 ans. Mais la douche froide est venue de la date de lancement, repoussée à 2026, alors qu'on l'espérait pour 2025.
Il y a eu tellement d'annonces qu'on en a perdu le compte. Mais il y a eu très peu de suivi concret.
Alex Vronces, Directeur Exécutif de Fintechs Canada
Des Obstacles Législatifs à Surmonter
Ce report du lancement de l'open banking est conditionné à la capacité du gouvernement Libéral à faire passer les amendements législatifs nécessaires. Il faudra en effet modifier la Loi sur les Services Bancaires Axés sur le Consommateur et la Loi sur l'Agence de la Consommation en Matière Financière du Canada. Un défi de taille dans le contexte politique actuel.
La démission surprise de la Vice-Première Ministre et Ministre des Finances Chrystia Freeland, ainsi que les remous internes au sein du parti Libéral et les critiques visant le Premier Ministre Justin Trudeau, rendent peu probable l'adoption de ces changements avant la tenue de nouvelles élections.
Un Cadre Réglementaire Qui Suscite des Inquiétudes
Au-delà des délais, ce sont certains détails du cadre réglementaire proposé qui inquiètent les acteurs du secteur FinTech. L'absence de régime d'accréditation à plusieurs niveaux pourrait sérieusement entraver l'impact de l'open banking, selon Andrew Escobar, ancien cadre FinTech.
Avec un système d'approbation uniforme par l'ACFC, beaucoup de FinTechs et de développeurs indépendants pourraient être exclus. Un régime à plusieurs vitesses, avec des exigences variables selon les besoins en données des candidats, serait préférable pour favoriser l'innovation.
L'Importance des Effets de Réseau
Autre point notable, le cadre proposé interdirait de facto les pratiques de "screen-scraping", une méthode peu sécurisée de partage de données bancaires sur laquelle s'appuient encore de nombreuses FinTechs. Selon Abraham Tachjian, ancien responsable de l'open banking au Ministère des Finances, cette interdiction forcera les acteurs à rejoindre le cadre législatif.
Une telle mesure oblige les demandeurs de données à intégrer un cadre législatif, contribuant aux effets de réseau qui sont essentiels à la croissance d'un écosystème de partage de données.
Abraham Tachjian, ex-responsable Open Banking au Ministère des Finances
Les Paiements en Temps Réel, Grands Absents
Autre absence remarquée dans l'EEA, celle des paiements en temps réel (PTR). Cette modernisation cruciale des infrastructures de paiement, qui permettrait des transferts d'argent instantanés, a elle aussi été repoussée à plusieurs reprises depuis 2019. Selon Paiements Canada, les tests de l'industrie ne commenceront pas avant 2026.
Sans le lancement des PTR, la concurrence bancaire ne sera pas stimulée et les grandes banques canadiennes ne seront pas incitées à mieux servir les consommateurs et les entreprises.
Alex Vronces, Directeur Exécutif de Fintechs Canada
Un Retard Qui Pèse Sur la Compétitivité du Canada
Ces nouveaux délais dans la mise en place de l'open banking et des paiements en temps réel font du Canada le dernier pays du G7 à ne pas avoir de cadres officiels en la matière. Un retard qui pèse sur la compétitivité de son secteur financier et de son économie en général.
- Le Canada, dernier pays du G7 sans open banking ni PTR
- Un cadre réglementaire qui suscite des inquiétudes
- Des obstacles législatifs à surmonter dans un contexte politique instable
Pendant ce temps, d'autres pays avancent. Les États-Unis ont finalisé en octobre dernier les règles de leur système bancaire ouvert. L'open banking est aussi une réalité dans l'Union Européenne depuis la directive DSP2 de 2015.
Face à ces nouveaux retards, c'est tout l'écosystème FinTech canadien qui ronge son frein. Les promesses et les effets d'annonce ne suffisent plus. Les acteurs du secteur attendent désormais des actions concrètes pour libérer enfin l'innovation dans les services financiers au bénéfice des consommateurs et des entreprises. Le compte à rebours est lancé, mais l'arrivée semble encore lointaine.