Netflix Écope d’une Amende pour Accès aux Données aux Pays-Bas
Après cinq longues années de procédure, le géant du streaming Netflix vient d'écoper d'une amende salée pour violation des droits d'accès aux données de ses utilisateurs néerlandais. Un dénouement qui sonne comme un avertissement pour toutes les entreprises collectant massivement des informations personnelles.
4,75 millions d'euros pour non-respect du RGPD
C'est l'équivalent d'une bouchée de popcorn pour le mastodonte de la VOD, qui a engrangé plus de 33 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2023. Mais au-delà du montant, cette sanction infligée par l'autorité néerlandaise de protection des données (DPA) est lourde de symboles et de conséquences pour l'avenir de la régulation du numérique.
Concrètement, il est reproché à Netflix de ne pas avoir suffisamment informé ses clients sur l'utilisation faite de leurs données, en contradiction avec les exigences du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Ce texte phare, entré en vigueur en mai 2018 au niveau européen, accorde aux citoyens un droit d'accès et de regard sur leurs informations personnelles.
Un long chemin vers la sanction
Mais de la théorie à la pratique, il y a souvent un gouffre. C'est ce qu'illustre parfaitement le parcours du combattant mené par l'association autrichienne noyb (none of your business), à l'origine de la plainte contre Netflix déposée en janvier 2019. Son fondateur Max Schrems, figure de proue de la lutte pour la confidentialité des données, avait alors dénoncé les réponses insuffisantes fournies par la plateforme à des demandes d'accès.
Ironie du sort, il aura fallu presque aussi longtemps aux autorités néerlandaises pour instruire ce dossier et aboutir à une sanction, dans un parfait exemple des lenteurs et lourdeurs qui minent encore l'application du RGPD. Netflix a d'ailleurs fait part de son intention de faire appel, repoussant encore l'épilogue de cette affaire.
Des plaintes similaires toujours en souffrance
L'association noyb n'avait pas seulement attaqué Netflix, mais toute une série de services de streaming, parmi lesquels Amazon Prime, Apple Music ou YouTube. Cinq ans plus tard, la plupart de ces plaintes sont toujours pendantes, à l'exception notable de Spotify, condamné l'an dernier suite à une décision de justice pour pallier l'inaction de la CNIL suédoise.
Nous avons dû saisir les tribunaux dans plusieurs pays pour forcer les autorités à agir. C'est désespérant de constater à quel point il est compliqué de faire appliquer nos droits numériques les plus élémentaires.
déplore un porte-parole de noyb
Cette amende record aux Pays-Bas n'est donc qu'une victoire d'étape dans un combat de longue haleine pour muscler la régulation des géants de la tech. Elle démontre à la fois la nécessité et la difficulté de faire respecter le droit à la vie privée à l'ère du tout-numérique.
Les autorités de contrôle dépassées ?
Face à des mastodontes disposant de moyens juridiques quasiment illimités pour contester les décisions, et à une collecte de données devenue le carburant de l'économie numérique, les autorités de protection semblent souvent démunies ou réticentes à taper du poing sur la table.
Comme en témoignent les chiffres, le montant de 4,75 millions d'euros est certes un record aux Pays-Bas, mais représente à peine 0,014% du chiffre d'affaires annuel de Netflix. Pas vraiment de quoi effrayer la Silicon Valley, d'autant que ces amendes sont souvent contestées pendant des années.
Le cas Netflix souligne donc les carences persistantes dans la mise en œuvre du RGPD :
- Sous-dimensionnement et manque de moyens des autorités de contrôle
- Lenteur des procédures d'instruction et de sanction
- Montants d'amendes insuffisamment dissuasifs
- Possibilité pour les entreprises de jouer la montre via des recours
Autant d'obstacles qui expliquent que cinq ans après son entrée en application, le RGPD peine encore à produire les effets espérés en termes de responsabilisation des acteurs numériques et de protection effective des citoyens.
Un électrochoc nécessaire ?
Cette sanction record intervient alors que l'Europe planche sur de nouveaux règlements (Digital Services Act, Digital Markets Act, AI Act...) visant à mieux encadrer les pratiques du numérique. Mais leur efficacité dépendra là encore des moyens accordés à leur mise en œuvre.
Plus que jamais, il apparaît nécessaire de doter les autorités de régulation de pouvoirs renforcés et de possibilités de sanctions dissuasives, à la hauteur des enjeux colossaux liés à la protection des données et de la vie privée. Faute de quoi ce précieux arsenal législatif risque de rester une coquille vide.
L'affaire Netflix doit sonner comme un électrochoc. Un rappel cuisant que derrière les grands principes, c'est sur le terrain de la pratique quotidienne et de son contrôle intransigeant que se joue l'avenir de nos libertés numériques. À nous citoyens d'être vigilants et de faire valoir nos droits. Et aux États d'être à la hauteur de leur mission de régulation, pour ne pas laisser notre privacy partir en fumée sur l'autel de la "disruption".