Le secteur des spiritueux face à une saison des fêtes morose
En cette période de fêtes de fin d'année, les bars new-yorkais de Meaghan Dorman ne désemplissent pas. Couples en rendez-vous, célébrations entre collègues, réunions d'affaires... L'effervescence est palpable. Pourtant, lorsque vient l'heure de faire les comptes, le constat est sans appel : les clients dépensent moins. Un phénomène qui s'observe à l'échelle nationale et qui annonce une saison des fêtes morose pour le secteur des spiritueux.
Meaghan Dorman, à la tête de plusieurs établissements réputés de la Grosse Pomme, remarque que ses clients se tournent désormais vers des boissons moins onéreuses, comme le vin, délaissant peu à peu les cocktails artisanaux dont les prix oscillent entre 25 et 38 euros. Une tendance confirmée par trois grands distributeurs américains de spiritueux, qui pointent du doigt l'inflation élevée comme principale cause de cette baisse de consommation.
Un défi de taille pour les géants du secteur
Si l'ambiance festive reste de mise, les revenus, eux, sont bel et bien en berne. Une situation particulièrement préoccupante pour des mastodontes tels que Diageo et Pernod Ricard, qui réalisent habituellement une part significative de leur chiffre d'affaires annuel au cours des mois d'octobre, novembre et décembre. L'an dernier, Pernod Ricard avait ainsi généré 30% de ses ventes durant cette période.
Au-delà d'une consommation en baisse, les clients ont également tendance à se tourner vers des marques moins prestigieuses et des lieux plus abordables. Certains réduisent même le nombre de sorties, préférant célébrer chez eux. Des changements de comportement qui bousculent la stratégie des grands groupes, axée sur la montée en gamme et les spiritueux premium.
Vers une consommation plus responsable ?
Si le contexte économique pèse indéniablement sur le portefeuille des consommateurs, d'autres facteurs entrent également en jeu. Emily Xu, vice-présidente de Republic National Distributing Company (RNDC), évoque notamment une volonté croissante de réduire sa consommation d'alcool ou d'explorer des alternatives, comme les boissons infusées au CBD.
Les gens ont tendance à se contenter d'un seul cocktail artisanal aujourd'hui, alors qu'ils pouvaient en prendre jusqu'à quatre auparavant.
Meaghan Dorman, directrice de bar à New York
Cette quête de modération et de consommation plus responsable pousse les fabricants de spiritueux à repenser leur approche. Si les ventes de bouteilles premium marquent le pas, celles de spiritueux artisanaux et de spécialités locales tirent leur épingle du jeu, séduisant une clientèle en quête d'authenticité et de qualité.
L'innovation comme clé pour rebondir
Face à ces bouleversements, l'innovation apparaît comme un levier essentiel pour le secteur. Qu'il s'agisse de développer des gammes plus qualitatives à des prix abordables, de miser sur les cocktails prêts-à-boire ou d'investir le créneau porteur des boissons "better for you", les pistes sont nombreuses pour s'adapter aux nouvelles attentes des consommateurs.
Certaines start-ups l'ont bien compris et bousculent les codes du marché avec des propositions innovantes, à l'image de Seedlip, pionnière des spiritueux sans alcool, ou encore d'Haus, qui surfe sur la vague des apéritifs naturels et peu sucrés. Des alternatives séduisantes pour les "modérateurs" ou les adeptes du "sans", qui inspirent les géants du secteur.
Si les fêtes de fin d'année risquent de laisser un goût amer à bien des acteurs des spiritueux, elles sont aussi l'occasion de réinventer les codes de la consommation d'alcool. Entre montée en gamme, personnalisation et quête de modération, le secteur pourrait bien sortir grandi de cette période troublée et ouvrir la voie à de nouveaux modes de consommation, plus responsables et porteurs de sens. L'avenir nous le dira.