L’Europe se détourne de l’aluminium russe malgré les tensions
En quelques années, l'Europe a réussi un véritable tour de force : se passer presque totalement de l'aluminium russe dans son approvisionnement. Un défi de taille au vu du poids de la Russie dans ce secteur stratégique et des tensions géopolitiques et logistiques actuelles. Retour sur une déconnexion réussie.
L'aluminium russe, un géant devenu indésirable
Jusqu'à récemment, la Russie était un partenaire incontournable pour l'approvisionnement en aluminium de l'industrie européenne. En 2016, les pays de l'UE importaient près de 1,5 million de tonnes de ce métal en provenance de Russie, principalement produit en Sibérie et acheminé via Saint-Pétersbourg. Mais la donne a radicalement changé.
Plusieurs facteurs expliquent ce revirement :
- Les sanctions américaines visant le géant russe Rusal, forçant une réduction du contrôle de l'oligarque Oleg Deripaska.
- L'instauration de droits de douane par les États-Unis sur les produits intégrant de l'aluminium russe.
- La décision des Bourses de Chicago et Londres de bannir de leurs entrepôts les métaux russes à partir d'avril 2024.
Résultat, les importations européennes d'aluminium russe ont chuté à 521 000 tonnes en 2023, et seulement 237 000 tonnes sur les 8 premiers mois de 2024. Un désengagement progressif mais massif.
De nouvelles routes d'approvisionnement
Pour compenser ce manque, les industriels européens ont dû se tourner vers de nouveaux fournisseurs :
- Les pays du Golfe (Émirats Arabes Unis, Bahreïn...)
- L'Indonésie et la Malaisie
L'aluminium russe, lui, a été redirigé massivement vers la Chine et l'Inde. Mais il peut aussi revenir en Europe sous forme de produits finis, complexifiant la traçabilité.
L'enjeu crucial de l'aluminium ultra-pur
L'approvisionnement en aluminium de très haute pureté, essentiel à l'industrie de défense et aérospatiale, constituait un défi majeur. Rusal y occupait une position dominante. Mais selon un expert du secteur, des solutions ont été trouvées, notamment via une usine en Nouvelle-Zélande.
Des routes sous haute tension
Si l'Europe est parvenue à se passer de la Russie, les nouvelles routes d'approvisionnement ne sont pas sans risques. Celles passant par la Mer Rouge subissent de plein fouet les tensions liées aux attaques des rebelles Houthis depuis le Yémen.
Les derniers contrats avec Rusal s'éteignent en ce moment. Nous avons eu le temps de nous préparer et de trouver des sources alternatives.
- Jean-Marc Germain, DG de Constellium
En quelques années, l'Europe a donc réussi à considérablement réduire sa dépendance à l'aluminium russe, au prix d'un vaste jeu de chaises musicales. Un cas d'école qui montre la capacité d'adaptation des industriels européens face aux tensions géopolitiques, mais aussi la complexité et la fragilité des chaînes d'approvisionnement mondialisées.