Routes Maritimes Arctiques : La Russie Accélère le Développement
Alors que la fonte des glaces ouvre de nouvelles perspectives dans l'Arctique, la Russie entend bien tirer son épingle du jeu en développant à marche forcée les routes maritimes le long de ses côtes. Un enjeu stratégique majeur pour Moscou, qui mise notamment sur l'essor rapide du passage du Nord-Est.
Si la route transpolaire reliant directement l'Atlantique au Pacifique par le pôle Nord reste pour l'instant un rêve lointain, le passage du Nord-Est connaît lui un véritable boom. Cette voie maritime intérieure qui court le long des côtes arctiques russes est désormais navigable 9 mois par an grâce aux brise-glaces nucléaires mis en service ces 15 dernières années. Et la Russie compte bien rendre ce couloir praticable toute l'année pour en faire une alternative au canal de Suez.
Un trafic en pleine expansion sur le passage du Nord-Est
Depuis 2017, le trafic sur le passage du Nord-Est est passé de 3 à 37 millions de tonnes de marchandises. Une croissance impressionnante tirée par le transport du gaz naturel liquéfié produit dans l'Arctique russe. Le complexe Yamal LNG, l'un des plus grands sites de production de GNL au monde, assure à lui seul les deux tiers de ce trafic.
Malgré ce bond en avant, Vladimir Poutine espérait atteindre 80 millions de tonnes dès 2024, un objectif contrarié par la perte de précieux soutiens européens suite à l'invasion de l'Ukraine. La Norvège, longtemps intéressée par cette route pour exporter son gaz vers l'Asie, a suspendu sa coopération.
La Chine, un partenaire incontournable
Pour réussir son pari arctique, Moscou doit donc se tourner vers Pékin. La Chine a en effet un intérêt stratégique dans le développement des routes polaires, à la fois pour son propre trafic et pour sécuriser son approvisionnement en hydrocarbures russes.
La Russie et la Chine ont signé des accords pour ouvrir des routes entre leurs ports. Et Moscou travaille sur des porte-conteneurs brise-glaces qui pourraient récupérer les marchandises chinoises dans la péninsule du Kamtchatka pour les acheminer jusqu'à Mourmansk.
Hervé Baudu, professeur à l'École nationale supérieure maritime
Des enjeux environnementaux sous-estimés ?
Si les opportunités économiques sont alléchantes, les risques environnementaux d'un trafic accru dans ces eaux fragiles sont eux largement minimisés. Marées noires, collisions avec la faune, perturbations des écosystèmes... Les dangers sont pourtant bien réels.
Mais face aux enjeux stratégiques et énergétiques, les considérations écologiques semblent pour l'instant reléguées au second plan. La Russie est bien décidée à faire de l'Arctique son nouveau terrain de jeu, quitte à sacrifier ce territoire unique et vulnérable sur l'autel des intérêts géopolitiques. Une expansion à haut risque qui soulève de nombreuses inquiétudes.