Le réemploi des emballages en retard sur les objectifs de la loi Agec
Malgré les objectifs ambitieux fixés par la loi Antigaspillage pour une économie circulaire (Agec) de février 2020, le réemploi des emballages peine encore à décoller en France. Selon le dernier bilan publié par l'Agence de la transition écologique (Ademe), seulement 2,2% des emballages mis sur le marché en 2023 étaient réemployés, bien loin des 5% visés. Pour accélérer la transition vers une économie plus circulaire, il est urgent d'innover et de développer des solutions permettant d'améliorer la réutilisation des emballages.
Un taux de réemploi encore faible, notamment pour les emballages ménagers
Sur les 109,4 milliards d'emballages mis en circulation en 2023, seuls 2,4 milliards étaient réemployés d'après l'Ademe, soit un taux global de 2,22%. Si les emballages professionnels font un peu mieux avec 7,1% de réemploi, cela ne compense pas la contre-performance des emballages ménagers qui plafonnent à 1,1% alors qu'ils représentent plus de 80% des volumes. Les éco-organismes chargés de la gestion des différentes catégories d'emballages sont tous en deçà de l'objectif de 5%.
Parmi les emballages ménagers réemployés, on retrouve principalement :
- Les emballages d'économats (sacs, barquettes...) : 61,5%
- Les bouteilles de bière : 8,7%
- Les bouteilles de soda : 7,1%
- Les bouteilles d'eau : 6%
Des initiatives encourageantes mais encore insuffisantes
Malgré ces chiffres décevants, on note tout de même l'émergence de plusieurs initiatives visant à développer le réemploi ces dernières années. De nombreuses startups et entreprises innovantes se sont lancées sur ce créneau pour proposer des solutions concrètes :
- Des services de consigne pour les bouteilles en verre (Ma Bouteille S'appelle Reviens, Jean Bouteille...)
- Des emballages réutilisables pour la vente en vrac (Vrac'n Roll, Day by Day...)
- La création de standards comme la bouteille de vin réutilisable Revinc
Certains industriels et distributeurs s'engagent également en mettant en place des systèmes de réemploi ou en adoptant des emballages réutilisables. C'est le cas de Carrefour qui a lancé ses propres bouteilles consignées ou encore de Häagen-Dazs et ses pots en inox récupérés en magasin. Mais pour généraliser ces démarches, un véritable changement d'échelle est nécessaire.
Innovation et éco-conception au cœur de la transition vers le réemploi
Pour atteindre des taux de réemploi significatifs, l'innovation apparaît comme un levier essentiel, que ce soit en termes de design des emballages, de matériaux utilisés ou de modèles logistiques et économiques :
- Éco-concevoir des emballages robustes et adaptés aux multiples rotations
- Optimiser la logistique inverse pour réduire les coûts et l'impact environnemental
- Développer des matériaux biosourcés et recyclables en complément du verre
- Inventer de nouveaux services et modèles économiques basés sur le réemploi
Les pouvoirs publics ont aussi un rôle à jouer pour créer un cadre incitatif, par exemple via des bonus/malus ou un taux de TVA réduit sur les emballages réemployés. L'enjeu est d'orienter les investissements vers ces solutions d'avenir.
Repenser nos modes de consommation pour favoriser le réemploi
Au-delà des aspects techniques et économiques, le développement du réemploi implique surtout une évolution des comportements. Encore peu familiers de ces pratiques, les consommateurs doivent être sensibilisés aux bénéfices environnementaux et accompagnés dans ce changement.
Le réemploi demande de repenser notre rapport aux emballages et aux produits. Il faut réapprendre des gestes simples comme rapporter sa bouteille ou son contenant, accepter des formats différents… C'est un vrai changement de culture !
– Marie Nowak, autrice de "La Consigne : une solution d'avenir pour les emballages"
Valoriser les initiatives vertueuses, sensibiliser le grand public, faciliter l'accès aux produits et services basés sur le réemploi... Voilà quelques pistes pour ancrer ces nouvelles pratiques dans notre quotidien. Un défi collectif dans lequel chacun a un rôle à jouer, du producteur au consommateur en passant par les distributeurs et les pouvoirs publics.
Face à l'urgence écologique, il est temps d'opérer une véritable révolution de l'emballage en remettant le réemploi au cœur de nos modes de production et de consommation. Les objectifs fixés par la loi Agec sont ambitieux mais atteignables, à condition de libérer l'innovation et la créativité pour inventer les solutions d'emballage de demain, plus durables et circulaires.