L’essor des technologies de pointe dans les Maritimes
Bien que les grands pôles technologiques canadiens comme Toronto et Montréal puissent sembler les leaders évidents dans la course aux technologies de pointe, le Canada atlantique émerge discrètement comme un acteur majeur. Avec sa combinaison unique de conditions de travail, d'environnement de recherche et de proximité industrielle, cette région est en train de se tailler une place de choix sur l'échiquier mondial de l'innovation matérielle.
Un écosystème favorable à l'innovation
Malgré une population relativement faible répartie sur un vaste territoire, le Canada atlantique mise gros sur une industrie où les enjeux sont élevés, les délais plus longs et les règles fondamentalement différentes. Mais ce qui pourrait sembler un handicap se révèle en réalité être un atout.
Comme le souligne Talis Apud-Martinez, directrice associée de l'Emera ideaHUB à l'Université Dalhousie, la région offre un équilibre intéressant entre accessibilité et ambition. Les coûts d'exploitation y sont plus faibles, que ce soit pour l'immobilier commercial ou les talents, tandis que les gouvernements provinciaux ont mis en place des politiques favorables aux entreprises et des opportunités de financement non dilutif.
Des programmes de soutien avantageux
La Nouvelle-Écosse, par exemple, propose des crédits d'impôt couvrant jusqu'à 50% des dépenses admissibles en recherche et développement. Des programmes provinciaux et fédéraux comme l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et le PARI-CNRC offrent également un vaste bassin de financement non dilutif pour aider à couvrir les coûts initiaux élevés des entreprises de technologies de pointe.
Sans ces programmes de financement gouvernementaux, il n'y aurait pas de CarbonCure.
– Jennifer Wagner, ex-présidente de CarbonCure Technologies
Un terrain d'essai naturel
Au-delà du financement, les startups de technologies de pointe doivent aussi relever des défis uniques en matière de développement de produits. Contrairement aux entreprises logicielles qui peuvent itérer rapidement, elles dépendent fortement des premiers clients pour tester et valider leur technologie - un processus souvent plus complexe qu'il n'y paraît.
Là encore, le Canada atlantique est particulièrement bien positionné grâce à sa combinaison de faibles coûts d'exploitation, d'un écosystème très favorable, d'un financement non dilutif abondant et d'opportunités de pilotage sur place. Plusieurs startups en ont déjà profité, à l'image de Myomar Molecular qui a testé son outil de diagnostic de santé musculaire auprès de la population néo-écossaise avant son lancement officiel.
Une communauté interconnectée
Shelley King, PDG fondatrice de Natural Products Canada, souligne que le lancement et le pilotage de matériel sont facilités dans l'est du pays grâce à la communauté collaborative et étroitement liée de la région. On y voit souvent des entreprises de secteurs différents collaborer, une proximité rendue possible par l'empreinte géographique réduite où "tout le monde semble connaître tout le monde".
Un dense réseau d'incubateurs, d'accélérateurs et d'organismes comme Ocean Supercluster, Volta, Propel ou Innovacorp offre également un solide système de soutien en matière d'espace, de ressources, de mentorat et de réseautage aux startups de technologies de pointe. L'Emera ideaHUB de l'Université Dalhousie en est un parfait exemple, proposant des laboratoires, des conseils pratiques et un accès à des partenariats industriels sans prise de participation.
La courbe d'apprentissage du capital-risque
Malgré ces atouts, l'investissement privé dans les technologies de pointe reste en retrait par rapport à d'autres régions canadiennes. La transition du logiciel au matériel amplifie les défis, notamment en termes d'éducation des investisseurs confrontés à une forte courbe d'apprentissage.
Comme l'explique Talis Apud-Martinez, le modèle standard du SaaS B2B ne fonctionne tout simplement pas pour le matériel. Il faut des investisseurs à l'aise pour évaluer la propriété intellectuelle universitaire, comprendre des fondateurs au profil technique pointu et appréhender les réalités de la mise à l'échelle. Surtout, ils doivent faire preuve de patience, les investissements matériels pouvant prendre 40% plus de temps à mûrir que dans le logiciel.
Mais pour ceux prêts à gravir cette courbe d'apprentissage, les récompenses peuvent être de taille. Des success stories mondiales émergent déjà de la région, comme Kraken Robotics qui collabore avec les agences militaires du monde entier pour chasser les mines marines avec ses robots et capteurs de pointe. Avec des entreprises ayant "un potentiel énorme pour améliorer nos vies", le Canada atlantique semble prêt à devenir un leader mondial des technologies de pointe pour peu que les investisseurs soient au rendez-vous.