La French Tech peine à lever des fonds en 2024 malgré l’IA
Après une année 2023 déjà en deçà des espérances, les levées de fonds des startups françaises ont poursuivi leur décrue en 2024. Selon le baromètre du cabinet In Extenso, les jeunes pousses hexagonales ont collecté 8,1 milliards d'euros l'an dernier, soit une baisse de 10% par rapport à 2023. Le nombre d'opérations recule encore plus fortement avec seulement 822 tours de table, un repli de 18%. Cette tendance morose démontre une frilosité des investisseurs mais traduit aussi un changement d'approche des startups, moins enclines à recourir systématiquement aux financements extérieurs.
L'IA et les greentechs tirent leur épingle du jeu
Dans ce contexte de disette, certains secteurs parviennent cependant à tirer leur épingle du jeu. C'est le cas de l'intelligence artificielle qui capte trois des cinq plus grosses levées de l'année :
- HR-Path, spécialiste RH et paye, lève 500 millions d'euros
- Poolside, startup IA qui vient d'installer son siège à Paris, récolte 475 millions d'euros
- Mistral, autre pépite IA en langue naturelle, boucle un tour de 468 millions d'euros
Les greentechs affichent aussi de belles performances. La startup de recharge de véhicules électriques Electra mobilise 304 millions d'euros, tandis qu'Hysetco, spécialiste de la mobilité hydrogène, lève 200 millions. Des montants qui démontrent que les défis climatiques restent une priorité pour les investisseurs.
Un second semestre en forte baisse
Malgré ces opérations significatives, le bilan global de l'année reste négatif. Les auteurs du baromètre observent un net ralentissement à partir du mois de juin, qu'ils attribuent en partie à la dissolution de l'Assemblée par le président Emmanuel Macron :
Le premier semestre était encourageant avec un maintien du niveau d'investissement de l'année précédente dans nos start-up. En revanche, le second semestre marque un tassement très net sans aller au décrochage.
– Jacques Meler, coprésident de France Angels
Certains groupements d'entreprises, incubateurs et fonds d'investissement ont alors fait part de fortes inquiétudes face à ce contexte politico-économique incertain. Une prudence qui a fortement pesé sur les tours de table des six derniers mois.
L'amorçage résiste, les startups misent sur la rentabilité
En analysant de plus près les statistiques, on note que le segment de l'amorçage tire plutôt bien son épingle du jeu. Les levées inférieures à 2 millions d'euros représentent plus de 40% des opérations en 2024. Un signe encourageant qui montre que l'écosystème startup français reste dynamique et attractif pour les business angels et fonds early-stage.
D'ailleurs, la baisse des montants levés ne signifie pas pour autant que la French Tech va mal. De nombreuses startups, notamment les plus matures, se détournent délibérement des levées pour privilégier la rentabilité. Réaliser un tour de table est chronophage et dilue le capital. Certaines jeunes pousses préfèrent donc s'autofinancer via leur activité plutôt que de dépendre des investisseurs. « Les startups les plus performantes, ayant atteint cette rentabilité, voient moins d'intérêt à obtenir de nouveaux financements », analysent les experts d'In Extenso.
Cette tendance contraste avec les années précédentes où la quête permanente de financement était la norme. Mais les temps changent. Dans un environnement économique complexe, combiné au resserrement des valorisations tech, gérer ses ressources avec parcimonie devient clé. Cela ne signifie pas la fin des méga-levées, toujours indispensables dans les secteurs très intensifs en capital comme les biotechs ou le deeptech. Néanmoins, pour le reste de la French Tech, la course aux gros tickets n'est plus une fin en soi. Ajuster son modèle rapidement pour viser la profitabilité devient la priorité numéro un.