Comment les Cryptomonnaies de Trump Révèlent les Enjeux du Secteur
Les cryptomonnaies n'en finissent pas de faire parler d'elles. Dernière actualité en date : le lancement très médiatisé des tokens $TRUMP et $MELANIA dans la foulée de l'investiture de Donald Trump, 47ème président des États-Unis. Si l'arrivée d'un nouveau projet crypto n'a en soi rien d'exceptionnel dans cet écosystème foisonnant, la particularité ici est que ces actifs numériques sont étroitement liés à la société de l'homme d'affaires devenu chef d'État. Un mélange des genres qui soulève d'épineuses questions sur les conflits d'intérêts et la nécessaire régulation du secteur.
Des cryptos présidentielles qui inquiètent
Baptisés $TRUMP et $MELANIA, en référence au couple présidentiel, ces deux tokens ont fait une entrée fracassante sur le marché des cryptomonnaies. Dévoilés lors du premier week-end de l'ère Trump, ils ont rapidement attiré des milliards de dollars. Problème : ces actifs numériques sont détenus à 80% par une filiale de The Trump Organization et une autre entité opaque. Difficile dans ce contexte de ne pas y voir un dangereux mélange des genres entre la fonction présidentielle et les intérêts privés de Donald Trump.
Si le nouveau locataire de la Maison Blanche a promis de confier la gestion de ses actifs à ses enfants, cela n'est pas vraiment de nature à dissiper les craintes. Loin des règles de déontologie et de transparence qu'on est en droit d'attendre d'un chef d'État, ces cryptomonnaies "familiales" font redouter de graves conflits d'intérêts. D'autant que leur lancement s'accompagne d'un autre projet nébuleux, World Liberty Financial, qui utilise également la blockchain pour lever des fonds.
Le casse-tête de la régulation
Au-delà du cas Trump, cette situation met en lumière les immenses difficultés à réguler le secteur des cryptomonnaies. Portées par un engouement spéculatif, celles-ci échappent encore largement au cadre légal traditionnel. Leurs promoteurs arguent que c'est justement tout l'intérêt de ces actifs décentralisés. Mais l'absence de règles du jeu expose à de nombreuses dérives : blanchiment, financement d'activités illicites, manipulations de cours, arnaques en tout genre... Sans parler des risques pour la stabilité financière en cas de krach.
Conscients du problème, les régulateurs tentent de reprendre la main, à l'image de la SEC (gendarme boursier américain) qui s'apprête à durcir ses exigences. Mais dans le même temps, l'administration Trump laisse entendre qu'elle pourrait assouplir le cadre pour favoriser l'innovation, dans une logique très libérale. Un discours qui fait saliver l'écosystème crypto mais qui inquiète ceux qui réclament des garde-fous.
L'avenir incertain du bitcoin et des principales cryptos
La fascination de Donald Trump pour les cryptoactifs n'est pas nouvelle. Lors de la dernière campagne présidentielle, il avait évoqué la création d'une "crypto-dollar", avant d'y renoncer. Son entourage compte aussi plusieurs fervents promoteurs des monnaies numériques, convaincus de leur potentiel de disruption. Mais ce soutien de poids aura-t-il des retombées concrètes ? Rien n'est moins sûr.
Certes, le bitcoin et les principales cryptodevises ont atteint des records à l'annonce de l'élection de Trump, portés par l'espoir d'une politique favorable. Mais le soufflé est vite retombé face à l'absence d'annonces concrètes sur le sujet lors de son investiture. Les acteurs du secteur réalisent que les changements seront plus lents que prévu et que les pressions réglementaires ne vont pas disparaître du jour au lendemain.
Le marché a de grandes attentes concernant une réserve stratégique de bitcoins et un assouplissement des réglementations sur les actifs numériques, mais il est plus probable que ces développements se fassent au compte-gouttes sur plusieurs mois.
Matthew Dibb, directeur des investissements chez Astronaut Capital
Malgré un soutien de façade, la présidence Trump laisse donc planer le doute sur ses réelles intentions. Le bitcoin a d'ailleurs rechuté après un pic à plus de 100 000 dollars. Quant aux tokens $TRUMP et $MELANIA, après un démarrage tonitruant, ils ont vu leur valeur divisée par deux face au scepticisme des investisseurs. Les prochains mois seront décisifs pour jauger de la volonté de la Maison Blanche d'utiliser les cryptos comme un instrument politique.
Un défi pour la démocratie à l'ère numérique
Au final, le feuilleton des cryptomonnaies trumpiennes illustre parfaitement les immenses défis posés à nos démocraties par les technologies de rupture. Dans un monde où l'essentiel de la valeur se joue désormais dans l'économie numérique, les risques de collusion entre le pouvoir politique et les intérêts financiers n'ont jamais été aussi prégnants.
Il y a fort à parier que le sujet sera au cœur des prochains débats sur le Capitol Hill et au-delà. Comment préserver l'intégrité de la vie publique à l'heure de la blockchain et des levées de fonds en trois clics ? Comment protéger les citoyens des arnaques et de la spéculation effrénée sans entraver l'innovation ? C'est tout l'enjeu d'une régulation équilibrée, seule à même de canaliser le potentiel de transformation des cryptos sans mettre en péril les fondements de notre contrat social. Un défi immense pour le nouveau président, lui-même au cœur de la tourmente. L'avenir nous dira s'il aura réussi son pari... ou cédé aux sirènes des conflits d'intérêts.
