Le sang d’huître, nouvelle arme contre les infections
Face à la multiplication des bactéries résistantes aux antibiotiques, la recherche de nouvelles molécules antibactériennes est devenue un enjeu de santé publique majeur. Et la nature regorge encore de surprises en la matière ! Des chercheurs viennent en effet de découvrir dans un organisme marin bien connu, l'huître, des protéines sanguines dotées de remarquables propriétés antibactériennes.
L'hémocyanine d'huître, un nouvel espoir antibactérien
L'hémocyanine est une protéine chargée du transport de l'oxygène chez de nombreux invertébrés, jouant un rôle similaire à l'hémoglobine chez les vertébrés. Mais au-delà de cette fonction respiratoire, des scientifiques de l'Université de Swansea au Pays de Galles ont mis en évidence que l'hémocyanine extraite de l'huître creuse possédait également une activité antibactérienne puissante.
Testée sur différentes souches bactériennes pathogènes pour l'homme, comme Escherichia coli ou Staphylococcus aureus, l'hémocyanine d'huître a démontré une efficacité remarquable pour inhiber leur croissance. Encore plus intéressant, elle s'est avérée capable de potentialiser l'action d'antibiotiques courants comme l'ampicilline ou la gentamicine, y compris sur des souches qui leur étaient devenues résistantes.
L'hémocyanine d'huître pourrait devenir un adjuvant précieux des traitements antibiotiques, restaurant leur efficacité sur les bactéries multirésistantes.
– Dr. Christopher Coates, responsable de l'étude
Une piste prometteuse à approfondir
Si le mode d'action précis de l'hémocyanine reste à élucider, les chercheurs supposent qu'elle pourrait agir en déstabilisant les membranes bactériennes, facilitant ainsi la pénétration des antibiotiques dans les cellules. Des analyses plus poussées sont en cours pour identifier les séquences peptidiques actives au sein de la protéine.
L'étude ouvre en tout cas des perspectives enthousiasmantes dans la lutte contre l'antibiorésistance. À l'heure où les infections nosocomiales causées par des bactéries multirésistantes se multiplient, toute nouvelle piste thérapeutique est la bienvenue. L'hémocyanine d'huître pourrait ainsi donner naissance à une nouvelle classe d'agents antibactériens d'origine naturelle, moins susceptibles d'induire des résistances.
Les invertébrés marins, une mine d'or à explorer
Plus largement, cette découverte confirme l'intérêt de se pencher sur les mécanismes de défense immunitaire des invertébrés marins. Confrontés en permanence à une multitude de microbes dans leur environnement, beaucoup ont développé au cours de l'évolution des peptides antimicrobiens d'une redoutable efficacité.
Chez les crevettes, les crabes ou les moules, plusieurs familles de ces molécules aux noms évocateurs (défensines, myticines, crustines...) ont déjà été caractérisées. Certaines font l'objet de développements prometteurs, que ce soit sous forme de médicaments ou même d'additifs alimentaires antibactériens. Avec l'hémocyanine d'huître, c'est une nouvelle pépite marine qui fait son entrée dans la course aux antibiotiques du futur.
Vers des antibiotiques bio-inspirés durables ?
Au-delà de leur efficacité, ces substances antibactériennes d'origine marine pourraient présenter un autre atout de taille : leur durabilité. Contrairement aux antibiotiques classiques issus de la pétrochimie, elles sont en effet biodégradables et leur production pourrait s'inscrire dans une logique d'économie circulaire vertueuse.
On peut ainsi imaginer extraire ces précieuses molécules à partir des coproduits de l'industrie ostréicole et aquacole, dans une démarche zéro déchet. La mer recèle décidément de nombreux trésors thérapeutiques qu'il ne tient qu'à nous d'exploiter de façon raisonnée. Et si l'avenir des antibiotiques se trouvait dans le sang bleu des huîtres ?
