
Porsche et Volkswagen : La Restructuration de l’Industrie Automobile Allemande
L'automobile, pilier de l'industrie allemande, traverse une zone de turbulences sans précédent. Porsche et Volkswagen, fleurons nationaux, viennent d'annoncer la suppression de milliers d'emplois. Frappés par la chute des ventes et une transition électrique à marche forcée, les constructeurs réorganisent leur outil industriel en profondeur. Décryptage d'une crise qui ébranle le « made in Germany ».
Porsche : 1900 suppressions de postes supplémentaires
Le constructeur de voitures de luxe Porsche, détenu à 75% par Volkswagen, doit revoir ses ambitions à la baisse. Un premier plan de restructuration avait déjà entraîné le non-renouvellement de 1500 contrats à durée déterminée en 2024. Mais cela n'a pas suffi. La direction a annoncé la suppression de 1900 emplois supplémentaires d'ici à 2029, sur ses principaux sites de Stuttgart-Zuffenhausen et Weissach.
Certes, la marque aux voitures de sport préserve mieux l'emploi que sa maison-mère. Mais elle n'échappe pas aux défis de la transition électrique, qui exige de lourds investissements, et à la baisse des ventes dans un marché en berne.
Volkswagen : plus de 35 000 postes menacés
Chez Volkswagen, les coupes sont encore plus sévères. Le groupe de Wolfsburg prévoit de supprimer plus de 35 000 postes d'ici à 2030. Il va également fermer définitivement son usine de Dresde (Saxe) fin 2025. Ce site ultramoderne, ouvert en fanfare en 2002 pour assembler des modèles haut de gamme, n'aura pas résisté au marasme du marché.
L'industrie automobile traverse des défis sans précédent. Il faut réduire les coûts et investir massivement dans l'électrique, tout en subissant une chute des ventes. C'est un vrai casse-tête pour les constructeurs.
– Ferdinand Dudenhöffer, expert de l'automobile
Audi et Mercedes aussi touchés
La vague de restructuration n'épargne aucun grand constructeur allemand. Audi, autre filiale haut de gamme de Volkswagen, prépare aussi un plan d'économies. Il entraînera la fermeture de son usine de Bruxelles et le redéploiement de ses 3000 employés.
Même Mercedes-Benz, qui semblait jusqu'ici mieux résister, vient d'annoncer un vaste plan d'économies. Il prévoit plusieurs milliards d'euros de réductions de coûts et une refonte de sa gamme pour privilégier les modèles les plus rentables.
La transition électrique rebat les cartes
Au cœur de la tourmente : la transition vers la voiture électrique. L'Europe a décidé d'interdire les moteurs thermiques en 2035. Les constructeurs doivent donc électrifier à marche forcée leur gamme, ce qui exige des dizaines de milliards d'investissements.
Or, la conception d'un véhicule électrique nécessite moins de main-d'œuvre qu'un modèle thermique. Selon une étude, le passage à l'électrique pourrait menacer 100 000 emplois rien qu'en Allemagne. Soit un dixième des effectifs de la branche.
La voiture électrique, c'est un peu la double peine pour l'emploi automobile. Il y a moins de travail en usine, et ça accélère la délocalisation de la production de batteries en Asie.
– Franck Dansaert, syndicaliste FGTB
Vers une consolidation du secteur ?
Face au choc, les experts prédisent une vague de consolidation. Seuls les constructeurs ayant une taille critique et les moyens d'investir dans l'électrique pourront s'en sortir. Les marques les plus faibles risquent de disparaître ou d'être absorbées.
Les équipementiers sont aussi fragilisés, avec la disparition annoncée de pièces stratégiques comme le moteur et la boîte de vitesses. Certains tentent une diversification dans les bornes de recharge ou les batteries. D'autres, comme l'allemand Continental, suppriment massivement des emplois.
À terme, seule une poignée de grands constructeurs et équipementiers devrait subsister au niveau mondial. Les petits acteurs vont beaucoup souffrir et risquent de disparaître.
- Nils Jannsen, économiste à l'institut Kiel
Le défi de la compétitivité
Pour s'en sortir, la survie de l'automobile allemande passera donc par une cure d'amaigrissement et une réduction des coûts drastique. Les constructeurs n'auront pas le choix pour rester compétitifs face à une concurrence mondiale exacerbée.
Certains misent aussi sur une montée en gamme, en se recentrant sur les véhicules haut de gamme et premium, aux marges plus élevées. Une stratégie adoptée par Mercedes, qui va abandonner les petits modèles peu rentables. D'autres, comme Volkswagen, veulent miser sur leur avance technologique dans l'électrique.
Une chose est sûre : pour préserver ses usines et ses savoir-faire dans la mobilité du futur, le « made in Germany » automobile doit réussir sa mue, et vite. L'avenir d'une industrie clé, forte de 800 000 emplois directs, en dépend.