Pierre Lannier : La Relocalisation Horlogère en France
Et si le savoir-faire français retrouvait ses lettres de noblesse à travers une montre élégante posée sur votre poignet ? Dans un monde où la production de masse et les coûts réduits dominent, une entreprise alsacienne défie les conventions. Pierre Lannier, marque familiale née en 1977, mise sur une stratégie audacieuse : relocaliser sa fabrication en France tout en grimpant les échelons du luxe. Une aventure qui mêle héritage, innovation et un zeste de patriotisme économique.
Pierre Lannier : Une Renaissance Made in France
Imaginez un atelier niché dans le brouillard alsacien, à Ernolsheim-lès-Saverne, où une quinzaine d’artisans façonnent des garde-temps avec une précision chirurgicale. Depuis ses débuts, Pierre Lannier s’est forgé une réputation dans l’horlogerie accessible. Mais face à la concurrence chinoise des années 2000, l’entreprise a dû faire un choix : délocaliser ou se réinventer. Aujourd’hui, elle opte pour une troisième voie, pleine de panache.
Un Passé à Madagascar, un Futur en Alsace
Au tournant du millénaire, la mondialisation frappe fort. Les montres low-cost envahissent les vitrines, et Pierre Lannier décide de s’installer à Madagascar. Là-bas, un atelier voit le jour, profitant de coûts salariaux dérisoires – environ 50 euros par mois. À cette époque, la production française chute à 15 % seulement. Mais ce choix, bien que pragmatique, ne dure qu’un temps.
En 2013, porté par une vague de **relocalisation** et une demande croissante pour le *Made in France*, Pierre Burgun, PDG et fils du fondateur, prend un virage décisif. L’objectif ? Ramener la majorité de la fabrication en Alsace. Pari tenu : en 2024, 82 % des montres sortent des ateliers français. Une transition qui demande des sacrifices, mais aussi une vision claire.
« La différence de coût entre Madagascar et l’Alsace est de 3,60 euros par montre. Mais le *Made in France* a une valeur inestimable pour nos clients. »
– Pierre Burgun, PDG de Pierre Lannier
Montée en Gamme : Le Luxe à la Française
Relocaliser, c’est bien. Mais pour que cela fonctionne, Pierre Lannier ajuste son positionnement. Fini les montres à 80 euros en moyenne : place à des modèles vendus autour de 150 euros aujourd’hui. Et ce n’est qu’un début. En octobre 2024, la marque lance la gamme *1977*, un clin d’œil à ses origines, avec des prix oscillant entre 1 577 et 1 777 euros.
Ces montres, labellisées *Origine France Garantie*, incarnent un savoir-faire tricolore poussé à son paroxysme. Le mouvement vient de France Ebauches, dans le Doubs, le cuir d’une tannerie alsacienne. Seuls les cadrans, encore importés de Suisse, rappellent que l’horlogerie reste un art transfrontalier. Cette montée en gamme séduit, notamment au Japon, friand de produits authentiques.
Un Atelier Réinventé pour l’Avenir
Pour soutenir cette ambition, Pierre Lannier investit lourdement. En 2024, 250 000 euros sont injectés dans la modernisation de l’atelier alsacien. Une machine pour poser les aiguilles, un graveur laser autonome, un flux laminaire pour éviter la moindre particule de poussière : l’innovation est au cœur du projet. Pourtant, l’automatisation complète reste hors de portée.
« Dans l’horlogerie, tout repose sur la main humaine », explique Raphaël Plaza, directeur des opérations. Cette dépendance au savoir-faire artisanal rend chaque pièce unique, mais complique aussi le recrutement. Les apprenants en CAP horlogerie rêvent de Suisse, pas d’Alsace. Un défi que l’entreprise relève avec patience.
Les Défis de la Relocalisation
Passer de Madagascar à la France, c’est accepter une hausse des coûts. Si tout était resté offshore, Pierre Lannier économiserait 600 000 euros par an. Mais ce choix ne se mesure pas qu’en chiffres. Il s’agit de défendre une identité, de répondre à une demande de **production locale** et de séduire une clientèle prête à payer pour la qualité.
Voici les principaux obstacles surmontés par l’entreprise :
- Augmentation des coûts salariaux en France par rapport à Madagascar.
- Difficulté à recruter des artisans qualifiés localement.
- Nécessité d’investir dans des équipements modernes sans automatisation totale.
L’Export : Une Ambition Internationale
Si le *Made in France* est un argument de vente en interne, il brille aussi à l’étranger. Avant la crise sanitaire, l’export pesait 4 millions d’euros dans le chiffre d’affaires de 16 millions. Aujourd’hui, ce montant est tombé à 2,5 millions. Mais Pierre Lannier ne baisse pas les bras : l’objectif est d’atteindre 50 % de ventes internationales d’ici cinq ans.
L’Arabie saoudite, avec son appétit pour le luxe, est dans le viseur. Mais la marque distribue déjà dans 50 pays, preuve que le savoir-faire alsacien voyage bien. Chaque montre devient une ambassadrice d’un art de vivre à la française, mêlant tradition et modernité.
Pourquoi Cette Relocalisation Inspire
L’histoire de Pierre Lannier n’est pas qu’une success-story industrielle. Elle raconte une résistance face à la délocalisation massive, une foi dans les compétences locales et une adaptation aux attentes d’un marché en mutation. En choisissant la **montée en gamme**, l’entreprise prouve qu’on peut concilier rentabilité et valeurs.
Et vous, seriez-vous prêt à payer plus pour une montre fabriquée près de chez vous ? C’est la question que pose Pierre Lannier, et sa réponse semble séduire de plus en plus de monde.
Pour résumer, voici les clés de cette transformation :
- Un retour progressif à une production française (82 % en 2024).
- Une montée en gamme avec des montres haut de gamme comme la *1977*.
- Des investissements ciblés dans la modernisation des ateliers.
- Une ambition d’export pour conquérir de nouveaux marchés.
À Ernolsheim-lès-Saverne, le brouillard se lève peu à peu. Et avec lui, une marque qui redonne du temps au savoir-faire français.