EDF et l’Avenir Électrique : 150 TWh d’Innovation d’Ici 2035

Imaginez un monde où l’électricité devient le moteur principal de nos vies, remplaçant peu à peu les énergies fossiles. C’est exactement ce que vise EDF avec son nouveau plan stratégique dévoilé en février 2025. Lors de la présentation des résultats financiers 2024, Luc Rémont, PDG d’EDF, a surpris son audience en annonçant un objectif ambitieux : augmenter la consommation électrique en France de **150 térawattheures (TWh)** d’ici 2035. Une statistique qui interpelle et qui pose une question : comment l’électricien compte-t-il transformer notre rapport à l’énergie dans les dix prochaines années ?

Une Vision Électrique Audacieuse pour 2035

EDF ne se contente pas de produire de l’électricité ; l’entreprise veut redéfinir la manière dont nous la consommons. Avec une production en hausse – passée de 468 TWh en 2023 à 520 TWh en 2024 – l’énergéticien doit désormais relever un défi de taille : éviter la surcapacité tout en soutenant la décarbonation. Cette stratégie nommée *Ambitions 2035* ne tombe pas du ciel : elle répond à une stagnation de la demande française, bloquée autour de 450 TWh depuis deux décennies.

Pourquoi 150 TWh Supplémentaires ?

La réponse est simple mais ambitieuse : faire de l’électricité le choix privilégié des Français. Luc Rémont l’explique avec une formule percutante :

« Nous voulons faire préférer l’électricité à nos clients, notamment industriels, pour accompagner la décarbonation. »

– Luc Rémont, PDG d’EDF

Ce n’est pas une simple lubie. Avec la transition énergétique, la part de l’électricité dans la consommation finale d’énergie doit grimper de 27 % aujourd’hui à **39 % en 2035**. Mais pour l’instant, cette bascule tarde à se concrétiser, et EDF doit stimuler la demande pour écouler sa production croissante.

La Mobilité Électrique : La Clé de la Moitié du Pari

Sur ces 150 TWh supplémentaires, près de la moitié viendra de la **mobilité électrique**. EDF mise gros sur les voitures, camions et infrastructures de recharge. Si les particuliers adoptent déjà les véhicules électriques, l’énergéticien veut accélérer cette tendance en ciblant les flottes professionnelles et les habitats collectifs.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2023 et 2024, les exportations d’électricité ont bondi de 78 %, atteignant un record de 89 TWh. Cela montre une production abondante, mais aussi une consommation locale qui ne suit pas. La mobilité électrique pourrait inverser cette tendance, en créant une demande stable et prévisible.

Datacenters : Les Géants de la Donnée en Renfort

Et si les datacenters devenaient les nouveaux alliés d’EDF ? Avec la montée en puissance de l’intelligence artificielle et du cloud, ces centres de données énergivores sont une opportunité en or. EDF prévoit de convertir six anciens sites de production déjà connectés au réseau pour attirer ces géants technologiques étrangers.

Un tiers des 150 TWh supplémentaires pourrait ainsi provenir de ces « nouvelles activités liées aux données ». Avec une électricité nucléaire à faible empreinte carbone, la France a une carte à jouer face à des pays concurrents aux réseaux moins verts.

Décarboner l’Industrie et les Bâtiments

Les deux tiers restants se répartissent équitablement entre l’industrie et les bâtiments. Pour les usines, EDF pousse des **contrats à long terme** offrant une visibilité sur les prix, un atout pour les industriels hésitant à investir dans la décarbonation. En 2024, l’énergéticien a signé 6 000 contrats pour 22 TWh en 2028 et 12 TWh en 2029 – un début prometteur.

Côté bâtiments, les pompes à chaleur et la géothermie sont mises en avant. Ces technologies, bien que coûteuses à installer, réduisent drastiquement les émissions de CO2. EDF veut accompagner cette transition avec des offres adaptées, même si le rythme reste lent.

Flexibilité : Une Révolution Silencieuse

Produire plus, c’est bien ; consommer intelligemment, c’est mieux. EDF planifie d’ajouter **2,1 GW de flexibilité** d’ici 2035 dans quatre pays, dont la France. Cela passe par des heures creuses repensées – dès l’été 2025, elles incluront le milieu de journée pour profiter du solaire – et des offres incitant les clients à décaler leur consommation.

Cette flexibilité est cruciale face aux **prix négatifs**, un phénomène en hausse (15 % du temps en 2024 contre 5 % en 2023). Trop d’énergie solaire en journée force EDF à moduler ses réacteurs nucléaires, avec des arrêts temporaires qui inquiètent l’Autorité de sûreté nucléaire.

Les Quatre Piliers d’Ambitions 2035

Le plan d’EDF ne se limite pas à booster la consommation. Voici ses quatre axes stratégiques :

• Décarbonation : Réduire les émissions de 45 MtCO2 par an dans quatre pays.
• Production : Livrer deux EPR par an dès 2035 et 8 GW d’énergies renouvelables.
• Flexibilité : Ajouter 27 GW via stockage et actifs modulables.
• Réseau : Rendre les zones isolées 100 % renouvelables.

Chaque pilier est une pièce du puzzle pour faire de l’électricité le cœur de la transition énergétique. Mais ces objectifs soulèvent des questions : les infrastructures suivront-elles ?

Les Défis Techniques et Politiques

Construire six nouveaux réacteurs EPR, c’est un pari coûteux et chronophage. EDF reste flou sur les délais et les budgets, malgré une promesse de deux EPR par an dès 2035. Par ailleurs, freiner le solaire sur toiture – une décision gouvernementale récente – pourrait ralentir les renouvelables, au risque de déséquilibrer le mix énergétique.

Sur le plan politique, EDF appelle à un « clean industrial deal » européen pour soutenir les investissements industriels. Sans aides publiques conséquentes, les entreprises risquent de rester frileuses face aux coûts de la décarbonation.

Un Regard Vers l’Avenir

Avec *Ambitions 2035*, EDF ne se contente pas de suivre la transition énergétique : elle veut la façonner. Réduire l’intensité carbone de sa production à **22 gCO2/kWh** (contre 30 aujourd’hui), attirer les datacenters, électrifier les transports… Ces projets dessinent une France plus verte, mais aussi plus dépendante de l’électricité.

Reste une inconnue : les Français adopteront-ils massivement ce virage électrique ? Pour Luc Rémont, la réponse est dans l’action : accompagner, convaincre et innover. D’ici 2035, EDF pourrait bien avoir redéfini notre quotidien énergétique.