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Le Royaume-Uni Durcit sa Lutte Contre le Porno Deepfake
Saviez-vous qu’en 2023, les signalements d’abus liés aux images deepfake ont dépassé tous les chiffres des années précédentes combinées ? Au Royaume-Uni, ce fléau numérique, alimenté par l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle, préoccupe de plus en plus les autorités. Face à cette menace grandissante, l’Ofcom, le régulateur britannique de la sécurité en ligne, vient de publier un projet de recommandations visant à enrayer les dérives, notamment celles ciblant les femmes et les jeunes filles. Plongeons dans cette initiative ambitieuse qui pourrait redéfinir les règles du jeu sur internet.
Une Réponse Ferme à une Menace Croissante
Le développement des outils d’IA générative a ouvert une boîte de Pandore. Si ces technologies fascinent par leur capacité à créer des contenus réalistes, elles sont aussi détournées pour produire des **deepfakes porno**, souvent à l’insu des victimes. L’Online Safety Act (OSA), adopté en septembre 2023 par le Parlement britannique, place désormais la protection des femmes au cœur de ses priorités, avec des mesures visant à juguler ces abus numériques.
L’Online Safety Act : un cadre juridique audacieux
L’OSA n’est pas une simple loi symbolique. Elle impose aux plateformes numériques des obligations claires pour limiter les contenus illégaux, avec des amendes pouvant atteindre **10 % de leur chiffre d’affaires annuel mondial** en cas de non-respect. Mais son déploiement prend du temps, et les critiques fusent : certains estiment qu’elle manque de mordant face aux géants du web, tandis que d’autres s’impatientent devant la lenteur de sa mise en œuvre.
Pourtant, Jessica Smith, qui a piloté les nouvelles recommandations chez Ofcom, reste optimiste. Dans une interview récente, elle a souligné que les premières obligations entreront en vigueur dès mars 2025, marquant un tournant dans la lutte contre les contenus illicites.
« Les premiers devoirs de l’Online Safety Act débutent le mois prochain. Nous allons enfin pouvoir agir sur les priorités essentielles. »
– Jessica Smith, responsable du projet chez Ofcom
Protéger les femmes : une priorité affichée
Les femmes et les filles sont disproportionnellement touchées par les violences en ligne. Qu’il s’agisse de **misogynie numérique**, de harcèlement collectif ou d’abus d’images intimes, l’Ofcom a identifié quatre axes majeurs à traiter. Leur nouvelle feuille de route, élaborée avec des victimes et des experts, propose des solutions concrètes pour réduire ces risques.
Parmi les mesures phares, l’accent est mis sur une approche dite « safety by design ». Autrement dit, les entreprises technologiques sont invitées à repenser leurs produits dès la conception pour minimiser les dérives. Un exemple ? Supprimer par défaut la géolocalisation pour éviter les traques ou intégrer des alertes incitant les utilisateurs à réfléchir avant de publier des contenus offensants.
Deepfakes : l’explosion d’un phénomène inquiétant
Le cas des deepfakes porno illustre parfaitement l’urgence de la situation. En exploitant des algorithmes d’IA, des individus mal intentionnés créent des images ou vidéos falsifiées, souvent à caractère sexuel, sans le consentement des personnes représentées. Selon Ofcom, les signalements de ces abus en 2023 ont pulvérisé tous les records, dépassant l’ensemble des cas recensés auparavant.
Face à cette vague, le régulateur propose une arme technologique : le **hash matching**. Cette technique permet de détecter et supprimer automatiquement les contenus illicites en comparant leurs empreintes numériques. Une avancée qui pourrait changer la donne, même si son adoption généralisée reste un défi.
Safety by Design : repenser la technologie
Et si la clé résidait dans la prévention plutôt que dans la répression ? L’Ofcom pousse les plateformes à adopter une philosophie proactive. Jessica Smith insiste : trop souvent, les entreprises déploient des outils sans anticiper leurs potentielles dérives. Les deepfakes en sont un exemple criant.
Voici quelques bonnes pratiques suggérées :
- Effectuer des tests d’« abusabilité » pour repérer les failles exploitables.
- Renforcer la sécurité des comptes utilisateurs.
- Proposer des outils de signalement simples et accessibles.
Mais ces mesures suffiront-elles face à des acteurs comme X ou Meta, qui semblent parfois privilégier la liberté d’expression au détriment de la sécurité ? La question reste en suspens.
Les géants du web dans le viseur
Depuis qu’Elon Musk a repris Twitter (devenu X), les équipes dédiées à la confiance et à la sécurité ont été drastiquement réduites. Meta, de son côté, suit une voie similaire en abandonnant certains partenariats de vérification au profit d’un système participatif. Ces choix suscitent des inquiétudes quant à l’efficacité de l’OSA face aux grands acteurs.
Pour contrer cela, Ofcom mise sur la transparence. Dès que les recommandations seront finalisées, un rapport évaluera les pratiques des plateformes, mettant en lumière celles qui protègent – ou non – leurs utilisateurs. Une stratégie de « name and shame » qui pourrait pousser les entreprises à agir.
Un calendrier ambitieux mais lointain
Le projet actuel est encore en phase de consultation, ouverte jusqu’au 23 mai 2025. La version définitive des recommandations verra le jour fin 2025, mais leur application complète n’interviendra pas avant 2027. Un délai qui frustre certains observateurs, impatients de voir des résultats tangibles.
Cependant, Jessica Smith défend cette approche progressive :
« Il est essentiel de consulter les parties prenantes pour garantir des mesures efficaces. Mais dès mars, la conversation avec les plateformes va changer. »
– Jessica Smith, dans une déclaration à TechCrunch
Vers un internet plus sûr ?
L’initiative de l’Ofcom marque un pas audacieux vers un web plus respectueux des droits des femmes. En combinant régulation stricte, technologies innovantes et sensibilisation, le Royaume-Uni tente de reprendre le contrôle d’un espace numérique souvent perçu comme une zone de non-droit.
Mais le défi reste colossal. Entre les résistances des géants technologiques, l’évolution rapide des outils d’IA et les attentes des utilisateurs, l’équilibre entre sécurité et liberté est fragile. Une chose est sûre : les regards seront tournés vers 2027 pour évaluer les premiers effets de cette révolution numérique.