Comment le Pacte Industriel Réduit les Coûts Énergétiques
Imaginez une Europe où les usines tournent à plein régime sans craindre des factures énergétiques exorbitantes. Le 26 février 2025, la Commission européenne a dévoilé son « Pacte pour une Industrie Propre », une réponse ambitieuse à la crise énergétique qui freine la compétitivité industrielle. Avec des prix de l’électricité en hausse de 97 % par rapport à la moyenne 2014-2020 pour les PME, ce plan pourrait-il vraiment changer la donne ? Plongeons dans cette initiative qui mêle décarbonation et pragmatisme économique.
Un Tournant pour l’Industrie Européenne
Face à une concurrence mondiale acharnée, souvent qualifiée d’« injuste » par Bruxelles, l’industrie européenne doit se réinventer. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, n’a pas mâché ses mots : les entreprises croulent sous les coûts énergétiques et les lourdeurs réglementaires. Ce pacte s’attaque à ces défis avec une promesse audacieuse : réduire la dépendance aux énergies fossiles importées de 260 milliards d’euros par an d’ici 2040.
Pourquoi l’Énergie est le Cœur du Problème
L’énergie, c’est le nerf de la guerre pour les industriels. Quand une PME paie son électricité deux fois plus cher qu’il y a dix ans, difficile de rivaliser avec des géants américains ou asiatiques. Vincent Charlet, du think tank La Fabrique de l’Industrie, souligne que ce sujet est crucial alors que Donald Trump menace de nouvelles taxes douanières, incitant certains à envisager une délocalisation outre-Atlantique.
« La Commission vise juste en mettant l’énergie au centre. C’est un levier clé pour notre compétitivité. »
– Vincent Charlet, délégué général de La Fabrique de l’Industrie
Ce n’est pas qu’une question de coûts : il s’agit aussi de souveraineté. En électrifiant les processus et en investissant dans des réseaux intelligents, l’Europe veut reprendre le contrôle de son avenir énergétique.
Fiscalité : Un Levier Limité pour les Gros Consommateurs
Bruxelles propose d’alléger la fiscalité sur l’électricité, notamment les taxes et redevances réseau. Une idée séduisante, mais pas révolutionnaire pour les **énergo-intensifs** comme la chimie ou la métallurgie. Nicolas de Warren, président de l’Unidem, tempère les attentes : en France et en Allemagne, les taxes sont déjà au minimum européen.
La Commission suggère aussi des exonérations pour les entreprises qui misent sur l’électricité verte. Problème : modifier la directive sur la taxation énergétique nécessite l’unanimité des 27 États membres, un défi quasi insurmontable. De plus, avec la baisse des recettes fossiles, les États pourraient reporter la pression fiscale sur l’électricité.
- Taxes déjà basses pour les industriels en France.
- Difficulté à réformer la fiscalité à l’échelle européenne.
- Risque de transfert fiscal vers l’électricité.
Contrats Long Terme : Une Porte Ouverte au Nucléaire
Pour sécuriser des prix stables, le pacte mise sur les **contrats d’achat à long terme** (PPA). La Banque Européenne d’Investissement (BEI) débloque 500 millions d’euros pour un programme pilote. Surprise : ces contrats pourraient inclure le nucléaire, une option jusque-là évitée par la BEI.
Nicolas de Warren salue cette avancée prudente : un soutien aux PPA nucléaires pourrait garantir aux industriels un approvisionnement stable, par exemple via le prolongement des centrales EDF à 60 ou 70 ans. Hors nucléaire, des acteurs comme Engie innovent avec des PPA « 24/7 » mêlant renouvelables, stockage et gaz.
« Si la BEI soutient le nucléaire, c’est un tournant majeur pour nous. »
– Nicolas de Warren, président de l’Unidem
Accélérer les Permis : La France Déjà en Mouvement
Pour doper les énergies renouvelables, Bruxelles veut raccourcir les délais d’autorisation des projets. L’Allemagne a montré la voie, triplant les permis éoliens offshore depuis 2022. En France, la loi Industrie Verte et les zones bas-carbone avancent déjà dans ce sens.
« Les préfets ont plus de latitude, et RTE a fluidifié les raccordements », explique Nicolas de Warren. Avec des projets qui se décalent, la pression sur les réseaux diminue, rendant cette mesure moins urgente qu’ailleurs en Europe.
Flexibilité : Un Défi Opérationnel
Avec 42,5 % d’énergies renouvelables visées d’ici 2030, gérer les pics de consommation devient crucial. La Commission pousse la **flexibilité énergétique**, mais les industriels restent sceptiques. Adapter les usines au « stop and go » coûte cher en efficacité et en investissements.
« On est prêts à jouer le jeu, mais il faut un modèle économique clair », insiste Nicolas de Warren. Une usine optimisée pour tourner en continu perd en rentabilité si elle doit s’arrêter, sans parler des coûts de stockage ou de redémarrage.
- Flexibilité complexe pour les process industriels.
- Besoin de visibilité sur la rémunération.
- Investissements coûteux à amortir.
Réseaux et Efficacité : Les Piliers de Demain
Le pacte inclut un « European Grid Package » pour interconnecter les réseaux d’ici 2026, soutenu par la BEI. Objectif : mieux répartir l’énergie verte à travers le continent. Côté efficacité, les gains sont limités pour les gros consommateurs, déjà optimisés à -0,3 % par an.
Pour Florence Naillat, du METI, ces mesures vont dans le bon sens, mais leur mise en œuvre reste lente. La mécanique bruxelloise, souvent critiquée, freine encore les ambitions.
Un Pacte Prometteur mais à Concrétiser
Ce « Pacte pour une Industrie Propre » dessine un avenir où compétitivité et durabilité cohabitent. Réduire les coûts énergétiques tout en verdissant l’industrie, c’est un pari ambitieux. Mais entre avancées prudentes et défis opérationnels, les industriels attendent des résultats tangibles.
Reste une question : ce plan suffira-t-il à garder l’industrie en Europe face aux sirènes américaines et asiatiques ? L’avenir le dira, mais une chose est sûre : demain se fabrique aujourd’hui.