Reconversion de Sony-Ruwel à Bayonne : Un Pari Gagnant

Imaginez une usine abandonnée, ses portes closes depuis des années, et une ville qui refuse de laisser ce passé industriel s’effacer sous la poussière. À Bayonne, dans les Pyrénées-Atlantiques, ce scénario n’est pas une fiction mais une réalité transformée. Là où Sony-Ruwel employait autrefois 350 personnes avant de fermer en 2002, un écosystème technologique dédié à l’aéronautique a pris racine, redonnant vie à une friche de 10 hectares. Une reconversion qui fascine et inspire : comment une telle métamorphose est-elle possible ?

Un Nouveau Souffle pour l’Industrie Locale

Quand les machines de Sony-Ruwel se sont tues, beaucoup auraient pu voir dans cette fermeture une fin définitive. Pourtant, la communauté d’agglomération du Pays Basque a choisi une autre voie. Plutôt que de céder ce terrain aux promoteurs immobiliers, elle a décidé de préserver son ADN industriel tout en le projetant dans le futur. Aujourd’hui, ce site n’est plus une relique du passé, mais un laboratoire d’innovation où des entreprises de pointe redéfinissent les standards de l’aéronautique.

Compositadour : La Genèse d’un Pôle d’Excellence

Tout commence avec une idée audacieuse : répondre aux besoins précis de trois acteurs majeurs de l’aéronautique – Dassault, Socata et Composites Aquitaine. Ces entreprises cherchaient à moderniser leurs processus avec des équipements capables de poser des fibres en matériaux composites de manière automatisée. Ainsi naît Compositadour en 2010, une plateforme collaborative pilotée par l’école d’ingénieurs Estia. Son ambition ? Développer des solutions robotisées et former une main-d’œuvre qualifiée.

« L’objectif était de booster la robotisation tout en renforçant les compétences de notre chaîne d’approvisionnement. »

– Francis Sedeilhan, directeur du pôle Compositadour

Le succès est immédiat. Compositadour devient une référence dans le domaine, attirant des regards bien au-delà des frontières locales. Les industriels y trouvent un espace pour tester, innover et produire plus efficacement. Mais ce n’est que le début d’une aventure bien plus vaste.

Technocité : Un Écosystème qui S’Étend

Portée par cette dynamique, la zone, désormais appelée Technocité, s’enrichit rapidement. Des entreprises comme Capgemini, qui y installe un bureau d’études spécialisé dans l’aéronautique et le spatial, ou encore Tekniaero, posent leurs valises. Une pépinière de start-ups voit aussi le jour, offrant un tremplin à de jeunes pousses technologiques. En quelques années, ce qui était une friche devient un hub vibrant, mêlant grands noms et entrepreneurs audacieux.

Ce foisonnement n’est pas un hasard. La clé réside dans une vision claire : associer innovation, formation et collaboration. Les entreprises présentes ne se contentent pas de coexister ; elles partagent des ressources, des idées et des ambitions. Un modèle qui rappelle celui d’une grande entreprise tout en conservant la flexibilité d’un réseau agile.

Addimadour : L’Impression 3D au Cœur de l’Innovation

En 2017, la communauté d’agglomération franchit une nouvelle étape avec Addimadour. Cette plateforme, dédiée à la fabrication additive métallique, s’équipe de trois imprimantes 3D de grande échelle, pour un investissement de 3,9 millions d’euros. Ici, on ne parle plus seulement de prototypes : ces machines produisent des pièces complexes pour l’aéronautique, réduisant les coûts et les délais de fabrication.

L’impression 3D, souvent perçue comme une technologie futuriste, trouve à Bayonne une application concrète. Les industriels y testent des alliages, optimisent des designs et repoussent les limites de ce qui semblait possible. Addimadour incarne cette capacité à transformer une idée en réalité industrielle, prouvant que l’innovation peut s’enraciner localement.

Turbolab : Vers des Propulsions Révolutionnaires

Le dernier chapitre en date s’écrit avec Turbolab, inauguré en octobre 2024. Fruit d’une collaboration entre Akira, la communauté d’agglomération et Estia, ce laboratoire se consacre aux systèmes propulsifs aériens. Avec un investissement de plus de 10 millions d’euros, il offre un espace unique pour tester et valider des technologies qui pourraient redéfinir l’aviation de demain.

Que ce soit pour des moteurs plus écologiques ou des drones innovants, Turbolab positionne Bayonne comme un acteur sérieux dans la course à la propulsion durable. Une prouesse qui illustre une fois de plus la capacité de ce site à anticiper les besoins de l’industrie.

Un Bilan Impressionnant : 350 à 400 Emplois Créés

Quinze ans après la fermeture de Sony-Ruwel, le constat est saisissant. Une dizaine d’entreprises occupent désormais la zone, employant entre 350 et 400 personnes dans des secteurs à forte valeur ajoutée. Là où certains voyaient une fin, d’autres ont bâti un avenir. Francis Sedeilhan ne cache pas sa fierté :

« Nous avons créé un écosystème qui fonctionne comme une grande ETI, avec une agilité unique. »

– Francis Sedeilhan

Ce succès repose sur plusieurs piliers : une vision stratégique, des investissements ciblés et une collaboration étroite entre acteurs publics et privés. Mais surtout, il montre qu’une reconversion industrielle peut rimer avec ambition et modernité.

Les Clés d’une Reconversion Réussie

Qu’est-ce qui fait de Technocité un modèle à suivre ? Voici quelques éléments qui ressortent de cette transformation :

• Une volonté politique forte de préserver l’industrie locale.
• Des partenariats avec des entreprises et des écoles d’ingénieurs.
• Des investissements dans des technologies de pointe comme la robotique et l’impression 3D.
• Une approche collaborative favorisant les synergies.

Ces ingrédients, savamment dosés, ont permis de transformer une crise en opportunité. Un exemple qui pourrait inspirer d’autres territoires confrontés à des fermetures d’usines.

Un Impact au-delà de Bayonne

Le rayonnement de Technocité dépasse les Pyrénées-Atlantiques. En attirant des leaders comme Capgemini ou en formant des ingénieurs via Estia, le site s’inscrit dans une dynamique nationale, voire internationale. Il prouve que des régions parfois considérées comme périphériques peuvent devenir des acteurs clés de l’innovation.

Pour les start-ups, c’est aussi une aubaine. La pépinière d’entreprises leur offre un cadre idéal pour tester leurs idées, accéder à des équipements coûteux et se connecter à un réseau établi. Un tremplin qui pourrait faire émerger les pépites de demain.

Vers un Avenir Durable ?

Si l’aéronautique reste le cœur de cette reconversion, les enjeux environnementaux ne sont pas absents. Turbolab, par exemple, explore des propulsions plus vertes, un sujet brûlant alors que l’aviation cherche à réduire son empreinte carbone. De son côté, l’impression 3D d’Addimadour limite le gaspillage de matériaux, un atout pour une industrie plus durable.

Ces initiatives, encore embryonnaires, pourraient faire de Technocité un modèle non seulement technologique, mais aussi écologique. Une perspective qui ajoute une couche de sens à cette transformation déjà impressionnante.

Et Après ? Les Défis à Relever

Le succès de Bayonne n’efface pas les défis à venir. Maintenir cet élan demande de continuer à innover, à attirer des talents et à sécuriser des financements. La concurrence internationale est rude, et les technologies évoluent vite. Pourtant, avec une base aussi solide, Technocité semble bien armée pour relever ces enjeux.

Une chose est sûre : l’histoire de Sony-Ruwel n’est pas terminée. Elle se réécrit chaque jour, portée par des acteurs déterminés à faire de Bayonne un symbole d’avenir industriel. Et si d’autres régions suivaient cet exemple ?