Définition de l’Acier Vert : Une Bataille Industrielle

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mars 11, 2025

Définition de l’Acier Vert : Une Bataille Industrielle

Et si la clé pour sauver la planète passait par une bataille d’idées autour d’une simple tôle d’acier ? En Europe, l’industrie sidérurgique, pilier historique de l’économie, se trouve à un carrefour. D’un côté, les défenseurs du recyclage vantent une solution déjà efficace ; de l’autre, les partisans de l’acier primaire décarboné misent sur des technologies novatrices. Au cœur de ce débat : la définition même de l’acier vert, un concept qui divise autant qu’il fascine. Plongeons dans cette guerre industrielle où écologie, économie et innovation se mêlent dans un affrontement captivant.

L’Acier Vert : Un Défi Européen aux Multiples Visages

Face à l’urgence climatique, l’Europe veut verdir son industrie. La sidérurgie, responsable de 8 % des émissions mondiales de CO2, est dans le viseur. À Bruxelles, des projets comme le « Pacte pour une industrie propre » ou le futur règlement sur l’écoconception des produits esquissent une ambition : créer des marchés pilotes pour l’acier bas-carbone. Mais derrière cette volonté se cache une question explosive : qu’est-ce qui mérite vraiment le label « vert » ?

Recyclage vs Acier Primaire : Les Deux Camps en Lice

Deux visions s’opposent. D’un côté, l’acier recyclé, produit dans des fours électriques à partir de ferraille, affiche une empreinte carbone bien plus faible : environ 500 kg de CO2 par tonne, contre plus de 2 tonnes pour l’acier primaire issu des hauts-fourneaux. De l’autre, les partisans de l’acier primaire décarboné, souvent fabriqué avec du minerai de fer pré-réduit (DRI) et de l’hydrogène, veulent révolutionner les usines traditionnelles. Cette dualité alimente une controverse qui dépasse les simples chiffres.

Les recycleurs, comme le groupe italien Riva, crient au scandale face à une possible marginalisation. Pour eux, privilégier le recyclage, c’est renforcer l’économie circulaire, un pilier de la transition écologique. À l’inverse, les géants comme ArcelorMittal, qui ont suspendu leurs investissements verts fin 2024, plaident pour des incitations à décarboner les hauts-fourneaux, estimant que la ferraille ne suffira jamais à répondre à la demande mondiale.

« La ferraille est limitée. Même en 2050, 50 à 60 % de l’acier restera primaire. »

– Simon Ferrière, co-auteur d’une note de France Stratégie

L’Échelle Mobile : Une Solution ou un Piège ?

Pour trancher, une idée fait son chemin : l’sliding scale, ou échelle mobile. Ce concept, poussé par la fédération allemande WVStahl et repris par certains à Bruxelles, vise à rééquilibrer les chances entre acier recyclé et primaire. Concrètement, elle ajuste les critères d’émissions en fonction du taux de recyclage : plus un acier contient de ferraille, plus ses exigences carbone sont strictes. Résultat ? Un acier 100 % recyclé pourrait être pénalisé face à un acier primaire moins émetteur mais technologiquement coûteux.

Imaginez : un acier recyclé émettant 500 kg de CO2 par tonne pourrait être moins bien noté qu’un acier primaire à 1,5 tonne de CO2, simplement parce que le premier n’a pas assez « innové ». Pour les défenseurs de cette méthode, comme Maxime Gérardin de France Stratégie, c’est une façon d’inciter les aciéristes à investir dans des technologies vertes comme l’hydrogène. Mais pour les recycleurs, c’est une aberration écologique.

Les Limites du Recyclage : Mythe ou Réalité ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En Europe, 45 % de l’acier provient du recyclage, contre 70 % aux États-Unis. Pourtant, les partisans de l’échelle mobile soulignent une faiblesse : le gisement de ferraille est fini. Aujourd’hui, presque toute la ferraille disponible est collectée, mais elle ne couvre que 30 % de la demande mondiale. D’ici 2050, ce chiffre grimpera, mais pas assez pour éliminer le besoin d’acier primaire.

Cette réalité pousse certains à voir l’échelle mobile comme une nécessité. Sans incitation à décarboner les hauts-fourneaux, l’Europe risque de stagner dans sa lutte contre le CO2. Mais les opposants rétorquent : pourquoi punir une filière déjà verte au profit d’une autre qui doit encore faire ses preuves ?

Les Acteurs en Première Ligne

Dans ce bras de fer, les industriels ne restent pas les bras croisés. Le groupe Riva, leader du recyclage avec 29 sites en Europe, a rallié dix opérateurs de fours électriques et huit acteurs de la ferraille pour contrer l’échelle mobile. Leur arme ? Une lettre envoyée à la Commission européenne le 10 mars 2025, réclamant une évaluation carbone simple et équitable.

Pendant ce temps, les grands noms de l’acier primaire, soutenus par des lobbyistes et des organismes comme l’Agence internationale de l’énergie, vantent les mérites du DRI à l’hydrogène. Mais ces technologies, bien que prometteuses, exigent des investissements massifs – un pari risqué dans un contexte économique tendu.

Les Conséquences Inattendues de l’Échelle Mobile

Et si cette méthode, censée verdir l’industrie, finissait par la fragiliser ? Emmanuel Katrakis, de Federrec, alerte : un acier recyclé à 90 % pourrait être disqualifié comme « vert », tandis qu’un concurrent augmentant ses émissions en réduisant la ferraille serait récompensé. Un paradoxe qui fait grincer des dents.

Pire encore, cette approche pourrait ouvrir la porte à des importations massives de DRI bon marché depuis le Maghreb ou le Moyen-Orient, où le gaz naturel abonde. Pour Alexandre Marin, de Riva, cela signerait la fin de la compétitivité de l’acier recyclé européen, notamment dans le segment des produits longs, essentiels à la construction.

Vers une Troisième Voie ?

Face à ce dilemme, des alternatives émergent. Le Global Steel Climate Council propose de séparer les labels verts entre acier plat (hauts-fourneaux) et acier long (recyclage), évitant ainsi de pénaliser une filière au profit de l’autre. Une autre idée : intégrer un pourcentage minimum de DRI dans l’acier plat pour créer un marché dédié, sans toucher au recyclage.

L’acier inoxydable, produit à 80 % à partir de ferraille, réclame aussi une approche sur mesure. Vincent Jonquières, d’Aperam, insiste : « L’empreinte carbone de l’inox dépend du nickel et du chrome, pas seulement du fer. » Une définition unique pour tous semble donc illusoire.

Et Après ? Un Avenir à Construire

Le 19 mars 2025, la Commission européenne dévoilera son plan d’urgence pour l’acier. D’ici là, le suspense reste entier. L’issue de cette bataille définira non seulement l’avenir de la sidérurgie européenne, mais aussi sa capacité à allier écologie et compétitivité. Une chose est sûre : l’acier vert, quel qu’il soit, ne se contentera pas d’être une mode passagère.

Alors, recyclage ou innovation technologique ? Les industriels ont chacun leurs arguments, mais une question demeure : qui paiera le prix de cette transition ? Les prochains mois nous le diront.

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