Londres Défie Google et Apple sur les Navigateurs Mobiles
Et si votre expérience sur internet était bridée sans que vous ne vous en rendiez compte ? Le 12 mars 2025, un pavé dans la mare a été lancé par l’Autorité britannique de la concurrence, la CMA, qui pointe du doigt le règne incontesté de Google et Apple sur les navigateurs mobiles. Dans un rapport fleuve de plus de 600 pages, les experts britanniques dénoncent un duopole qui étouffe l’innovation et limite les choix des utilisateurs au Royaume-Uni. Une bataille antitrust qui pourrait bien redessiner le paysage numérique.
Un monopole qui freine le progrès
Le constat est sans appel : **Chrome** et **Safari** écrasent le marché des navigateurs mobiles. Selon les chiffres de 2024, Safari règne sur 88 % des appareils Apple, tandis que Chrome domine 77 % des smartphones Android. Cette hégémonie, selon la CMA, ne laisse aucune place à la concurrence, au détriment des utilisateurs et des entreprises innovantes.
Un frein à la créativité numérique
Imaginez un monde où les nouvelles idées peinent à émerger, simplement parce que deux géants imposent leurs règles. C’est ce que décrit Margot Daly, présidente du groupe d’enquête du Digital Markets Unit (DMU), une entité créée il y a quatre ans pour surveiller les titans du numérique. Dans une déclaration percutante, elle affirme :
La concurrence entre navigateurs mobiles est en panne, et cela ralentit l’innovation au Royaume-Uni.
– Margot Daly, présidente du groupe d’enquête DMU
Le rapport met en lumière un problème concret : le blocage des *Progressive Web Apps* (PWA), ces applications web qui pourraient rivaliser avec les apps natives disponibles sur l’App Store ou le Play Store. Apple, en particulier, est accusé de limiter les capacités des navigateurs tiers sur ses appareils, empêchant ainsi toute avancée significative.
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes
Les données recueillies par la CMA dressent un portrait saisissant de cette domination. En 2024, sur le sol britannique, la part de marché combinée de Chrome et Safari sur mobile dépasse largement celle de leurs concurrents comme Firefox ou Edge. Cette suprématie n’est pas seulement un problème de chiffres : elle freine les start-ups et les développeurs qui rêvent de révolutionner notre manière de naviguer sur le web.
Pour mieux comprendre cette emprise, voici quelques points clés :
- Safari impose ses règles sur tous les iPhones, limitant les moteurs de rendu alternatifs.
- Chrome profite de l’écosystème Android pour s’imposer comme choix par défaut.
- Les alternatives peinent à percer, faute d’accès équitable aux technologies mobiles.
Une enquête qui change la donne
Face à ce constat, Londres ne compte pas rester les bras croisés. En novembre 2024, la CMA a ouvert une investigation ciblant les écosystèmes mobiles de Google et Apple, incluant leurs systèmes d’exploitation, magasins d’applications et, bien sûr, navigateurs. Cette démarche s’inscrit dans un cadre réglementaire tout neuf, lancé en janvier 2025, visant à encadrer les géants du numérique.
Le but ? Identifier si ces entreprises méritent le statut de **sociétés stratégiques sur le marché**, une désignation qui pourrait entraîner des sanctions ou des obligations strictes. Pour les start-ups britanniques, cette initiative représente une lueur d’espoir : un marché plus ouvert pourrait enfin leur donner une chance de briller.
Les géants se défendent
Comme on pouvait s’y attendre, Google et Apple n’ont pas tardé à réagir. Du côté de Cupertino, on insiste sur une volonté de favoriser des marchés dynamiques où l’innovation prospère. Un porte-parole d’Apple déclare :
Nous continuerons à collaborer avec la CMA pour répondre à ses préoccupations tout en préservant la confiance des utilisateurs.
– Porte-parole d’Apple
Google, de son côté, met en avant les mérites d’Android, une plateforme ouverte qui aurait permis de démocratiser l’accès aux smartphones et aux applications. La firme de Mountain View promet de travailler avec la CMA pour un cadre réglementaire qui stimule l’innovation tout en restant prévisible.
Quel impact pour les start-ups ?
Pour les jeunes pousses technologiques, cette offensive britannique pourrait être un tournant. Les *Progressive Web Apps*, par exemple, représentent une opportunité en or pour les entrepreneurs. Ces applications, accessibles directement via un navigateur, pourraient contourner les barrières imposées par les magasins d’applications et leurs commissions parfois exorbitantes.
Imaginons une start-up londonienne développant une PWA révolutionnaire pour la gestion de projets. Sans les restrictions actuelles, elle pourrait proposer une alternative crédible aux géants, tout en offrant une expérience fluide sur mobile. Mais pour l’instant, ces ambitions restent entravées par les politiques d’Apple et de Google.
Un précédent mondial en gestation ?
Le Royaume-Uni n’est pas seul dans cette croisade. Aux États-Unis, des voix s’élèvent pour démanteler la mainmise de Google sur Chrome, tandis que l’Union européenne scrute de près les pratiques anticoncurrentielles des géants tech. Londres pourrait donc poser les bases d’une vague réglementaire globale, avec des répercussions bien au-delà de ses frontières.
Ce qui se joue ici, c’est une bataille pour l’avenir du web mobile. Si la CMA parvient à imposer des règles plus équitables, les utilisateurs pourraient bientôt découvrir des navigateurs plus variés, plus audacieux, et surtout plus innovants.
Et après ?
La suite dépendra des conclusions finales de la CMA et des mesures qu’elle choisira d’appliquer. Une chose est sûre : cette enquête marque un pas de plus vers un numérique moins monopolistique. Pour les consommateurs, les développeurs et les start-ups, l’enjeu est colossal : retrouver un internet où la créativité n’est plus l’apanage de quelques géants.
Alors, la prochaine fois que vous ouvrirez Safari ou Chrome sur votre smartphone, posez-vous la question : et si un autre monde était possible ? La réponse pourrait bien venir de Londres.