
Verescence : Former les Demandeurs d’Emploi pour Recruter
Et si la solution à la pénurie de talents résidait dans la formation de ceux qui cherchent un emploi ? Dans un monde où les compétences spécifiques se font rares, certaines entreprises prennent les devants pour façonner leurs propres experts. C’est le pari audacieux de Verescence, un leader du flaconnage en verre pour la parfumerie et les cosmétiques de luxe. Face à un marché exigeant et une main-d’œuvre qualifiée difficile à trouver, cette entreprise a transformé un défi en opportunité, en misant sur des parcours de formation taillés sur mesure pour les demandeurs d’emploi. Une démarche qui intrigue, inspire, et pourrait bien redéfinir les codes du recrutement dans l’industrie.
Quand la Formation Devient une Arme de Recrutement
Dans l’univers du luxe, où chaque détail compte, Verescence ne peut se permettre de compromis sur la qualité. Pourtant, trouver des profils déjà formés au tri et à l’emballage des flacons de verre relève du casse-tête. Plutôt que d’attendre des candidats parfaits, l’entreprise a décidé de les créer. En s’appuyant sur des formations courtes mais intensives, elle offre une porte d’entrée à des personnes éloignées de l’emploi, tout en répondant à ses besoins précis.
Un Modèle Unique pour un Secteur Exigeant
Le secteur du verre de luxe n’a pas d’école dédiée. Les savoir-faire, souvent transmis sur le tas, demandent une précision quasi artistique. Verescence a donc bâti ses propres centres de formation au cœur de ses usines, comme celle de Mers-les-Bains, dans la Somme. Ici, les demandeurs d’emploi apprennent à manipuler des flacons, à repérer les défauts invisibles à l’œil nu, et à respecter des normes strictes, le tout sous l’œil attentif de formateurs experts.
Nous ne cherchons pas seulement des compétences techniques, mais aussi des personnes prêtes à s’investir dans un métier qui demande rigueur et passion.
– Xavier Breuvart, Directeur des Ressources Humaines France chez Verescence
Ce modèle ne se contente pas de pourvoir des postes. Il offre une **montée en compétences** immédiate et une chance de carrière à ceux qui n’auraient jamais imaginé travailler dans une industrie aussi pointue. Avec environ 200 personnes formées chaque année, Verescence prouve que l’investissement dans le capital humain peut être une stratégie gagnante.
Comment Ça Marche ? Une Formation en Trois Temps
Le programme de formation de Verescence est pensé pour être à la fois accessible et rigoureux. En cinq jours, les stagiaires passent de novices à opérateurs potentiels. Mais comment transformer des débutants en professionnels du luxe en si peu de temps ? La réponse tient en une approche structurée et immersive.
D’abord, une immersion dans l’usine permet de découvrir le processus de fabrication des flacons, de la fonte du verre à l’emballage final. Ensuite, une formation théorique en salle enseigne les bases : identifier les défauts, comprendre les standards de qualité. Enfin, la pratique sur une table de tri met les stagiaires en situation réelle, avec une cadence progressive pour tester leur agilité.
- Jour 1-2 : Visite de la production et sensibilisation aux normes de sécurité.
- Jour 3-4 : Apprentissage en salle des techniques de détection des défauts.
- Jour 5 : Mise en pratique avec une simulation de production réelle.
Cette méthode, bien rodée, affiche un taux de réussite de **70 %** parmi ceux qui terminent le cursus. Mais elle ne s’arrête pas là : elle ouvre aussi des perspectives d’évolution au sein de l’entreprise.
Des Emballeurs aux Conducteurs de Ligne : Une Évolution Possible
Pour beaucoup, le poste d’emballeur-trieur n’est qu’un tremplin. Une fois intégrés dans le vivier d’intérimaires, les stagiaires peuvent viser des rôles plus techniques, comme **conducteur bout chaud** ou **régleur de ligne**. Ces formations, qui durent parfois jusqu’à dix-huit mois, permettent d’obtenir des certifications reconnues, comme le Certificat de Qualification Professionnelle (CQP).
À Mers-les-Bains, par exemple, des salariés formés au tri ont gravi les échelons pour piloter des équipements complexes. Cette flexibilité est un atout pour Verescence, qui construit ainsi un réservoir de talents internes, mais aussi pour les employés, qui gagnent en employabilité.
L’emballeur-trieur est une porte d’entrée. Ensuite, tout dépend de leur envie et de leur potentiel.
– Émilie Bouville, Responsable RH de l’usine de Mers-les-Bains
Pourquoi Ne Pas Mutualiser avec les Concurrents ?
L’idée de collaborer avec d’autres acteurs du secteur pour créer une école commune a déjà effleuré Verescence. Mais la réalité est plus complexe. Si les machines et les procédés sont similaires, chaque entreprise garde jalousement ses méthodes, qui font sa différence sur un marché concurrentiel. Pour Verescence, rester maître de sa formation, c’est aussi conserver un avantage stratégique.
De plus, le bassin d’emploi local joue un rôle clé. Les employés, souvent attachés à leur région, vivent à moins de 20 km de l’usine. Une formation mutualisée risquerait de diluer cette proximité, essentielle pour attirer et retenir les talents.
Un Investissement Qui Porte Ses Fruits
Avec un taux de maintien global autour de **50 %**, le programme de Verescence pourrait sembler modeste. Pourtant, ce chiffre cache une exigence assumée : l’entreprise refuse de baisser ses standards. Chaque session voit quatre à cinq candidats sur dix rejoindre ses équipes, garantissant une qualité irréprochable, reconnue par ses clients dans le luxe.
Pour ceux qui ne restent pas, la formation reste un atout. Elle leur offre une première expérience concrète et des compétences transférables. Pour Verescence, c’est un vivier de futurs talents, prêts à revenir ou à évoluer ailleurs dans l’industrie.
Ouvrir les Portes aux Jeunes Générations
Verescence ne se limite pas aux demandeurs d’emploi adultes. Chaque année, lors de la Semaine de l’Industrie, l’entreprise accueille des collégiens, lycéens et étudiants en BTS. Objectif : leur faire découvrir les métiers du verre et les inciter à s’orienter vers des formations techniques, du bac pro à l’ingénieur.
Ces visites cassent les clichés sur les filières professionnelles, souvent vues comme des impasses. Un jeune avec un bac pro maintenance peut, par exemple, viser un BTS, puis une école d’ingénieurs. D’autres, après un stage, rejoignent directement les équipes en tant qu’opérateurs.
Les Défis d’un Bassin d’Emploi Local
Si la stratégie fonctionne, elle n’est pas sans obstacles. Dans certaines régions, comme celle de Mers-les-Bains, les formations en électrotechnique ou maintenance manquent cruellement. Les jeunes doivent parfois partir loin pour se former, une contrainte que Verescence aimerait voir disparaître grâce à une collaboration accrue avec l’Éducation nationale.
Pour les profils BTS, la proximité est un facteur décisif. À Dieppe ou Amiens, les opportunités locales attirent, mais le déficit de diplômés reste un frein pour l’industrie. Verescence milite donc pour des formations adaptées, ancrées dans les territoires.
Un Modèle d’Avenir ?
En misant sur la formation comme levier de recrutement, Verescence dessine une voie qui pourrait inspirer d’autres secteurs en tension. Cette approche, qui conjugue **innovation sociale** et excellence industrielle, montre qu’il est possible de répondre aux besoins d’aujourd’hui tout en préparant les talents de demain. Reste à voir si d’autres entreprises suivront cet exemple, ou si Verescence restera une exception dans le paysage industriel français.
Avec des dizaines de diplômes délivrés chaque année et une réputation de qualité intacte, l’entreprise prouve une chose : former, c’est non seulement recruter, mais aussi investir dans un avenir durable. Une leçon à méditer pour les industries en quête de solutions face à la pénurie de compétences.