
Paul Szersnovicz : Un Nouveau Souffle pour Hine Cognac
Et si l’avenir d’une maison de cognac vieille de plus de deux siècles reposait sur les épaules d’un trentenaire audacieux ? À Jarnac, en Charente, une passation de pouvoir discrète mais significative vient de s’opérer. Paul Szersnovicz, 31 ans, a pris la tête des chais de Hine, succédant à Eric Forget, figure emblématique de cette maison fondée en 1763. Ce n’est pas une simple nomination : c’est une promesse de renouveau pour un secteur où tradition et modernité se disputent parfois le devant de la scène.
Un Parcours entre Tradition et Horizons Nouveaux
Paul Szersnovicz n’est pas un inconnu dans le monde du cognac. Né dans une famille de producteurs à Javrezac, il a grandi au milieu des vignes et des alambics. Pourtant, son chemin vers les chais de Hine n’a rien d’une trajectoire toute tracée. Après un détour par le Canada pour un master en administration des affaires à HEC Montréal, obtenu en 2017, il s’installe à Bordeaux. Là, il travaille dans le secteur associatif et chez Hello Allo, une structure dédiée au financement des projets à impact. Mais l’appel des racines est plus fort.
En 2020, il revient en Charente pour reprendre l’exploitation familiale située dans le cru des Borderies. Ce retour s’accompagne d’une soif d’apprendre : il décroche un master en droit et commerce des spiritueux à Segonzac, complété par une formation technique en viticulture. « J’ai toujours su qu’on reviendrait ici », confie-t-il avec un sourire, évoquant sa femme qui l’a soutenu dans cette aventure.
Une Transition Préparée avec Soin
En 2021, Paul frappe à la porte de Hine, une maison qu’il place en tête de ses préférences. Le timing est parfait : Eric Forget, maître de chai depuis des décennies, prépare sa retraite. Hine cherche un assistant pour assurer une passation en douceur. « Dans ce métier, une transition dure entre cinq et dix ans », explique Paul. Pendant quatre ans, il suit Eric comme une ombre, absorbant son savoir-faire lors des dégustations quotidiennes et des réunions stratégiques.
J’ai beaucoup appris avec Eric. Il m’a transmis le style Hine, de l’achat des eaux-de-vie à leur vieillissement.
– Paul Szersnovicz
Cette immersion lui permet de maîtriser les subtilités d’une maison qui, malgré ses 260 ans d’histoire, ne cesse de se réinventer. Depuis janvier 2025, Paul est officiellement aux commandes, prêt à écrire un nouveau chapitre.
Un Rôle aux Multiples Facettes
Être maître de chai chez Hine, ce n’est pas seulement goûter des eaux-de-vie. Paul dirige une petite équipe de trois personnes : un responsable des chais, une assistante pour la gestion des stocks et un agent opérationnel. Chaque matin, il anime une séance de dégustation avec un comité technique, évaluant des spiritueux qui peuvent avoir entre 4 et 80 ans de vieillissement. Il décide de leur avenir : certains seront assemblés, d’autres patienteront encore dans leurs fûts.
Mais son rôle va bien au-delà. Il supervise l’achat de bois en forêt – des arbres transformés en douelles après trois ans de séchage – pour les tonneaux des cuvées d’exception. Il négocie avec les tonneliers et entretient des relations étroites avec les fournisseurs. « Il faut être partout quand on prend un poste comme celui-ci », souligne-t-il.
XO Premier Cru : La Signature d’une Nouvelle Ère
Pour marquer cette transition, Paul et Eric ont uni leurs talents en 2024 pour repenser une recette centenaire. Exit le cognac *Antique*, place à **XO Premier Cru**, un assemblage où la plus jeune eau-de-vie a dix ans. Ce nouveau produit mise sur des notes fruitées et une fraîcheur inattendue, tout en respectant l’héritage de Hine. « C’est une façon de dire qu’on peut évoluer sans renier nos racines », explique Paul.
Ce lancement illustre une ambition : faire de Hine une maison qui regarde vers l’avenir tout en préservant son ADN. Un défi relevé avec brio, qui séduit déjà les amateurs de cognac à travers le monde.
Les Défis du Futur : Climat et Marchés
Paul Szersnovicz arrive à un moment charnière pour l’industrie du cognac. Le **réchauffement climatique** bouscule les certitudes. « Les ingrédients changent, mais le goût final doit rester constant », note-t-il. Les vignes produisent des raisins plus sucrés, les récoltes évoluent, et pourtant, la signature Hine doit perdurer. Un casse-tête qu’il aborde avec pragmatisme, en ajustant les assemblages année après année.
À cela s’ajoute la question des **droits de douane**. Hine exporte 95 % de sa production, dont un tiers vers les États-Unis. Dans un secteur où 97 % à 98 % du cognac franchit les frontières, les tensions commerciales sont un sujet brûlant. Paul garde un œil attentif sur ces enjeux, conscient que la moindre fluctuation peut impacter la maison.
Un Héritage Vivant
Avec Paul Szersnovicz, Hine ne se contente pas de perpétuer une tradition : elle la réinvente. Son parcours, entre études internationales et retour aux sources, incarne une génération qui refuse de choisir entre passé et futur. Voici quelques clés de sa vision :
- Préserver le style Hine tout en explorant de nouvelles saveurs.
- Adapter la production aux défis environnementaux.
- Renforcer la présence de Hine sur les marchés mondiaux.
Son arrivée coïncide avec une période où les spiritueux haut de gamme gagnent en popularité. Le cognac, souvent perçu comme un produit classique, attire désormais une clientèle plus jeune, curieuse de découvrir des assemblages audacieux comme XO Premier Cru.
Une Passion au Service de l’Excellence
Ce qui frappe chez Paul, c’est son énergie. Entre la gestion des chais, les dégustations et les négociations avec les fournisseurs, il trouve encore le temps de réfléchir à l’avenir de Hine. « On a plus de 260 ans d’histoire, mais aussi plein d’idées nouvelles », dit-il. Une phrase qui résume son état d’esprit : ancré dans le passé, tourné vers demain.
Son parcours familial ajoute une touche personnelle à son engagement. Reprendre l’exploitation de ses parents tout en s’imposant chez Hine montre une détermination rare. « C’est une fierté de porter cet héritage », confie-t-il, les yeux brillants.
Et Après ?
Paul Szersnovicz n’en est qu’au début de son aventure. Les prochaines années seront décisives pour asseoir sa marque chez Hine. Entre l’évolution des goûts des consommateurs et les défis globaux, il devra faire preuve de créativité et de résilience. Une chose est sûre : avec lui, le cognac n’a pas fini de surprendre.
Alors, que réserve l’avenir à cette maison charentaise ? Paul a déjà des projets en tête, mais il garde une part de mystère. Une stratégie qui pourrait bien faire de Hine un acteur incontournable des spiritueux de demain.