
Cinq Start-ups Françaises Décarbonent la Chaleur
Saviez-vous que près de la moitié de l’énergie mondiale est perdue sous forme de chaleur fatale ? Dans les usines, les incinérateurs ou les fonderies, cette énergie thermique s’échappe dans l’atmosphère, aggravant l’empreinte carbone. Pourtant, en France, une nouvelle génération de start-ups s’attaque à ce défi avec des solutions audacieuses. De la récupération de fumées industrielles à la conversion en électricité, ces entreprises réinventent la manière dont nous produisons, stockons et utilisons la chaleur. Plongez avec nous dans l’univers de cinq pépites technologiques françaises qui façonnent un avenir plus vert.
La Révolution de la Chaleur Décarbonée
La transition énergétique impose de repenser nos systèmes industriels. La chaleur, essentielle pour des secteurs comme la métallurgie ou l’agroalimentaire, est souvent produite à partir de combustibles fossiles. Mais les start-ups françaises, portées par l’innovation et un cadre comme le plan France 2030, développent des technologies pour capter, stocker et valoriser cette énergie autrement. Voici comment elles transforment un problème environnemental en opportunité économique.
Eco-Tech Ceram : Valoriser les Fumées Industrielles
Imaginez des fumées industrielles, souvent considérées comme des déchets polluants, transformées en source d’énergie. C’est le pari d’Eco-Tech Ceram, une start-up qui excelle dans la récupération de chaleur à haute température, jusqu’à 1000 °C. Leur technologie capte l’énergie des fumées propres pour la stocker et la réutiliser, réduisant ainsi les besoins en énergie fossile.
En collaborant avec des industriels comme ArcelorMittal ou Wienerberger, Eco-Tech Ceram a déjà démontré des économies d’énergie de 10 à 20 %. Mais leur ambition va plus loin : avec le laboratoire Solutec, créé en partenariat avec l’IMT Mines Albi, ils s’attaquent aux fumées complexes, chargées d’acides ou de poussières. Ces fumées, corrosives, exigent des matériaux innovants pour garantir la durabilité des équipements.
Nos solutions transforment les rejets industriels en ressources, tout en réduisant l’impact environnemental des usines.
– Équipe d’Eco-Tech Ceram
Leurs avancées pourraient révolutionner des secteurs à forte intensité énergétique, comme la sidérurgie, en rendant la production plus durable.
Airthium : La Pompe à Chaleur Haute Température
Produire de la chaleur à 550 °C avec une efficacité énergétique inégalée ? C’est ce que propose Airthium, une start-up née en 2016 et incubée par Air Liquide. Leur pompe à chaleur utilise le cycle Ericsson pour convertir l’électricité en chaleur à haute température, surpassant les rendements des turbines à gaz classiques.
Un partenariat avec le géant McCain, spécialisé dans les frites surgelées, illustre leur potentiel. Airthium teste sa technologie pour décarboner les processus de cuisson, avec un démonstrateur visant les 250 °C d’ici 2026. La commercialisation, prévue pour 2027, pourrait transformer des industries comme l’automobile ou l’agroalimentaire.
Leur innovation repose sur une efficacité énergétique exceptionnelle : pour 1 kWh d’électricité, la pompe d’Airthium génère jusqu’à 3 kWh de chaleur. Cette performance pourrait réduire de 20 % les émissions de CO2 liées à la chaleur industrielle.
Ch0c : Une Chaudière à Oxycombustion
Le projet Ch0c, porté par un consortium de 16 partenaires, remet au goût du jour une technologie ancienne : l’oxycombustion. En brûlant le gaz avec de l’oxygène pur plutôt que de l’air, cette chaudière élimine l’azote des fumées, facilitant la capture et la valorisation du CO2.
Babcock Wanson, leader du projet, a conçu un prototype dans son usine de Nérac. Les premiers tests montrent un potentiel impressionnant : remplacer 1000 chaudières classiques par des modèles Ch0c pourrait éviter 4 millions de tonnes de CO2 par an. Cette solution s’adresse aux industries nécessitant une chaleur intense, comme la chimie ou la papeterie.
L’oxycombustion est une réponse directe au défi de la décarbonation industrielle, avec un impact mesurable.
– Responsable du projet Ch0c
Water Horizon : La Chaleur sur Roues
Et si la chaleur pouvait voyager comme un bien de consommation ? Water Horizon, basée à Toulouse, a imaginé une batterie thermique mobile, transportée par camion. Capable de capter la chaleur fatale à plus de 100 °C, cette technologie la redistribue jusqu’à 50 km, pour chauffer ou refroidir des sites variés, des piscines aux datacenters.
Un exemple concret ? La start-up valorise la chaleur de l’incinérateur de Toulouse pour alimenter un complexe sportif, chauffant une piscine tout en refroidissant une patinoire. Cette approche circulaire réduit les déchets énergétiques et ouvre la voie à des réseaux de chaleur innovants.
Leur solution, flexible et adaptable, pourrait devenir un pilier des smart cities, où l’énergie est partagée efficacement entre les acteurs d’un territoire.
Hevatech : De la Chaleur à l’Électricité
À Malataverne, dans la Drôme, Hevatech transforme la chaleur fatale en électricité grâce à son procédé Turbosol. Cette technologie capte les rejets thermiques à plus de 300 °C, utilisant des échangeurs pour chauffer de l’huile et de l’eau, puis générer de la vapeur. Une turbine hydraulique convertit ensuite cette énergie en électricité.
L’innovation ne s’arrête pas là. Turbosol produit également une chaleur résiduelle de 80 à 90 °C, utilisable pour le chauffage ou la production de froid via une machine à absorption. En 2023, Hevatech a renforcé ses capacités en acquérant H2P, lui permettant de traiter des fumées jusqu’à 1000 °C.
Leur solution, déjà testée chez l’imprimeur Maury, a réduit les émissions de CO2 de 80 tonnes par an. Elle s’adresse à des secteurs comme la cimenterie ou la métallurgie, où la chaleur est omniprésente.
Pourquoi Ces Innovations Sont-elles Cruciales ?
La décarbonation de la chaleur industrielle est un enjeu majeur pour atteindre les objectifs climatiques. En France, les procédés industriels représentent environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Les technologies développées par ces start-ups offrent des solutions concrètes pour réduire cette empreinte, tout en améliorant l’efficacité énergétique.
Leurs approches variées – récupération, conversion, stockage – s’attaquent à différents aspects du problème. Voici un résumé de leurs contributions :
- Eco-Tech Ceram : Transforme les fumées industrielles en énergie réutilisable.
- Airthium : Produit de la chaleur à haute température avec une efficacité énergétique record.
- Ch0c : Décarbone la chaleur via l’oxycombustion et la capture de CO2.
- Water Horizon : Transporte la chaleur pour une utilisation flexible et locale.
- Hevatech : Convertit la chaleur fatale en électricité et chaleur résiduelle.
Les Défis à Relever
Malgré leur potentiel, ces start-ups font face à des obstacles. Le passage à l’échelle industrielle nécessite des investissements massifs et une acceptation par les industriels, souvent réticents à modifier leurs processus. De plus, les technologies comme l’oxycombustion ou le stockage thermique exigent des matériaux résistants aux conditions extrêmes.
Le soutien public, via des initiatives comme le plan France 2030 ou l’Ademe, joue un rôle clé. Par exemple, Hevatech a levé 3,5 millions d’euros avec le soutien de Bpifrance, tandis qu’Airthium bénéficie de l’incubation d’Air Liquide. Ces financements permettent de passer du prototype à la commercialisation.
Un Avenir Prometteur
Ces cinq start-ups incarnent une dynamique d’innovation française au service de la transition écologique. En valorisant la chaleur fatale, elles réduisent non seulement les émissions, mais aussi les coûts énergétiques des industriels. Leur succès pourrait inspirer d’autres secteurs à adopter des technologies similaires.
À l’horizon 2030, ces solutions pourraient devenir des standards dans les usines du monde entier. En attendant, elles prouvent que l’innovation technologique peut rimer avec responsabilité environnementale. Et si la France devenait un leader mondial de la chaleur décarbonée ?
Le chemin est encore long, mais une chose est sûre : demain se construit aujourd’hui, et ces start-ups en sont les architectes.