
Outinord : Crise et Avenir de l’Industrie en 2025
Imaginez une usine qui, pendant près de 70 ans, a façonné le paysage industriel d’une région. À Saint-Amand-les-Eaux, dans le Nord de la France, Outinord incarne ce symbole d’excellence dans la fabrication de coffrages métalliques. Pourtant, en avril 2025, une annonce brutale secoue les 142 salariés : 120 suppressions d’emplois sont programmées. Cette décision, liée à la crise du secteur du BTP, soulève des questions cruciales : comment une entreprise historique peut-elle en arriver là, et quelles perspectives s’ouvrent pour l’avenir de l’industrie ? Cet article plonge au cœur de cette problématique, entre défis économiques, stratégies de survie et espoirs de réinvention.
Outinord : Une Crise Industrielle Emblématique
Outinord, fondée en 1955, est un fleuron de la métallurgie française. Spécialisée dans les coffrages métalliques, ces structures essentielles pour couler le béton dans la construction, l’entreprise a bâti une réputation mondiale. Mais la crise du secteur du BTP, amplifiée depuis plusieurs années, a fragilisé ses fondations. En 2023, son chiffre d’affaires s’élevait à 23 millions d’euros, mais il a été divisé par deux en deux ans. Cette chute vertigineuse illustre les difficultés structurelles du marché de la construction, marquées par une baisse des commandes et des coûts croissants.
« Sur les deux dernières années, notre chiffre d’affaires a été divisé par deux. Malgré le soutien de gros clients comme Bouygues ou Vinci, nous n’arrivons plus à nous autofinancer. »
– David Liégeois, délégué syndical chez Outinord
La décision de supprimer 120 postes sur 142 marque un tournant dramatique. L’usine prévoit d’arrêter la production de coffrages neufs, ne conservant qu’une activité réduite de location. Cette réorientation stratégique, dictée par le groupe Skena, propriétaire d’Outinord depuis 2021, soulève des interrogations sur l’avenir du site et de ses salariés. Mais au-delà de ce cas particulier, c’est tout un écosystème industriel qui vacille.
Les Racines de la Crise : Un Secteur du BTP en Mutation
Le secteur du BTP traverse une période de turbulences sans précédent. En France, la construction neuve est en berne, avec une baisse de 20 % des mises en chantier en 2024 par rapport à 2022. Cette situation résulte de plusieurs facteurs : hausse des coûts des matériaux, inflation, durcissement des conditions de crédit et ralentissement des investissements publics. Pour Outinord, ces vents contraires ont vidé son carnet de commandes, rendant l’entreprise vulnérable.
Le rachat par le groupe Skena en 2021, censé apporter stabilité, n’a pas suffi à inverser la tendance. Skena, qui possède également Sateco, un concurrent historique d’Outinord, semble privilégier ses autres sites de production, situés à Mirebeau (Vienne) et Maillé (Indre-et-Loire). Cette stratégie soulève des soupçons parmi les salariés, qui y voient une volonté de concentrer les activités au détriment du site nordiste.
- Hausse des coûts : Les matières premières, comme l’acier, ont vu leurs prix grimper, comprimant les marges.
- Ralentissement des projets : Les grands chantiers, moteurs traditionnels du BTP, sont moins nombreux.
- Concurrence interne : Le transfert de savoir-faire vers Sateco fragilise Outinord.
Ce cocktail explosif place Outinord dans une position intenable. Mais la crise dépasse le cadre de l’entreprise : elle interroge la résilience de l’industrie métallurgique face aux mutations économiques.
Skena et Sateco : Une Stratégie Controversée
Le groupe Skena, créé en 2021 par le rapprochement d’Outinord et de Sateco, emploie environ 360 personnes et affiche un chiffre d’affaires de 69,4 millions d’euros en 2023. Pourtant, cette consolidation n’a pas empêché les tensions. La décision de transférer une partie du savoir-faire d’Outinord à Sateco est perçue comme une trahison par les salariés. « Notre concurrent historique va récupérer nos brevets et notre carnet de commandes », déplore un représentant syndical.
« On se demande s’il n’y a pas eu une volonté de rhabiller la mariée avant de s’en débarrasser. »
– Représentant au CSE d’Outinord
Aucun reclassement n’a été proposé pour l’instant, accentuant le sentiment d’abandon. Cette stratégie soulève une question plus large : dans un contexte de réindustrialisation, comment concilier les intérêts des groupes industriels avec la préservation des emplois locaux ? Le cas d’Outinord illustre les dilemmes auxquels sont confrontées les entreprises cherchant à rationaliser leurs activités.
Les Réactions : Mobilisation et Inquiétudes
L’annonce des suppressions d’emplois a suscité une vague de réactions. Les élus locaux, de tous bords politiques, se mobilisent pour soutenir les salariés. Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, a interpellé le préfet dans un courrier daté du 15 avril 2025, plaidant pour un accompagnement personnalisé des salariés. « Il est impératif de nous mobiliser pour préserver l’avenir du site », écrit-il.
Du côté des syndicats, l’heure est à la vigilance. Ludovic Bouvier, de la CGT Métallurgie, craint que ce plan social ne soit le prélude à une liquidation totale du site. « En moins de trois mois, l’entreprise pourrait être rayée de la carte », alerte-t-il. Les salariés, encore sous le choc, attendent des précisions sur le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), dont les contours seront discutés prochainement.
- Soutien politique : Les élus locaux appellent à une mobilisation collective.
- Vigilance syndicale : Les représentants craignent une liquidation rapide.
- Attente des salariés : Les discussions sur le PSE sont très attendues.
Cette mobilisation reflète l’importance d’Outinord pour la région. Mais elle met aussi en lumière les défis structurels auxquels est confrontée l’industrie française.
Vers une Réindustrialisation ? Les Pistes pour l’Avenir
Face à cette crise, des solutions émergent pour préserver l’emploi et le savoir-faire. L’une des pistes envisagées est la recherche d’un repreneur pour réindustrialiser le site. Cette démarche, bien que complexe, pourrait permettre de maintenir une activité industrielle à Saint-Amand-les-Eaux. Des exemples récents, comme le rachat de sites industriels par des start-ups innovantes, montrent que la réindustrialisation est possible.
Une autre voie consiste à diversifier les activités d’Outinord. Plutôt que de se limiter à la location de matériel, l’entreprise pourrait investir dans des technologies liées à la construction durable, comme les coffrages réutilisables ou les matériaux biosourcés. Ces innovations, en phase avec les objectifs de transition écologique, pourraient attirer de nouveaux clients et redynamiser le site.
Enfin, la formation des salariés est cruciale. En les accompagnant vers des secteurs porteurs, comme les énergies renouvelables ou la construction modulaire, les pouvoirs publics et les entreprises peuvent limiter l’impact social de la crise. Des programmes de reconversion, déjà expérimentés dans d’autres régions industrielles, pourraient servir de modèle.
Un Enjeu National : Sauver l’Industrie Française
Le cas d’Outinord n’est pas isolé. En 2025, plusieurs géants industriels, comme ArcelorMittal, annoncent des suppressions d’emplois dans le Nord de la France. Ces annonces traduisent une réalité inquiétante : l’industrie française doit se réinventer pour survivre. La réindustrialisation, portée par des politiques publiques et des initiatives privées, est au cœur des débats.
Pourtant, des signaux positifs existent. Le développement de filières comme l’hydrogène vert ou les batteries électriques offre des opportunités pour les régions industrielles. À Saint-Amand-les-Eaux, un projet de reconversion du site vers des activités liées à la transition énergétique pourrait redonner espoir aux salariés.
« Nous ne laisserons pas faire cette casse sociale et industrielle d’un fleuron de notre ville. »
– Fabien Roussel, maire de Saint-Amand-les-Eaux
Ces paroles traduisent une volonté collective de ne pas baisser les bras. Mais le chemin vers une industrie résiliente sera long et semé d’embûches.
Conclusion : Un Tournant pour Outinord et au-delà
L’annonce des 120 suppressions d’emplois chez Outinord est un électrochoc pour Saint-Amand-les-Eaux et pour l’industrie française. Elle rappelle la fragilité des entreprises face aux crises sectorielles, mais aussi leur capacité à se réinventer. En mobilisant élus, syndicats et acteurs économiques, il est possible d’imaginer un avenir où le savoir-faire d’Outinord trouvera de nouveaux débouchés. La transition écologique, la formation et la réindustrialisation sont des leviers à activer d’urgence.
Pour les salariés, l’attente est pesante. Les prochaines semaines seront décisives pour définir les contours du plan social et explorer les alternatives. Une chose est sûre : l’histoire d’Outinord, loin d’être terminée, pourrait devenir un symbole de résilience industrielle. Et si, de cette crise, naissait une nouvelle ère pour l’industrie du Nord ?