Aluminium Recyclé : Une Révolution Industrielle
Saviez-vous que l’aluminium, ce métal omniprésent dans nos voitures, nos emballages et nos bâtiments, pourrait être la clé d’une industrie plus verte ? À Loon-Plages, dans le Nord de la France, une usine fait un pas audacieux vers cet avenir. Aluminium Dunkerque, le plus grand producteur d’aluminium primaire du pays, vient d’inaugurer un four dédié au recyclage, un investissement de 12 millions d’euros qui marque un tournant. Cette innovation ne se contente pas d’augmenter la production : elle redéfinit la manière dont l’industrie peut s’intégrer dans une économie circulaire.
Une Usine au Cœur de la Transition Écologique
L’inauguration de ce four, le 15 mai 2025, n’est pas un simple événement industriel. C’est une réponse à une demande mondiale croissante pour un aluminium plus durable. Selon l’Ademe, la consommation d’aluminium pourrait bondir de 50 % d’ici 2050, poussant les industriels à repenser leurs méthodes. Aluminium Dunkerque, propriété du groupe américain AIP depuis 2021, s’inscrit dans cette dynamique avec un projet qui allie performance économique et responsabilité environnementale.
Un Four Innovant pour un Aluminium Plus Vert
Le nouveau four, une imposante structure d’acier de 10 mètres de large, peut fondre jusqu’à 65 tonnes de métal à la fois. Conçu spécifiquement pour le recyclage, il produira 20 000 tonnes de lingots d’alliage par an, intégrant 7 000 tonnes d’aluminium en fin de vie et 13 000 tonnes de chutes internes. Ce n’est pas un simple ajout à la chaîne de production : il augmente la capacité de l’usine de 8 %, tout en réduisant l’empreinte carbone de ses produits.
Nos clients exigent un aluminium bas-carbone, produit localement. Ce four nous permet de répondre à cette attente sans compromettre la qualité.
– Guillaume de Goÿs, PDG d’Aluminium Dunkerque
Contrairement aux procédés classiques, ce four utilise des galettes d’aluminium pré-affinées, appelées saw, garantissant une composition précise. Ces lingots, enrichis en silicium, répondent aux besoins des secteurs automobile et du bâtiment, représentant 19 % des importations françaises d’alliages d’aluminium. Une avancée qui renforce la souveraineté industrielle tout en valorisant les déchets.
La Technologie au Service de la Décarbonation
Le four repose sur une technologie d’oxycombustion, une innovation qui remplace l’air par de l’oxygène pur dans les brûleurs. Résultat ? Une réduction de 30 % de la consommation de gaz naturel. Hélène Debou, responsable du projet recyclage, explique que cette optimisation permet de limiter l’empreinte carbone à 500-600 kg de CO2 par tonne d’aluminium recyclé, contre 4 tonnes pour l’aluminium primaire. Un chiffre impressionnant, d’autant que l’usine profite déjà du réseau électrique français, à faible intensité carbone.
Mais l’innovation ne s’arrête pas là. Aluminium Dunkerque planifie l’installation d’un pilote de capture de CO2 dans ses cuves, en collaboration avec Fives, Trimet et Rio Tinto. Ce projet, prévu pour 2025, s’inscrit dans le plan Lowcal, qui vise une réduction de 30 % des émissions d’ici 2030. L’usine ambitionne également de doubler ses capacités de recyclage d’ici la fin de la décennie, avec 40 000 tonnes supplémentaires.
Un Contrat Énergétique Stratégique avec EDF
Aluminium Dunkerque, plus gros consommateur d’électricité de France avec 4 TWh par an, a signé un protocole d’accord avec EDF pour un contrat d’approvisionnement de 10 ans, effectif dès 2026. Ce partenariat, négocié sur 18 mois, garantit un prix compétitif et un partage des risques, essentiel pour un site électro-intensif. La signature définitive est attendue d’ici juillet 2025, marquant une nouvelle ère post-Arenh.
Ce contrat nous offre une visibilité à long terme, cruciale pour investir dans des projets comme celui-ci.
– Guillaume de Goÿs, PDG d’Aluminium Dunkerque
Ce type de contrat, différent des CAPN d’EDF, pourrait inspirer d’autres industriels électro-intensifs. EDF a déjà signé 12 lettres d’intention, représentant 15 TWh de consommation annuelle, un volume encore loin des attentes de l’État, mais en progression.
Les Défis de l’Approvisionnement en Aluminium Recyclé
Si le projet est prometteur, il soulève des questions sur l’accès aux matières premières. Chaque année, 500 000 tonnes de déchets d’aluminium quittent la France, exportées vers d’autres pays. Aluminium Dunkerque mise sur une réglementation pour limiter ces flux, une proposition qui divise. La fédération Federec, représentant les recycleurs, s’oppose à toute restriction, arguant qu’elle nuirait à la filière du tri.
Pour Guillaume de Goÿs, la solution passe par une collaboration accrue avec les affineurs locaux. L’usine se fournit en saw de composition connue, évitant les coûteux traitements des fumées nécessaires au recyclage direct. Cette stratégie pragmatique garantit la qualité tout en intégrant des matériaux recyclés.
Un Modèle pour l’Industrie de Demain
Le projet d’Aluminium Dunkerque illustre comment l’industrie lourde peut s’adapter aux impératifs écologiques sans sacrifier sa compétitivité. Voici les principaux atouts de cette initiative :
- Augmentation de 8 % de la capacité de production.
- Réduction significative de l’empreinte carbone par tonne produite.
- Création d’une dizaine d’emplois locaux, renforçant l’économie régionale.
- Positionnement stratégique face à la demande croissante d’aluminium bas-carbone.
Ce modèle pourrait inspirer d’autres secteurs, comme l’acier ou le plastique, confrontés aux mêmes défis. En intégrant des technologies comme l’oxycombustion et en sécurisant des partenariats énergétiques, Aluminium Dunkerque prouve que l’industrie verte n’est pas une utopie, mais une réalité en construction.
Vers une Industrie Circulaire et Durable
L’inauguration de ce four n’est que le début. Avec son plan Lowcal, Aluminium Dunkerque ambitionne de devenir un leader de l’économie circulaire. L’usine prévoit d’investir dans de nouveaux équipements et de collaborer avec des partenaires technologiques pour capturer le CO2 et optimiser ses procédés. D’ici 2030, elle pourrait recycler 60 000 tonnes d’aluminium par an, réduisant encore sa dépendance aux matières premières vierges.
Cette transition ne se fait pas sans obstacles. La compétition pour les déchets d’aluminium s’intensifie, et les coûts énergétiques restent un défi pour les industriels électro-intensifs. Pourtant, Aluminium Dunkerque montre la voie en combinant innovation technologique, partenariats stratégiques et vision à long terme.
Quel Avenir pour l’Aluminium en France ?
À l’échelle nationale, ce projet renforce la position de la France dans la production d’aluminium durable. En réduisant les importations d’alliages et en valorisant les déchets locaux, Aluminium Dunkerque contribue à la relocalisation industrielle. Mais pour pérenniser cette dynamique, des mesures politiques seront nécessaires, notamment pour sécuriser l’accès aux matières recyclées et soutenir les investissements dans les technologies vertes.
Le cas d’Aluminium Dunkerque illustre un paradoxe : l’industrie lourde, souvent critiquée pour son impact environnemental, peut devenir un moteur de la transition écologique. En misant sur le recyclage, l’innovation et des partenariats stratégiques, elle ouvre la voie à une économie plus durable.
En conclusion, l’inauguration de ce four marque une étape décisive pour Aluminium Dunkerque et pour l’industrie française. Elle prouve qu’il est possible de concilier performance économique et responsabilité écologique, à condition d’investir dans les bonnes technologies et de s’appuyer sur des partenariats solides. Alors, l’aluminium recyclé sera-t-il le fer de lance de la transition écologique ? L’avenir le dira, mais une chose est sûre : à Loon-Plages, le futur se forge dès aujourd’hui.
