
Carmat : Crise Financière d’un Cœur Artificiel
Imaginez un monde où un cœur artificiel peut sauver des milliers de vies, offrant une alternative aux transplantations cardiaques souvent inaccessibles. C’est la promesse de Carmat, une entreprise française qui, depuis 2008, repousse les limites de la biotechnologie avec son cœur artificiel Aeson. Pourtant, malgré des avancées médicales spectaculaires, cette pépite tricolore se trouve aujourd’hui au bord du gouffre financier, lançant un appel aux dons désespéré pour éviter la cessation de paiement. Comment une innovation aussi révolutionnaire peut-elle être menacée par des contraintes économiques ? Plongeons dans l’histoire de Carmat, ses succès, ses défis et son avenir incertain.
Carmat : Une Révolution Médicale à la Croisée des Chemins
Fondée en 2008, Carmat s’est donnée une mission ambitieuse : offrir une solution durable aux patients souffrant d’insuffisance cardiaque terminale, une maladie touchant des millions de personnes à travers le monde. Avec son cœur artificiel Aeson, l’entreprise a conçu un dispositif unique, combinant biocompatibilité, pulsatilité et autorégulation, pour imiter au plus près le fonctionnement d’un cœur humain. Contrairement aux dispositifs d’assistance ventriculaire, Aeson remplace intégralement les ventricules du cœur, offrant une alternative aux transplantations cardiaques, souvent limitées par la pénurie de donneurs.
Mais si l’innovation de Carmat est saluée, son parcours est semé d’embûches. En juin 2025, l’entreprise a alerté sur une situation financière critique, risquant la cessation d’activités dès la fin du mois sans un apport urgent de 3,5 millions d’euros. Un appel aux dons, lancé sur une plateforme en ligne, illustre l’urgence de la situation. Comment en est-on arrivé là ?
Aeson : Une Innovation Médicale de Pointe
Le cœur artificiel Aeson est bien plus qu’un simple dispositif médical. Conçu en collaboration avec le professeur Alain Carpentier, pionnier des valves cardiaques Carpentier-Edwards, et soutenu par des partenaires comme Airbus Group, Aeson se distingue par ses caractéristiques uniques :
- Hémocompatibilité : Les matériaux en contact avec le sang réduisent les risques de caillots, un problème majeur des anciens cœurs artificiels.
- Pulsatilité : Aeson imite le rythme naturel du cœur, améliorant la qualité de vie des patients.
- Autoregulation : Le dispositif ajuste automatiquement le flux sanguin en fonction des besoins du patient, une prouesse technologique.
Depuis sa première implantation en 2013 à l’Hôpital Européen Georges-Pompidou, Carmat a franchi des étapes majeures. En février 2025, l’entreprise a célébré sa 100e implantation, un jalon symbolique réalisé simultanément dans les CHU de Lille et Dijon. Avec 120 patients implantés à ce jour, dont plus de la moitié au cours des 18 derniers mois, le rythme des implantations s’accélère, prouvant l’efficacité croissante du dispositif.
« Aeson répond à un réel besoin thérapeutique. Nous contribuons à façonner l’avenir du traitement de l’insuffisance cardiaque avancée. »
– Stéphane Piat, Directeur général de Carmat
Commercialisé depuis 2021 dans l’Union européenne comme pont à la transplantation, Aeson a également été implanté dans des cas complexes, comme chez un patient atteint d’une tumeur cardiaque en 2023. Ces succès cliniques, combinés à une autorisation pour des essais aux États-Unis, laissent entrevoir un potentiel mondial. Pourtant, ces avancées ne suffisent pas à garantir la survie financière de l’entreprise.
Une Croissance Freinée par des Défis Financiers
En 2024, Carmat a généré un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros grâce à la vente de 17 prothèses Aeson, principalement en Allemagne, Italie, Espagne et Pologne. Les premières implantations commerciales hors UE, notamment en Israël, ont marqué une nouvelle étape. Mais ces progrès contrastent avec une situation financière alarmante. Au 31 décembre 2024, la trésorerie de Carmat s’élevait à seulement 4,7 millions d’euros, tandis que son endettement net atteignait 53,1 millions d’euros.
Depuis sa création, Carmat a levé plus de 500 millions d’euros, mais les besoins en capitaux restent colossaux. Le développement d’un dispositif médical aussi complexe nécessite des investissements massifs en recherche, production et essais cliniques. En 2024, l’entreprise a levé 43 millions d’euros en trois étapes, mais ces montants s’amenuisent face aux dépenses. La crise actuelle, avec un besoin urgent de 3,5 millions d’euros avant fin juin 2025 et 35 millions sur les 12 prochains mois, met en lumière la fragilité du modèle économique.
Un Appel aux Dons Inhabituel
Face à cette situation, Carmat a lancé une campagne de dons en ligne, une démarche rare dans l’industrie. Sans contrepartie ni participation au capital, cet appel a toutefois peiné à mobiliser. En quelques jours, seulement 8 000 euros ont été collectés, loin des 3,5 millions nécessaires. Cette initiative traduit le désespoir de l’entreprise, qui explore en parallèle d’autres solutions de financement, comme des levées de fonds ou des partenariats stratégiques.
Pourquoi une telle démarche ? Le modèle de financement des startups médicales repose souvent sur des investisseurs prêts à prendre des risques à long terme. Mais les actionnaires de Carmat, déjà confrontés à une chute de 50 % du titre en bourse en juin 2025, semblent hésiter. La dilution massive du capital, liée aux multiples levées de fonds, freine également l’enthousiasme des investisseurs.
« Je fais un appel au secours pour sauver cette innovation française. »
– Stéphane Piat, Directeur général de Carmat
Les Obstacles du Passé : Une Leçon pour l’Avenir ?
Le parcours de Carmat n’a jamais été linéaire. Entre 2021 et 2022, l’entreprise a dû suspendre temporairement les implantations en raison de défauts de qualité sur ses prothèses. Ces problèmes, suivis de difficultés d’approvisionnement, ont ralenti son développement commercial. Malgré ces revers, Carmat a rebondi, obtenant des autorisations clés, comme le marquage CE en 2020 pour l’UE et une approbation de la FDA pour des essais aux États-Unis.
Les défis techniques ont été surmontés grâce à une équipe de 180 collaborateurs et des partenariats prestigieux, comme celui avec Vygon pour développer des greffons vasculaires. Mais le financement reste le talon d’Achille. Les coûts de production à l’usine de Bois-d’Arcy, capables de fabriquer 500 cœurs par an, et les essais cliniques, comme l’étude EFICAS en France, engloutissent des ressources considérables.
Un Marché Prometteur, Mais un Horizon Incertain
Le marché des dispositifs cardiaques est colossal. Avec 20 millions de patients souffrant d’insuffisance cardiaque en Europe et aux États-Unis, et seulement une fraction bénéficiant d’une transplantation, Aeson pourrait répondre à un besoin criant. Carmat vise un lancement commercial aux États-Unis d’ici 2027, un marché clé où la demande est forte. Mais sans financement, cet objectif reste hors de portée.
Voici un résumé des opportunités et défis de Carmat :
- Opportunités : Innovation unique, marché mondial en croissance, validation clinique en cours.
- Défis : Besoin urgent de financement, concurrence accrue, coûts élevés de R&D.
La question demeure : Carmat pourra-t-elle surmonter cette crise ? Un rachat par un géant étranger ou une injection de fonds publics pourrait changer la donne, mais le temps presse.
Quel Avenir pour Carmat et Aeson ?
L’histoire de Carmat est celle d’une ambition démesurée confrontée aux réalités économiques. Aeson représente une lueur d’espoir pour des milliers de patients, mais sans un modèle financier viable, cette innovation risque de s’éteindre. L’appel aux dons, bien que symbolique, souligne l’urgence d’une mobilisation collective pour sauver cette pépite française.
Pour les investisseurs, le pari est risqué mais potentiellement lucratif. Un succès commercial aux États-Unis ou une adoption massive en Europe pourrait transformer Carmat en leader mondial. Mais pour l’instant, l’entreprise navigue en eaux troubles, cherchant un souffle financier pour continuer à faire battre son cœur artificiel.
En conclusion, Carmat incarne le paradoxe des startups médicales : des avancées technologiques spectaculaires freinées par des contraintes économiques. L’avenir d’Aeson dépendra de la capacité de l’entreprise à mobiliser des ressources rapidement. Une chose est sûre : chaque implantation réussie est une victoire pour la médecine et un rappel de l’importance de soutenir l’innovation française.