
Carburants Durables : L’Avenir de l’Aérien
Imaginez un ciel où chaque avion vole avec un carburant qui ne laisse derrière lui qu’une empreinte écologique minime. Ce rêve, porté par des acteurs majeurs comme Air France, est en train de devenir réalité grâce aux carburants d’aviation durable (SAF). Mais à quel prix, et avec quels défis ? À l’occasion du Salon du Bourget 2025, la directrice générale d’Air France, Anne Rigail, a partagé une vision ambitieuse : décarboner l’aviation tout en préservant la compétitivité du secteur. Cet article explore les enjeux, les avancées et les obstacles de cette révolution verte dans les airs.
Une Révolution Verte dans l’Aviation
Le transport aérien, souvent pointé du doigt pour son impact environnemental, est à un tournant. Avec la pression croissante pour réduire les émissions de CO2, les compagnies aériennes européennes, dont Air France, s’engagent dans une course contre la montre pour adopter des solutions durables. Les SAF, produits à partir de biomasse ou de procédés innovants comme les e-fuels, sont au cœur de cette transformation. Mais leur adoption massive repose sur des défis techniques, économiques et politiques.
Les SAF : Une Solution Prometteuse mais Coûteuse
Les carburants d’aviation durable, ou SAF, ne sont pas une nouveauté, mais leur utilisation à grande échelle reste un défi. En 2025, l’Union européenne impose un taux d’incorporation de 2 % de SAF pour tous les vols au départ de l’Europe, un objectif que les compagnies comme Air France respectent. Mais ce n’est que le début. D’ici 2030, ce taux grimpera à 6 %, et les besoins en carburant durable augmenteront de manière exponentielle.
« Les volumes de SAF sont là, mais l’enjeu est de supporter les coûts pour les compagnies européennes sans perdre des parts de marché. »
– Anne Rigail, Directrice générale d’Air France
Les SAF, comme le HEFA (Hydroprocessed Esters and Fatty Acids), sont déjà disponibles en quantités suffisantes pour répondre aux objectifs actuels. Cependant, leur coût, jusqu’à trois fois supérieur à celui du kérosène classique, pèse lourdement sur les marges des compagnies aériennes. Air France, par exemple, investit massivement dans le renouvellement de sa flotte, avec 1 milliard d’euros par an, et ne peut assumer seule cette charge financière.
Les Défis de la Production à Long Terme
Si les volumes actuels de SAF suffisent pour 2025, l’avenir est moins certain. Les contrats signés avec des acteurs comme TotalEnergies ou Neste garantissent une montée en puissance jusqu’en 2030. Mais au-delà, les limites de la biomasse nécessaire pour produire du HEFA posent problème. La solution ? Les e-fuels, des carburants synthétiques produits à partir d’électricité renouvelable et de CO2 capturé. Ces technologies, encore à l’état expérimental, nécessitent des investissements massifs pour passer à une production industrielle.
Le défi n’est pas seulement technique. Il est aussi géopolitique. Les compagnies aériennes européennes, soumises à des réglementations strictes, doivent concurrencer des hubs du Golfe ou d’Asie, qui échappent à ces contraintes. Sans un soutien public fort, l’Europe risque de perdre sa compétitivité dans le transport aérien.
Un Soutien Public Indispensable
Pour Anne Rigail, la clé réside dans une meilleure répartition des ressources financières. Les taxes imposées au secteur aérien, comme le système d’échange de quotas de CO2 (ETS) ou la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA), génèrent des revenus importants. Une partie de ces fonds devrait être réinvestie dans la décarbonation du secteur, notamment pour soutenir l’émergence des e-fuels et alléger les coûts pour les compagnies.
Voici les principales mesures proposées pour accompagner cette transition :
- Réaffecter une partie des taxes aériennes à la recherche et à la production de SAF.
- Subventionner les compagnies aériennes pour absorber le surcoût des carburants durables.
- Investir dans des usines de production d’e-fuels pour garantir une souveraineté énergétique européenne.
Ces mesures nécessitent une vision à long terme, similaire à celle qui a permis à la France de développer son industrie nucléaire. Sans cela, le secteur aérien européen risque de stagner face à une concurrence internationale moins contrainte.
Air France : Un Engagement Concret
Air France ne se contente pas de suivre les réglementations. La compagnie investit massivement dans sa flotte pour réduire son empreinte carbone. Avec 1,5 milliard d’euros par an, incluant sa filiale Transavia, elle modernise ses appareils pour les rendre plus économes en carburant. De plus, elle encourage ses clients, entreprises et particuliers, à acheter volontairement du SAF, augmentant ainsi le taux d’incorporation au-delà des obligations légales.
« Nous ne pouvons pas supporter seuls les coûts de la décarbonation. Il faut un effort collectif avec les pouvoirs publics. »
– Anne Rigail, Directrice générale d’Air France
Cet engagement s’inscrit dans une stratégie plus large du groupe Air France-KLM, qui consacre 2 milliards d’euros par an à la modernisation de ses avions. Mais sans un soutien financier et politique, ces efforts pourraient être freinés par les coûts prohibitifs des SAF.
Une Question de Souveraineté
La décarbonation de l’aviation n’est pas seulement un enjeu environnemental ; c’est aussi une question de souveraineté européenne. Une dépendance accrue envers des compagnies étrangères ou des hubs non européens pourrait affaiblir l’industrie aérienne du continent. Pour éviter cela, l’Europe doit investir dans des technologies comme les e-fuels et créer un écosystème favorable à la production de carburants durables.
Le Salon du Bourget 2025 a mis en lumière cette urgence. Les discussions entre industriels, politiques et chercheurs ont souligné la nécessité d’une collaboration étroite pour faire émerger ces nouvelles filières énergétiques.
Les Prochaines Étapes pour l’Aviation Verte
Pour réussir cette transition, plusieurs leviers doivent être actionnés :
- Innovation technologique : Accélérer le développement des e-fuels et des carburants à base de déchets.
- Partenariats public-privé : Créer des consortiums pour financer la recherche et la production.
- Réglementation harmonisée : Éviter les distorsions de concurrence avec les compagnies non européennes.
En parallèle, les compagnies aériennes doivent continuer à sensibiliser leurs clients. Air France, par exemple, propose des options pour compenser l’empreinte carbone des vols, une initiative qui rencontre un succès croissant auprès des entreprises.
Un Ciel Plus Vert à l’Horizon
La décarbonation de l’aviation est un défi colossal, mais pas insurmontable. Avec des investissements ciblés, une volonté politique forte et une collaboration entre tous les acteurs du secteur, l’Europe peut devenir un leader de l’aviation durable. Air France montre la voie, mais elle ne peut réussir seule. Le Salon du Bourget 2025 a rappelé que l’avenir du transport aérien se joue maintenant, et que chaque pas vers la durabilité compte.
Alors, à quoi ressemblera le ciel de demain ? Un ciel où les avions voleront avec des carburants propres, où les compagnies européennes resteront compétitives, et où les voyageurs pourront s’envoler l’esprit léger. Mais pour y parvenir, il faudra un effort collectif sans précédent.