Usine de Terres Rares à Lacq : Une Révolution Européenne

Imaginez un monde où l’Europe ne dépend plus de la Chine pour des ressources essentielles à ses industries de pointe. Ce rêve pourrait bientôt devenir réalité grâce à un projet ambitieux à Lacq, dans le sud-ouest de la France. Une entreprise britannique, Less Common Metals, s’apprête à investir 110 millions d’euros pour créer une usine de production de métaux et alliages de terres rares, un secteur stratégique pour la mobilité électrique, les énergies renouvelables et la défense. Ce projet ne se contente pas de promettre des emplois : il pourrait redéfinir la souveraineté industrielle européenne.

Un Pas Vers l’Indépendance Industrielle

La dépendance de l’Europe vis-à-vis de la Chine pour les terres rares est un défi majeur. Ces 17 éléments chimiques, essentiels pour fabriquer des aimants permanents utilisés dans les moteurs électriques, les éoliennes ou les équipements de défense, sont aujourd’hui dominés par Pékin, qui contrôle environ 90 % du raffinage mondial. Cette situation fragilise les chaînes d’approvisionnement européennes, surtout en période de tensions géopolitiques. Mais à Lacq, un écosystème industriel novateur commence à prendre forme, porté par une vision audacieuse.

Le projet de Less Common Metals, annoncé lors du sommet Choose France 2025, vise à établir une usine capable de transformer des oxydes de terres rares en métaux et alliages. Avec une entrée en service prévue pour 2027, cette initiative pourrait créer entre 100 et 140 emplois dans les Pyrénées-Atlantiques. Mais au-delà des chiffres, c’est la promesse d’une filière européenne intégrée qui captive.

Lacq : Un Choix Stratégique

Pourquoi Lacq ? Ce choix ne doit rien au hasard. La région béarnaise, historiquement marquée par l’industrie gazière, se transforme en un hub industriel dédié aux terres rares. Less Common Metals s’appuie sur une collaboration étroite avec Carester, une start-up française qui prévoit d’ouvrir une usine de recyclage de terres rares à Lacq d’ici fin 2026. Ensemble, les deux entreprises forment une alliance complémentaire : Carester recycle les aimants usagés pour en extraire des oxydes, que LCM transformera ensuite en métaux prêts à l’emploi.

« Leur activité de recyclage constitue une base industrielle cohérente pour développer une filière circulaire, je vois cela comme faisant partie de l’avenir de l’industrie des aimants. »

– Grant Smith, président de Less Common Metals

Cette synergie est au cœur du projet. En combinant recyclage et production, Lacq pourrait devenir un pôle d’excellence pour les terres rares en Europe. Carester prévoit de produire 600 tonnes d’oxydes de terres rares lourdes et 800 tonnes d’oxydes légers par an. LCM, de son côté, alignera sa capacité de transformation pour répondre à cette production, tout en intégrant des oxydes vierges d’autres fournisseurs si nécessaire.

Réduire la Dépendance à la Chine

La Chine domine le marché des terres rares depuis des décennies. Selon un rapport récent de l’Agence internationale de l’énergie, Pékin a capté près de 90 % de la croissance mondiale du raffinage des terres rares entre 2020 et 2024. Cette concentration expose l’Europe à des risques d’approvisionnement, comme en témoignent les récentes restrictions chinoises sur les exportations, qui ont perturbé des industries clés comme l’automobile. LCM, avec son usine à Lacq, veut changer la donne.

Depuis 2017, l’entreprise britannique diversifie ses sources d’approvisionnement pour répondre à la demande croissante de chaînes non chinoises. « Certains de nos clients exigent des approvisionnements partiellement ou totalement indépendants de la Chine », explique Grant Smith. En s’implantant en France, LCM renforce cette stratégie, en s’appuyant sur le recyclage local et des partenaires alternatifs.

Un Écosystème Soutenu par la France

Le projet bénéficie d’un fort soutien des autorités françaises. Le plan France 2030, qui vise à relancer l’industrie nationale, joue un rôle clé. Des aides européennes, encore en négociation, pourraient également accompagner l’initiative. Cette mobilisation reflète l’ambition de la France de devenir un leader européen dans les terres rares. La présence d’un autre acteur majeur, Solvay, qui a lancé une expansion de son usine de terres rares à La Rochelle, renforce cette dynamique.

Ce soutien institutionnel est crucial, car le projet de LCM repose sur des investissements lourds et des enjeux énergétiques complexes. Les discussions en cours sur l’approvisionnement en énergie montrent que chaque détail compte pour garantir la viabilité de l’usine.

Les Défis d’une Filière Européenne

Construire une filière européenne des terres rares est un défi de taille. Le Critical Raw Materials Act, adopté par l’Union européenne en 2023, fixe des objectifs ambitieux : d’ici 2030, 40 % des matériaux critiques consommés en Europe devront être traités localement, et 25 % proviendront du recyclage. Lacq pourrait devenir un maillon essentiel de cette stratégie, mais plusieurs obstacles subsistent.

Premièrement, la viabilité économique du projet dépend de contrats à long terme avec des industriels, notamment dans l’automobile et la défense. Sans engagements fermes, l’usine risque de rester sous-exploitée. Deuxièmement, la concurrence chinoise, avec ses coûts de production plus faibles, reste un frein. Enfin, l’accès à une énergie abordable et durable est un enjeu majeur pour une industrie aussi énergivore.

Les Opportunités pour l’Industrie

Malgré ces défis, les opportunités sont immenses. Les terres rares sont au cœur des technologies du futur, des véhicules électriques aux éoliennes en passant par les drones. En développant une filière locale, l’Europe pourrait sécuriser ses approvisionnements et stimuler l’innovation. Voici les principaux bénéfices attendus :

• Souveraineté industrielle : Réduire la dépendance à la Chine pour les matériaux critiques.
• Création d’emplois : Jusqu’à 140 postes directs à Lacq, sans compter les emplois indirects.
• Économie circulaire : Une filière intégrée avec le recyclage de Carester.
• Innovation : Développement de nouvelles technologies pour les aimants permanents.

Ces avantages positionnent Lacq comme un acteur clé dans la transition vers une industrie plus durable et indépendante. En combinant recyclage et production, le projet incarne une vision moderne de l’industrie, où économie circulaire et innovation vont de pair.

Un Modèle pour l’Avenir ?

Le projet de Less Common Metals à Lacq n’est pas qu’une usine. Il symbolise une ambition plus large : faire de l’Europe un acteur majeur des matériaux critiques. En s’appuyant sur des partenariats comme celui avec Carester, LCM montre qu’une approche collaborative peut transformer un secteur dominé par un seul acteur mondial. Mais pour réussir, il faudra surmonter des défis techniques, économiques et politiques.

Si le projet aboutit, il pourrait inspirer d’autres initiatives en Europe, renforçant la résilience des chaînes d’approvisionnement. À l’heure où les tensions géopolitiques redessinent les équilibres industriels, Lacq pourrait devenir un symbole de la renaissance industrielle européenne. Reste à savoir si l’Union européenne saura saisir cette opportunité pour bâtir une filière durable et compétitive.

Conclusion : Vers une Nouvelle Ère Industrielle

L’usine de Less Common Metals à Lacq est bien plus qu’un investissement de 110 millions d’euros. C’est un pari sur l’avenir, une réponse aux défis de la dépendance chinoise et un pas vers une industrie européenne plus souveraine. En collaborant avec Carester et en s’appuyant sur le soutien de la France, LCM pose les bases d’un écosystème innovant. Mais le chemin est encore long, et le succès dépendra de la capacité à relever les défis économiques et techniques. Une chose est sûre : à Lacq, l’avenir de l’industrie européenne se fabrique dès aujourd’hui.