
Thérapies Géniques : La France en Retard ?
Imaginez un monde où une seule injection peut guérir une maladie rare, jusque-là incurable. Ce n’est plus de la science-fiction, mais la réalité des thérapies géniques, une révolution médicale qui transforme la vie de milliers de patients. En France, berceau de cette innovation grâce à des acteurs comme le Généthon, le potentiel est immense, mais les défis le sont tout autant. Alors que le marché mondial de ces traitements pourrait tripler d’ici 2030, la France peut-elle rester dans la course face à la domination américaine ?
Une Révolution Médicale en Pleine Expansion
Les thérapies géniques, qui consistent à réparer ou remplacer un gène défectueux pour traiter des maladies souvent mortelles, connaissent une croissance fulgurante. En 2025, 68 traitements sont déjà approuvés dans le monde, et près de 20 pourraient s’ajouter cette année. Avec environ 3000 thérapies en développement, le marché, évalué à 10 milliards de dollars en 2024, pourrait atteindre 52 milliards d’ici 2033, selon les projections du biocluster français Genother.
« Les thérapies géniques représentent une révolution comparable à l’arrivée des antibiotiques au XXe siècle. »
– Frédéric Revah, directeur général de Généthon
Cette croissance est portée par des avancées technologiques, mais aussi par un besoin médical urgent : traiter des maladies rares touchant des populations souvent négligées par l’industrie pharmaceutique classique. Pourtant, malgré son rôle pionnier, la France semble perdre du terrain face à des concurrents internationaux, notamment les États-Unis.
La France : un Pionnier en Perte de Vitesse ?
Il y a trente ans, la France était à l’avant-garde des thérapies géniques, grâce aux travaux du Généthon, financé par l’AFM-Téléthon. Ce laboratoire a jeté les bases de traitements révolutionnaires, comme le Zolgensma, un médicament contre l’amyotrophie spinale infantile. Mais, faute de financements suffisants, le développement de ce traitement a été repris par des acteurs étrangers, notamment Novartis, qui le commercialise aujourd’hui à un prix exorbitant de 2 millions d’euros par dose.
Ce scénario se répète trop souvent. Une dizaine de thérapies géniques commercialisées dans le monde reposent sur des brevets français, mais aucune n’est portée par une entreprise tricolore. Pourquoi ? Le manque de financement est un frein majeur. Les programmes prometteurs sont souvent rachetés par des géants pharmaceutiques américains, qui dominent le marché grâce à des moyens financiers colossaux.
Un Marché Mondial Dominé par les États-Unis
En 2023, l’Amérique du Nord représentait 65 % du chiffre d’affaires mondial des thérapies géniques, contre seulement 12 % pour l’Europe. Avec 1029 acteurs et 11,8 milliards de dollars investis, les États-Unis écrasent la concurrence. En comparaison, l’Europe, avec 581 développeurs et 2 milliards de dollars, peine à suivre.
- Amérique du Nord : 65 % du marché, 11,8 milliards de dollars investis.
- Europe : 12 % du marché, 2 milliards de dollars investis.
- Asie-Pacifique : 10 % du marché, forte croissance attendue.
Ce déséquilibre s’explique par plusieurs facteurs : des prix plus élevés aux États-Unis, une réglementation favorable et un écosystème d’investisseurs plus agressif. En France, malgré un vivier de talents scientifiques, les investisseurs perçoivent les thérapies géniques comme risquées, préférant des secteurs plus larges comme les traitements contre l’obésité.
Les Défis de la France : Financement et Bioproduction
Pour redevenir compétitive, la France doit relever deux défis majeurs : le financement des projets et l’optimisation de la bioproduction. Sur le premier point, les investisseurs hésitent face à la complexité des thérapies géniques, qui ciblent des populations réduites. Pourtant, des acteurs comme Genother soulignent que la France dispose d’un « terreau fertile » grâce à ses chercheurs et à des structures comme le Genopole d’Évry.
« Nous avons les talents et les idées, mais il nous manque les moyens pour transformer ces innovations en succès industriels. »
– Alexandre Lemoalle, vice-président de Genother
En matière de bioproduction, la France dispose de capacités importantes, notamment avec Yposkesi, l’un des leaders européens. Cependant, réduire les coûts de production reste crucial pour rendre ces traitements accessibles. L’innovation dans les procédés de fabrication est une priorité pour garantir l’indépendance sanitaire et la compétitivité.
Un Écosystème Prometteur à Renforcer
Le biocluster Genother, soutenu par le programme France 2030, fédère une quarantaine d’acteurs, de la recherche fondamentale à l’industrie. Des institutions comme l’Inserm, l’AP-HP ou Centrale Supélec collaborent avec des industriels comme Ipsen et Spark Therapeutics. Cet écosystème, centré autour du Genopole, vise à accélérer le développement des thérapies géniques en France.
Les essais cliniques constituent un point fort : la France participe à 60 des 700 essais mondiaux en cours. Mais pour transformer ces avancées en succès commerciaux, il faudra renforcer les partenariats public-privé et attirer davantage d’investisseurs. Des initiatives comme l’AFM-Téléthon et la Fondation Maladies rares jouent un rôle clé en représentant les patients et en finançant la recherche.
Vers une Souveraineté Médicale ?
Face à la domination américaine, la France doit jouer la carte de la souveraineté médicale. Cela passe par une meilleure valorisation des brevets français et un soutien accru aux startups locales. Des entreprises comme Yposkesi ou des acteurs émergents pourraient devenir des champions nationaux, à condition de surmonter les obstacles financiers et industriels.
Le programme France 2030, avec ses investissements dans la santé, offre une opportunité unique. En parallèle, les progrès en intelligence artificielle, portés par des acteurs comme Thalès, pourraient optimiser la recherche et la production. L’enjeu est clair : transformer les découvertes françaises en médicaments accessibles, produits localement.
Un Avenir à Portée de Main
Les thérapies géniques sont bien plus qu’une prouesse scientifique : elles incarnent l’espoir pour des millions de patients. La France, avec son histoire d’innovation et son écosystème unique, a toutes les cartes en main pour redevenir un leader mondial. Mais cela demande une mobilisation collective, des pouvoirs publics aux investisseurs, pour transformer les promesses en réalité.
- Renforcer les financements pour éviter la fuite des brevets.
- Optimiser la bioproduction pour réduire les coûts.
- Fédérer l’écosystème autour de Genother et France 2030.
En conclusion, les thérapies géniques représentent une chance historique pour la France de briller sur la scène mondiale. Mais le temps presse : sans investissements massifs et une stratégie claire, le pays risque de voir ses innovations continuer à profiter à d’autres. Le futur de la santé se joue aujourd’hui, et la France doit relever le défi.