
Comment Stopper la Fuite des Talents IA au Canada ?
Chaque année, des milliers de talents canadiens en intelligence artificielle quittent le pays pour rejoindre les géants technologiques de la Silicon Valley. Ce phénomène, souvent appelé la fuite des cerveaux, prive le Canada de ses esprits les plus brillants et de ses innovations. Mais que se passerait-il si une initiative audacieuse pouvait inverser cette tendance ? Une entreprise, AXL, un venture studio basé à Toronto, s’est donné pour mission de créer 50 startups IA au cours des cinq prochaines années, toutes ancrées au Canada. Cette ambition pourrait-elle changer la donne pour l’écosystème technologique canadien ?
AXL : Une Réponse à la Fuite des Talents en IA
Le Canada est un pionnier mondial en intelligence artificielle, grâce à des figures comme Geoffrey Hinton, souvent surnommé le « parrain de l’IA ». Pourtant, malgré cet héritage, le pays peine à retenir ses talents. Les jeunes diplômés et chercheurs en IA sont attirés par les salaires élevés et les opportunités offertes par les géants technologiques aux États-Unis. AXL, dirigé par le professeur et entrepreneur Daniel Wigdor, propose une solution innovante : un venture studio qui non seulement crée des startups, mais les accompagne pour qu’elles prospèrent localement.
Dans dix ans, je veux que la moitié des entreprises technologiques les plus influentes au monde soient basées à Toronto, et non sur la côte ouest des États-Unis.
– Daniel Wigdor, Fondateur d’AXL
Ce rêve ambitieux repose sur une stratégie claire : identifier des idées prometteuses, fournir un soutien financier et opérationnel, et établir des partenariats stratégiques avec des entreprises établies. AXL a déjà noué des collaborations avec des firmes comme Dentons et RSM Canada pour développer des solutions IA dans des secteurs comme le droit et la comptabilité.
Pourquoi les Talents IA Quittent-ils le Canada ?
Pour comprendre l’ampleur du défi, il faut d’abord examiner les raisons de cette fuite des talents. Le Canada excelle dans la recherche académique, avec des institutions comme l’Université de Toronto ou l’Université de Montréal qui forment des experts de classe mondiale. Cependant, plusieurs obstacles freinent la transformation de ces recherches en entreprises prospères :
- Un accès limité au capital risque comparé aux États-Unis.
- Une culture entrepreneuriale moins développée, où les jeunes talents préfèrent la sécurité des grandes entreprises.
- Des opportunités de carrière plus attractives à l’étranger, notamment dans la Silicon Valley.
Ces facteurs créent un cercle vicieux : sans financement ni écosystème entrepreneurial robuste, les innovations canadiennes sont souvent rachetées par des géants étrangers, et les talents suivent. Daniel Wigdor, fort de son expérience chez Microsoft et Meta, a vu de près ce phénomène. Son entreprise, Chatham Labs, a elle-même été acquise par Meta, une expérience qui l’a motivé à créer AXL pour offrir une alternative locale.
Le Modèle du Venture Studio : Une Révolution ?
Contrairement à un incubateur ou un fonds d’investissement classique, un venture studio comme AXL adopte une approche proactive. Plutôt que d’attendre que des entrepreneurs présentent leurs projets, AXL identifie des opportunités, assemble des équipes, et fournit les ressources nécessaires pour transformer une idée en entreprise viable. Ce modèle est particulièrement adapté à l’IA, un domaine où les cycles de développement sont rapides mais les besoins en expertise technique élevés.
Voici les principaux atouts du modèle d’AXL :
- Partenariats stratégiques : Collaborations avec des entreprises établies pour garantir un accès au marché.
- Financement ciblé : Des fonds alloués directement aux projets prometteurs, réduisant les risques pour les entrepreneurs.
- Accompagnement intensif : Une équipe d’experts guide les startups à chaque étape, de l’idée au déploiement.
En ciblant des secteurs comme le droit ou la comptabilité, AXL s’assure que ses startups répondent à des besoins concrets du marché, augmentant ainsi leurs chances de succès et leur ancrage au Canada.
Les Défis d’AXL : Un Pari Audacieux
Créer 50 startups en cinq ans est un objectif ambitieux, et AXL devra surmonter plusieurs obstacles. Le premier est financier : bien que le Canada ait vu une augmentation des investissements en IA, le pays reste en retard par rapport aux États-Unis. Selon une étude récente, les investissements en capital risque au Canada représentaient seulement 4 % du total mondial en IA en 2024, contre 50 % pour les États-Unis.
Ensuite, il y a la question culturelle. Les entrepreneurs canadiens sont souvent plus prudents que leurs homologues américains, préférant la stabilité à l’incertitude d’une startup. AXL devra donc non seulement fournir des ressources, mais aussi inspirer une nouvelle génération d’entrepreneurs audacieux.
Un entrepreneur, c’est quelqu’un qui n’est pas fait pour avoir un patron.
– Daniel Wigdor
Cette mentalité, selon Wigdor, est essentielle pour bâtir un écosystème où les talents choisissent de rester. AXL mise sur une approche collaborative, où les fondateurs ne se sentent pas seuls face aux défis de la création d’entreprise.
Un Impact au-delà des Startups
Si AXL réussit, son impact pourrait dépasser la simple création de startups. En gardant les talents et les innovations au Canada, le studio pourrait renforcer l’ensemble de l’écosystème technologique du pays. Toronto, déjà un hub technologique en pleine croissance, pourrait devenir un concurrent sérieux face à des villes comme San Francisco ou Seattle.
De plus, les partenariats d’AXL avec des secteurs traditionnels comme le droit et la comptabilité montrent que l’IA peut transformer des industries souvent perçues comme conservatrices. Cela pourrait inspirer d’autres secteurs à investir dans l’innovation, créant un effet d’entraînement.
Voici un aperçu des impacts potentiels d’AXL :
- Retenir les talents : Offrir des opportunités locales pour éviter l’exode vers l’étranger.
- Stimuler l’économie : Créer des emplois et attirer des investissements dans les technologies.
- Innover dans les secteurs traditionnels : Introduire l’IA dans des domaines comme le droit et la finance.
Le Rôle des Politiques Publiques
Pour qu’AXL et d’autres initiatives similaires réussissent, le soutien des politiques publiques est crucial. Des programmes comme le SR&ED (crédit d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental) pourraient jouer un rôle clé. Des experts estiment que des réformes récentes du programme pourraient augmenter la productivité des entreprises technologiques canadiennes, en facilitant l’accès au financement pour les startups.
Le gouvernement pourrait également investir dans des infrastructures pour soutenir l’écosystème entrepreneurial, comme des hubs technologiques ou des programmes de formation pour les entrepreneurs. Ces mesures, combinées à des initiatives privées comme AXL, pourraient créer un environnement où les talents et les innovations restent au Canada.
Un Avenir Prometteur ?
AXL représente une lueur d’espoir dans la lutte contre la fuite des talents en IA. En combinant un modèle innovant de venture studio, des partenariats stratégiques et une vision audacieuse, Daniel Wigdor et son équipe pourraient poser les bases d’un écosystème technologique plus robuste au Canada. Cependant, le chemin est encore long, et le succès dépendra de la capacité à surmonter les défis financiers, culturels et structurels.
Si AXL atteint son objectif de 50 startups en cinq ans, il pourrait non seulement retenir les talents, mais aussi inspirer une nouvelle génération d’entrepreneurs canadiens. Et si, dans dix ans, Toronto devient un centre mondial pour l’IA, nous pourrions regarder en arrière et dire que tout a commencé avec une vision audacieuse et un venture studio déterminé à changer les règles du jeu.