
Goodfood : Crise et Renouveau d’une Startup
Imaginez une startup qui, il y a quelques années, surfait sur la vague du succès, portée par une pandémie mondiale qui a transformé nos habitudes alimentaires. Puis, du jour au lendemain, le vent tourne : pertes financières, départ soudain du PDG, et une entreprise qui doit se réinventer pour survivre. C’est l’histoire de Goodfood, une entreprise montréalaise spécialisée dans la livraison de repas, qui traverse une période de turbulences mais refuse de baisser les bras. Alors, comment une marque autrefois florissante peut-elle rebondir face à des défis aussi complexes ?
Goodfood : Une Success Story à la Croisée des Chemins
Goodfood, fondée à Montréal, s’est imposée comme un acteur clé du marché des meal kits au Canada. En 2021, l’entreprise atteignait des sommets avec un chiffre d’affaires record de 100,7 millions de dollars, dopée par la demande de livraisons à domicile pendant la pandémie de COVID-19. Mais le retour à la normale a été brutal : les consommateurs ont repris leurs habitudes d’achat en magasin, et Goodfood a vu ses ventes chuter, enregistrant des pertes nettes de 2 millions de dollars par trimestre entre fin 2024 et mi-2025. Ce contexte difficile a culminé avec le départ inattendu de son PDG et co-fondateur, Jonathan Ferrari, en août 2025.
Un Départ qui Fait des Vagues
Jonathan Ferrari, figure emblématique de Goodfood, a quitté ses fonctions de PDG et de président du conseil d’administration de manière soudaine. Cette décision, effective immédiatement, a surpris les observateurs du secteur. Ferrari, qui a cofondé l’entreprise il y a onze ans, a laissé la gestion quotidienne à Neil Cuggy, président et directeur des opérations, également cofondateur. Ce dernier devra naviguer dans une période critique pour l’entreprise, marquée par une revue opérationnelle formelle visant à redéfinir la stratégie de Goodfood.
Goodfood a été un voyage incroyable et, partant de zéro, je suis extrêmement fier d’avoir bâti une marque nationale grâce à notre équipe talentueuse.
– Jonathan Ferrari, ex-PDG de Goodfood
Malgré son départ, Ferrari reste au conseil d’administration en tant que directeur, signe qu’il croit encore au potentiel de l’entreprise. Mais ce changement de leadership soulève des questions : est-ce le signe d’une crise plus profonde ou une opportunité pour un renouveau stratégique ?
Les Défis d’un Marché en Mutation
Le secteur des meal kits est particulièrement compétitif. Avec la fin des restrictions liées à la pandémie, les consommateurs canadiens ont retrouvé leurs anciennes habitudes, préférant les épiceries physiques ou les restaurants. Cette transition a eu un impact direct sur Goodfood, dont les ventes nettes oscillent désormais entre 31 et 34 millions de dollars par trimestre, loin des records de 2021. De plus, la valeur de l’action de l’entreprise, cotée à la Bourse de Toronto, est passée d’un sommet de 13 dollars à seulement 20 cents en 2025.
Face à ces défis, Goodfood a dû prendre des mesures drastiques, incluant des licenciements et un changement de directeur financier en mars 2023. Ces ajustements n’ont pas encore inversé la tendance, mais l’entreprise explore de nouvelles avenues pour rester compétitive. Voici quelques-unes des stratégies adoptées :
- Acquisition d’une participation majoritaire (81 %) dans la marque de thé Genuine Tea en novembre 2024, qui affiche une croissance prometteuse.
- Investissement de 3 millions de dollars dans un fonds négocié en bourse basé sur le Bitcoin, avec une valeur actuelle de 3,2 millions.
- Lancement d’une revue opérationnelle pour optimiser les processus et réduire les coûts.
Un Nouveau Leadership pour un Nouveau Départ
Pour remplacer Ferrari à la présidence du conseil, Goodfood a nommé Selim Bassoul, un vétéran de l’industrie connu pour son rôle de président exécutif chez Six Flags, où il supervise plus de 1 200 restaurants. Bassoul apporte une expertise précieuse en matière de compréhension des attentes des consommateurs, un atout clé pour une entreprise comme Goodfood qui cherche à se réinventer.
Bien que Goodfood ait fait face à des vents contraires, elle possède un potentiel significatif.
– Selim Bassoul, nouveau président du conseil de Goodfood
La nomination de Bassoul pourrait marquer un tournant. Son expérience dans la gestion de grandes opérations de restauration pourrait aider Goodfood à mieux répondre aux besoins changeants des consommateurs, tout en optimisant ses opérations logistiques, un défi majeur dans le secteur des meal kits.
Diversification et Innovation : Les Clés de la Survie
Pour surmonter ses difficultés, Goodfood mise sur la diversification. L’acquisition de Genuine Tea est un exemple frappant : cette marque connaît une croissance soutenue et permet à Goodfood d’élargir son portefeuille au-delà des kits de repas. De plus, l’entreprise explore des investissements financiers innovants, comme son fonds en Bitcoin, qui pourrait offrir une certaine stabilité financière à long terme.
Cependant, la concurrence reste rude. À titre d’exemple, une autre entreprise québécoise, WeCook, basée à Saint-Hyacinthe, a récemment lancé un programme de livraison de repas prêts à consommer directement dans les lieux de travail. Cette initiative illustre une tendance plus large dans l’industrie : les entreprises doivent innover non seulement dans leurs produits, mais aussi dans leurs modèles de distribution pour capter de nouveaux segments de marché.
Les Enjeux d’un Marché Canadien en Évolution
Le marché canadien des startups technologiques est dynamique, mais impitoyable. Goodfood n’est pas la seule entreprise à avoir souffert du retour à la normale post-pandémie. De nombreuses startups, particulièrement dans le secteur retail tech, ont dû ajuster leurs stratégies pour survivre. Voici quelques facteurs clés qui influencent ce secteur :
- Changement des habitudes de consommation : Les consommateurs privilégient à nouveau les expériences en personne, réduisant la demande pour les services de livraison.
- Concurrence accrue : De nouveaux acteurs, comme WeCook, innovent avec des offres adaptées aux besoins modernes.
- Pression financière : Les investisseurs exigent des résultats rapides, mettant les startups sous pression pour atteindre la rentabilité.
Dans ce contexte, la revue opérationnelle annoncée par Goodfood est cruciale. Elle vise à identifier les inefficacités, réduire les coûts et repositionner l’entreprise sur un marché en rapide évolution. Mais les résultats de cette revue restent incertains, et les prochains trimestres seront déterminants pour l’avenir de la startup.
Un Avenir Incertain, mais Plein de Promesses
Goodfood se trouve à un carrefour. Le départ de son PDG, les pertes financières et la concurrence accrue sont des défis de taille, mais l’entreprise dispose d’atouts non négligeables : une marque nationale bien établie, une équipe talentueuse et une volonté d’innover. La nomination de Selim Bassoul et l’acquisition de Genuine Tea sont des signaux positifs, mais ils ne suffiront pas à eux seuls.
Pour réussir, Goodfood devra non seulement optimiser ses opérations, mais aussi anticiper les tendances du marché. Les consommateurs canadiens recherchent des solutions pratiques, abordables et durables. En se concentrant sur l’innovation, la diversification et une meilleure compréhension des besoins des clients, Goodfood pourrait non seulement surmonter cette crise, mais aussi redevenir un leader du secteur.
Le chemin sera semé d’embûches, mais l’histoire de Goodfood nous rappelle une vérité fondamentale des startups : dans un monde en constante évolution, la résilience et l’adaptabilité sont les clés du succès. Alors, Goodfood saura-t-elle se réinventer pour reconquérir le cœur des consommateurs canadiens ? L’avenir nous le dira.