
Google Absorbe Windsurf : Les Dessous d’un Deal
Imaginez une startup prometteuse, née dans l’effervescence de la Silicon Valley, qui attire l’attention des géants technologiques. Puis, en un éclair, un mastodonte comme Google entre en scène, absorbant non seulement sa technologie, mais aussi ses talents clés, tout en laissant des centaines d’employés sur le carreau. C’est l’histoire de Windsurf, une entreprise d’intelligence artificielle au cœur d’une transaction de 2,4 milliards de dollars qui fait jaser. Ce deal, à la fois triomphe pour certains et désillusion pour d’autres, soulève des questions brûlantes : qui profite vraiment des grandes acquisitions technologiques ?
Windsurf et Google : Une Transaction à Double Tranchant
En août 2025, Google a conclu un accord spectaculaire avec Windsurf, une startup spécialisée dans l’intelligence artificielle. Pour 2,4 milliards de dollars, le géant de la tech a obtenu une licence sur la technologie de Windsurf tout en recrutant son PDG et une quarantaine de talents clés. Cette opération, bien que financièrement impressionnante, a révélé des fractures dans la manière dont les bénéfices sont répartis entre fondateurs, investisseurs et employés. Plongeons dans les détails de ce deal qui secoue la Valley.
Une Répartition Inégale des Gains
Le montant total de l’accord a été divisé en deux parties égales : 1,2 milliard de dollars pour les investisseurs et autant pour les employés recrutés par Google, avec une part significative attribuée aux co-fondateurs, Varun Mohan et Douglas Chen. Ce montage a permis aux investisseurs, dont Greenoaks, Kleiner Perkins et General Catalyst, de réaliser des profits substantiels. Greenoaks, détenant 20 % de Windsurf, a transformé ses 65 millions de dollars investis en environ 500 millions, soit un retour de 7,7 fois leur mise initiale.
Cette réussite financière pour les venture capitalists contraste avec la situation des employés. Sur les 250 employés de Windsurf, seuls 40 ont été recrutés par Google, bénéficiant de packages de compensation attractifs. Cependant, pour beaucoup, les promesses d’enrichissement se sont envolées, notamment pour ceux embauchés récemment, qui n’ont reçu aucun paiement pour leurs actions.
“Windsurf est un exemple désastreux de fondateurs qui abandonnent leur équipe sans partager les bénéfices.”
– Vinod Khosla, investisseur influent, sur X
Les Investisseurs : Un Retour Solide, Mais Pas Optimal
Les investisseurs de Windsurf ont levé un total de 243 millions de dollars, valorisant l’entreprise à 1,25 milliard en 2024. Avec un retour global de 1,2 milliard, soit environ 4 fois leur investissement, des acteurs comme Kleiner Perkins ont empoché environ trois fois leur mise. Pourtant, certains espéraient un retour encore plus élevé, notamment après des discussions avortées avec OpenAI pour un rachat à 3 milliards de dollars.
Ce qui rend ce deal particulier, c’est sa structure. Google n’a pas acquis Windsurf dans son ensemble, mais a opté pour une licence de sa technologie et un recrutement sélectif. Cette approche a permis aux investisseurs de récupérer leurs fonds sans absorber les dettes ou obligations de l’entreprise. Mais elle a aussi amplifié les tensions, car les employés non recrutés se sont retrouvés sans compensation immédiate.
Les Employés : Les Grands Oubliés ?
Dans une acquisition classique, les employés bénéficient souvent d’une accélération de leurs droits d’acquisition de parts, leur permettant de toucher une part du gâteau. Dans le cas de Windsurf, les 200 employés non recrutés par Google n’ont pas eu cette chance. Pire, certains de ceux embauchés par Google ont vu leurs actions annulées et leurs calendriers de vesting réinitialisés, les obligeant à attendre quatre ans pour leurs nouvelles compensations en actions Google.
Pour apaiser les tensions, les investisseurs et fondateurs ont laissé environ 100 millions de dollars dans les caisses de Windsurf. Ce montant, selon certaines sources, aurait pu permettre de payer tous les employés restants au prix par action de l’accord avec Google. Cependant, une distribution immédiate aurait vidé les réserves de l’entreprise, rendant sa survie incertaine sans les fondateurs ni nouveaux financements.
Un Rebond Inattendu avec Cognition
Après plusieurs jours d’incertitude, Windsurf a trouvé une issue grâce à un rachat par Cognition, une autre entreprise tech. Cognition a acquis la propriété intellectuelle et les produits restants de Windsurf, tout en intégrant l’ensemble des employés non recrutés par Google. Bien que les termes exacts du deal n’aient pas été révélés, des estimations suggèrent un montant de 250 millions de dollars.
Ce rachat a permis à chaque employé de bénéficier financièrement de la vente, restaurant une certaine équité. Cette issue, bien que positive, n’efface pas les critiques sur la gestion initiale du deal par les fondateurs, accusés de privilégier leurs propres gains.
Les Leçons d’un Deal Controversé
Ce cas illustre les tensions inhérentes aux acquisitions dans la tech. Voici les points clés à retenir :
- Les acquisitions structurées comme des licences technologiques peuvent maximiser les profits des investisseurs tout en marginalisant les employés.
- La transparence et l’équité dans la répartition des gains sont cruciales pour maintenir la confiance des équipes.
- Les fondateurs doivent anticiper les impacts de leurs décisions sur l’ensemble des parties prenantes.
L’histoire de Windsurf montre que derrière les chiffres astronomiques des deals technologiques se cachent des réalités humaines complexes. Si les fondateurs et investisseurs ont célébré une victoire financière, les employés ont dû attendre un rachat secondaire pour obtenir une part du succès. Cette affaire rappelle que l’innovation, si elle enrichit certains, doit aussi bénéficier à ceux qui la rendent possible.
L’Impact sur la Silicon Valley
Ce deal a suscité un débat plus large dans la Silicon Valley. Les pratiques de Google, qui privilégie les acquisitions de talents et de technologies sans racheter les entreprises en entier, sont de plus en plus scrutées. Elles permettent aux géants de s’approprier des innovations sans assumer les responsabilités d’une acquisition complète, mais elles laissent souvent les équipes sur la touche.
Pour les startups, cette affaire souligne l’importance de négocier des accords qui protègent tous les employés, pas seulement les cadres. Elle met aussi en lumière le rôle des investisseurs, qui, bien que moteurs de l’innovation, doivent équilibrer profits et éthique.
Vers un Modèle Plus Équitable ?
Alors que la Silicon Valley continue de produire des deals à plusieurs milliards, l’affaire Windsurf pourrait inciter à repenser les modèles d’acquisition. Les startups pourraient exiger des clauses garantissant des compensations pour tous les employés, tandis que les investisseurs pourraient être poussés à adopter une approche plus inclusive.
En attendant, Windsurf reste un cas d’école, un mélange de succès financier et de controverse éthique. Ce deal, bien que profitable pour certains, rappelle que l’innovation technologique ne doit pas se faire au détriment de ceux qui la construisent.