Comac Défie Airbus et Boeing au Bourget 2025

Imaginez un ciel où un nouvel acteur, venu de l’Est, défie les géants de l’aviation. Au Salon du Bourget 2025, un avionneur chinois, Comac, fait trembler le duopole historique d’Airbus et Boeing avec son C919. Ce monocouloir, conçu pour rivaliser avec les A320 et B737, n’est pas qu’un simple appareil : il incarne l’ambition démesurée de la Chine de s’imposer dans un secteur ultra-verrouillé. Mais comment une nation sans tradition aéronautique majeure a-t-elle pu bousculer un marché dominé depuis des décennies ?

Comac : La Nouvelle Étoile de l’Aéronautique

Depuis sa création en 2008, Comac (Commercial Aircraft Corporation of China) s’est donné un objectif clair : briser l’hégémonie d’Airbus et de Boeing. Avec le C919, l’avionneur chinois a réussi un tour de force : concevoir un avion capable de concurrencer les leaders mondiaux sur le segment des moyen-courriers, qui représente le cœur du marché aérien. Mais ce projet ne s’est pas fait sans peine. Derrière cet exploit se cachent des investissements colossaux, estimés à plus de 65 milliards d’euros, et une stratégie mêlant partenariats internationaux et innovation locale.

Un C919 Taillé pour la Compétition

Le C919, lancé officiellement en 2008, est un monocouloir conçu pour transporter entre 150 et 190 passagers sur des distances allant jusqu’à 5 500 km. Esthétiquement et techniquement, il rappelle l’Airbus A320, au point que certains experts n’hésitent pas à parler de copie. Jean-Paul Perrais, ancien dirigeant d’Aérospatiale, confie :

« C’est une copie de l’avion d’Airbus, parfois au centimètre près pour certaines pièces. »

– Jean-Paul Perrais, ex-haut dirigeant d’Aérospatiale

Pourtant, cette ressemblance n’est pas un frein. Avec un prix estimé à environ 50 millions de dollars, soit près de la moitié du coût d’un A320 ou d’un B737, le C919 se positionne comme une alternative économique séduisante, notamment pour les compagnies aériennes des pays émergents.

Un Marché Chinois comme Tremplin

En Chine, le C919 est déjà un succès. Le marché intérieur, l’un des plus dynamiques au monde, devrait nécessiter environ 8 000 moyen-courriers d’ici 2045, selon les prévisions d’Airbus. Comac, soutenu par l’État chinois, a sécurisé 987 commandes, dont 700 entre 2022 et 2024, selon le cabinet Cirium. Ces chiffres, bien qu’inférieurs aux 7 200 A320neo et 4 300 B737 MAX commandés, montrent une dynamique impressionnante.

La Chine n’est qu’un début. Comac vise désormais les marchés voisins comme Singapour, le Vietnam, le Laos et l’Indonésie. Mais pour s’imposer à l’international, l’avionneur doit obtenir des certifications clés, notamment celle de l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (Aesa), attendue d’ici 3 à 6 ans.

Les Défis de la Montée en Cadence

Produire un avion compétitif est une chose, le fabriquer à grande échelle en est une autre. À Pudong, près de Shanghai, Comac assemble le C919 avec prudence : une livraison en 2022, deux en 2023, treize en 2024. L’objectif est ambitieux : 30 appareils en 2025, puis 50 en 2026, et jusqu’à 150 par an d’ici 2030. À titre de comparaison, Airbus prévoit de produire 75 A320neo par mois d’ici 2027.

Cette montée en cadence n’est pas sans risque. Rob Morris, consultant chez Cirium, explique :

« Comac partage les mêmes fournisseurs qu’Airbus et Boeing, ce qui expose sa chaîne d’approvisionnement aux mêmes défis. »

– Rob Morris, consultant chez Cirium

En effet, le C919 dépend fortement de partenaires occidentaux : 51 % des composants sont américains, 28 % européens, et seulement 15 % chinois. Le moteur Leap, fourni par Safran et GE Aerospace, est un exemple clé de cette dépendance.

Vers une Indépendance Technologique

Comac ne compte pas s’arrêter là. L’avionneur travaille sur une version 100 % chinoise du C919, équipée du moteur CJ-1000A développé par ACAE, prévu pour 2035. Cette stratégie vise à réduire la dépendance aux fournisseurs occidentaux, tout en renforçant l’autonomie industrielle de la Chine.

Richard Aboulafia, expert chez AeroDynamic Advisory, note :

« La Chine a progressé grâce à des coentreprises et, probablement, le vol de propriété intellectuelle. »

– Richard Aboulafia, AeroDynamic Advisory

Cette approche a déjà porté ses fruits par le passé, avec des projets comme l’ARJ21, un avion régional basé sur le MD-80. Mais le C919 marque un tournant : il est le fruit d’un apprentissage rigoureux, soutenu par des partenariats, comme la ligne d’assemblage d’Airbus à Tianjin.

Le C929 : Une Ambition Long-Courrier

Comac voit plus grand avec le C929, un long-courrier destiné à concurrencer l’A350 et le B787. Initialement développé avec la Russie sous le nom CR929, ce projet illustre l’ambition de Comac de s’attaquer à tous les segments du marché aéronautique. Prévu pour entrer en service au début des années 2030, le C929 pourrait redéfinir les équilibres mondiaux.

Rémy Bonnery, consultant chez Archery Strategy Consulting, résume :

« Avec le C919, Comac s’est payé le droit d’apprendre. L’enjeu est de développer un appareil vraiment compétitif face à Airbus et Boeing. »

– Rémy Bonnery, Archery Strategy Consulting

Les Limites du C919

Malgré ses succès, le C919 fait face à des défis. Sa consommation de carburant, plus élevée que celle de ses concurrents, pourrait dissuader les compagnies européennes et américaines. De plus, Comac doit développer un réseau mondial de maintenance, un point faible face aux infrastructures bien établies d’Airbus et de Boeing.

Voici les principaux obstacles pour Comac :

• Obtenir les certifications de l’Aesa et de la FAA pour une expansion internationale.
• Réduire la dépendance aux fournisseurs occidentaux.
• Établir un réseau de maintenance global.
• Améliorer l’efficacité énergétique du C919.

Un Impact Localisé mais Réel

Pour l’instant, l’impact de Comac reste concentré en Chine, où il devrait capter 23 % du marché des moyen-courriers d’ici 20 ans. À l’échelle mondiale, les prévisions tablent sur 5 % du marché, soit environ 1 800 livraisons d’ici 2045. Ces chiffres, bien que modestes face aux géants, marquent une rupture dans un secteur où aucun nouvel acteur n’avait émergé depuis des décennies.

Brian Langenberg, analyste chez Langenberg & Company, avertit :

« Airbus et Boeing sous-estiment l’impact de Comac. »

– Brian Langenberg, Langenberg & Company

Un Avenir à Dessiner

Le Bourget 2025 n’est qu’une étape pour Comac. Avec le C919, l’avionneur a prouvé qu’il pouvait rivaliser sur le plan technologique. Avec le C929, il vise plus haut, cherchant à redéfinir les règles du jeu dans l’aviation long-courrier. Mais pour réussir, Comac devra surmonter des défis techniques, logistiques et géopolitiques. Une chose est sûre : l’aviation mondiale n’a jamais été aussi compétitive.

Alors, le C919 est-il une menace réelle pour Airbus et Boeing, ou un simple coup d’éclat ? L’avenir le dira, mais une chose est certaine : Comac a déjà changé la donne.