
EDF : Révolution Silencieuse Sous Bernard Fontana
Et si l’avenir énergétique de la France passait par une transformation discrète mais puissante ? Depuis l’arrivée de Bernard Fontana à la tête d’EDF en mai 2025, l’entreprise publique semble prête à écrire un nouveau chapitre de son histoire. Loin des annonces tapageuses, le nouveau PDG impulse une révolution industrielle à bas bruit, centrée sur l’efficacité, la réduction des coûts et un recentrage stratégique sur les forces historiques d’EDF. Cet article explore les ambitions de Fontana, ses leviers d’action et les défis qui attendent ce géant de l’énergie.
Une Nouvelle Ère pour EDF
Depuis son arrivée, Bernard Fontana n’a pas perdu de temps. Fort de son expérience chez Framatome, où il a instauré une culture de transparence, il s’attaque désormais à la transformation d’EDF avec une vision claire : redonner à l’entreprise sa souveraineté industrielle. Mais comment y parvenir dans un contexte de dettes colossales et d’enjeux environnementaux pressants ? La réponse réside dans une stratégie qui allie rigueur économique et investissements ciblés.
Recentrer EDF sur ses Forces
Contrairement à son prédécesseur, Luc Rémont, qui avait misé sur une expansion internationale dans les énergies renouvelables, Fontana adopte une approche plus pragmatique. EDF se recentre sur la France, avec un accent mis sur le nucléaire et l’hydroélectricité. Les aventures internationales, souvent coûteuses et risquées, ne sont plus une priorité. Les contrats existants seront honorés, mais aucun nouveau projet ne sera lancé sans un financement étatique solide.
Ce recentrage s’accompagne d’un plan ambitieux pour les barrages hydroélectriques. EDF prévoit d’investir entre 4 et 4,5 milliards d’euros pour moderniser ses infrastructures, augmenter la capacité de certains ouvrages et construire de nouvelles stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). Cette initiative, qui ne dépend pas nécessairement des négociations en cours avec Bruxelles sur les concessions, vise à renforcer la résilience du réseau électrique français face aux fluctuations de la demande.
Nous devons aller à l’essentiel et optimiser chaque étape de nos processus pour garantir une énergie fiable et compétitive.
– Bernard Fontana, PDG d’EDF
Une Obsession : Réduire le Lead Time
Le mantra de Bernard Fontana ? Le lead time, ou délai de mise en œuvre. Pour le PDG, chaque seconde gagnée dans les processus internes est une victoire pour l’efficacité. Réduire les délais passe par une simplification drastique de l’organisation. Moins de réunions inutiles, moins de points de contrôle superflus, et une prise de décision accélérée : voilà les recettes d’une EDF plus agile.
Par exemple, Fontana souhaite revoir la maintenance des turbines Arabelle, un fleuron de l’industrie française. En diminuant le nombre de contrôles, tout en maintenant la sécurité, EDF pourrait économiser des millions d’euros et accélérer la remise en service des équipements. Cette obsession du temps s’étend à tous les niveaux, des centrales nucléaires aux services administratifs.
Un Plan d’Économie Ambitieux
Face à une dette financière de 54,3 milliards d’euros et une dette ajustée de 87,6 milliards, EDF doit assainir ses comptes. Fontana a dévoilé un plan d’économie visant à réduire les frais de fonctionnement d’un milliard d’euros d’ici 2030, soit une baisse de 33 % des coûts opérationnels actuels, estimés à 3 milliards d’euros. Si les détails restent à préciser, cette annonce témoigne d’une volonté de rationalisation sans précédent.
Contrairement aux rumeurs, aucune cession massive d’actifs n’est prévue. Les actifs restants, jugés rentables, seront conservés. Cette stratégie contraste avec les pratiques passées, où des ventes d’actifs ont parfois affaibli les capacités opérationnelles d’EDF.
Le Nucléaire, Pilier de la Stratégie
Le nucléaire reste le cœur battant d’EDF. Fontana s’appuie sur le plan Ambition 2035 de Luc Rémont, qui vise à capter 150 TWh de nouvelles consommations électriques d’ici 2035. Pour y parvenir, il mise sur la construction des réacteurs EPR2, dont le financement a été sécurisé dès son arrivée, et sur le développement du SMR Nuward, un petit réacteur modulaire destiné à l’export.
Pour séduire les industriels électro-intensifs, EDF propose des contrats long terme de fourniture d’électricité nucléaire. Fontana ambitionne de contractualiser 40 TWh, contre seulement 10 TWh sous Rémont. De nouvelles conditions contractuelles, plus flexibles, ont été introduites pour faciliter ces accords, comme l’a illustré la récente lettre d’intention signée avec l’italien Marcegaglia pour son site de Fos-sur-Mer.
Les nouveaux contrats nucléaires sont conçus pour partager les risques tout en garantissant des tarifs compétitifs.
– Marc Benayoum, Directeur commercial d’EDF
Les Défis d’une Transformation Culturelle
Transformer EDF ne se limite pas à des investissements ou à des économies. Fontana doit également changer la culture d’entreprise, un défi de taille avec 191 444 salariés à travers le monde. Chez Framatome, il avait réussi à instaurer une culture de transparence et de confiance. Chez EDF, il devra surmonter les résistances au changement et les habitudes ancrées.
Pour y parvenir, Fontana envisage une réorganisation interne, potentiellement accompagnée de la suppression de certains postes de direction. Cette “chasse aux barons”, comme l’évoque un proche de l’entreprise, pourrait secouer les structures établies et libérer des marges de manœuvre pour une gestion plus fluide.
Les Enjeux de l’Hydroélectricité
L’hydroélectricité est un autre pilier de la stratégie de Fontana. Les investissements prévus dans les barrages visent à moderniser un parc vieillissant tout en augmentant sa capacité. Les nouvelles STEP, en particulier, permettront de stocker l’énergie excédentaire et de répondre aux pics de consommation, renforçant ainsi la stabilité du réseau.
Ce choix stratégique s’inscrit dans une logique de transition énergétique. En combinant nucléaire et hydroélectricité, EDF peut proposer une énergie décarbonée tout en limitant sa dépendance aux énergies renouvelables intermittentes comme l’éolien ou le solaire.
Une Révolution à Bas Bruit
Si la transformation impulsée par Bernard Fontana semble discrète, elle n’en est pas moins ambitieuse. En recentrant EDF sur ses forces, en optimisant ses processus et en investissant massivement dans ses infrastructures, le PDG trace une voie vers une entreprise plus compétitive et résiliente. Mais les défis restent nombreux : dettes, résistances internes et attentes des industriels électro-intensifs.
Pour résumer, voici les axes majeurs de la stratégie de Fontana :
- Recentrer EDF sur la France, avec un focus sur le nucléaire et l’hydroélectricité.
- Réduire les frais de fonctionnement d’un milliard d’euros d’ici 2030.
- Investir 4 à 4,5 milliards d’euros dans les barrages hydroélectriques.
- Simplifier l’organisation pour réduire les délais de mise en œuvre.
- Contractualiser 40 TWh de fourniture d’électricité nucléaire à long terme.
L’avenir dira si Bernard Fontana parviendra à redonner à EDF sa grandeur industrielle. Une chose est sûre : dans un secteur en pleine mutation, sa vision pragmatique et son obsession de l’efficacité pourraient bien changer la donne. Restera à convaincre les salariés et les partenaires d’adhérer à cette révolution silencieuse.