
Papeteries Condat : Un Combat pour Survivre
Imaginez une usine nichée au cœur de la Dordogne, où le ronronnement des machines à papier résonne encore, mais où l’avenir semble suspendu à un fil. Les Papeteries de Condat, situées au Lardin-Saint-Lazare, sont à un tournant. Face à une menace de liquidation, les salariés ne baissent pas les bras. Ils se mobilisent, innovent et explorent des solutions audacieuses, comme la création d’une société coopérative. Leur combat est celui d’une industrie en crise, mais aussi d’une communauté qui refuse de voir son savoir-faire disparaître.
Un Cri d’Alarme pour Sauver Condat
Depuis des décennies, les Papeteries de Condat incarnent un savoir-faire unique dans la production de papier spécialisé, notamment la glassine, ce papier siliconé utilisé pour les étiquettes. Pourtant, l’usine, propriété du groupe espagnol Lecta, traverse une tempête. Endetté à hauteur de 550 millions d’euros, Lecta semble hésiter à investir dans l’avenir du site. Les salariés, eux, ne se résignent pas. Leur rendez-vous au ministère de l’Économie, le 11 septembre 2025, est un signal fort : ils demandent à l’État d’intervenir pour pousser Lecta à vendre l’usine plutôt que de la laisser sombrer.
Ce n’est pas la première fois que Condat fait face à des turbulences. En 2023, un plan social a déjà amputé l’effectif de 105 salariés, dont seule la moitié a retrouvé un emploi, souvent loin et dans des conditions moins favorables. Aujourd’hui, les 202 employés restants craignent un dépôt de bilan qui mettrait fin à une histoire industrielle ancrée dans le territoire périgourdin.
Une Usine Moderne, Mais Sous-Exploitée
Les Papeteries de Condat ne sont pas une relique du passé. En 2020, l’usine a bénéficié d’investissements massifs : une chaudière biomasse financée en partie par un prêt à taux zéro de 19 millions d’euros de la région Nouvelle-Aquitaine et 14 millions de subventions de l’Ademe. Une machine à papier modernisée à 80 % complète cet arsenal. Pourtant, l’usine ne tourne qu’à 20 jours par mois. Pourquoi ? Les salariés pointent un manque de diversification des produits.
Nous avons des installations flambant neuves, mais nous manquons de débouchés. On pourrait produire pour la cosmétique ou l’alimentaire, mais Lecta juge ces tests trop coûteux.
– Philippe Delord, délégué CGT des Papeteries de Condat
La glassine, produit phare de l’usine, pourrait être adaptée à de nouveaux marchés, comme les emballages alimentaires ou les cosmétiques. Mais Lecta, englué dans ses dettes, semble réticent à explorer ces pistes. Les salariés, eux, y voient une opportunité de relance, à condition que l’usine change de mains ou de modèle économique.
La Solution Coopérative : Une Innovation Sociale
Face à l’incertitude, les salariés des Papeteries de Condat ne restent pas les bras croisés. Depuis plusieurs mois, ils planchent sur un projet audacieux : une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Ce modèle, qui associe salariés, collectivités et partenaires, pourrait permettre de reprendre l’usine en main et d’assurer sa pérennité. L’idée ? Redonner du pouvoir aux employés et ancrer l’activité dans le territoire.
Une SCIC n’est pas qu’un rêve utopique. Ce modèle a déjà fait ses preuves dans d’autres secteurs, comme l’agroalimentaire ou l’énergie. En Dordogne, il pourrait mobiliser les acteurs locaux – collectivités, habitants, entreprises – pour soutenir un projet industriel durable. Les salariés y travaillent avec sérieux, préparant un dossier solide à présenter au tribunal de commerce si la situation l’exige.
Voici les avantages d’une SCIC pour Condat :
- Gouvernance participative impliquant les salariés et les parties prenantes locales.
- Ancrage territorial renforçant l’engagement des collectivités.
- Flexibilité pour diversifier les produits et conquérir de nouveaux marchés.
Ce projet incarne une forme d’innovation sociale, où l’économie se met au service des hommes et des territoires, et non l’inverse. Mais pour réussir, il faudra surmonter des obstacles, notamment financiers et juridiques.
Les Défis d’une Industrie en Mutation
L’industrie papetière française fait face à des défis structurels. La baisse de la demande de papier traditionnel, concurrencée par le numérique, oblige les acteurs à se réinventer. Pourtant, des opportunités existent, notamment dans les emballages durables et les produits biosourcés. Condat, avec ses installations modernes, pourrait devenir un acteur clé de cette transition, à condition d’investir dans la recherche et le développement.
Le groupe Lecta, cependant, semble freiné par sa situation financière. Depuis avril 2025, il ne rembourse plus le prêt consenti par la région, ce qui aggrave les tensions avec les collectivités. Les salariés, soutenus par les élus locaux – député, sénatrice, président du conseil départemental et régional, maires – demandent une vente rapide de l’usine à un repreneur capable d’investir.
Lecta n’a peut-être plus les moyens de ses ambitions. Nous, on veut continuer à faire vivre cette usine et son savoir-faire.
– Philippe Delord, délégué CGT
La situation de Condat illustre un enjeu plus large : la relocalisation et la préservation des savoir-faire industriels en France. Alors que le gouvernement promeut le Made in France, des usines comme Condat pourraient devenir des symboles de cette ambition, à condition de bénéficier d’un soutien concret.
Un Soutien Politique et Local
Le combat des salariés de Condat n’est pas isolé. Les élus locaux se mobilisent pour défendre l’usine. Une lettre ouverte, signée par des figures politiques de la Dordogne et de Nouvelle-Aquitaine, a été adressée à Lecta pour exiger une vente rapide. Ce soutien est crucial, car il donne du poids aux revendications des salariés et met la pression sur le groupe espagnol.
Le rendez-vous à Bercy, le 11 septembre 2025, est une étape clé. Les salariés espèrent que le ministère de l’Économie jouera un rôle de médiateur pour convaincre Lecta de céder l’usine. Ils demandent également un accompagnement pour leur projet de SCIC, qui pourrait nécessiter des financements publics ou privés.
Vers un Avenir Plus Durable ?
Le cas des Papeteries de Condat soulève des questions essentielles sur l’avenir de l’industrie en France. Comment préserver des emplois locaux face à la mondialisation ? Comment transformer une usine traditionnelle en un acteur de l’économie circulaire ? Les salariés de Condat apportent une réponse concrète avec leur projet coopératif, qui pourrait inspirer d’autres sites industriels en difficulté.
Leur démarche s’inscrit dans une tendance plus large : celle des entreprises qui se réinventent en plaçant l’humain et le territoire au cœur de leur stratégie. Si le projet de SCIC aboutit, Condat pourrait devenir un modèle pour d’autres usines en quête de résilience.
Pour résumer, voici les enjeux clés du combat de Condat :
- Sauver 202 emplois et un savoir-faire unique.
- Diversifier la production pour conquérir de nouveaux marchés.
- Mettre en place une gouvernance coopérative pour pérenniser l’usine.
- Obtenir le soutien des pouvoirs publics pour une vente ou un accompagnement.
Le combat des Papeteries de Condat n’est pas seulement celui d’une usine. C’est celui d’une région, d’une communauté et d’une vision : celle d’une industrie qui se réinvente pour durer. Alors que les salariés se préparent à défendre leur cause à Bercy, une question demeure : la France saura-t-elle saisir cette opportunité pour faire vivre son Made in France ? L’avenir de Condat pourrait bien en dépendre.