
La Rochère : 550 Ans de Verre Made in France
Saviez-vous qu’une entreprise française façonne du verre avec la même passion depuis plus de cinq siècles ? À Passavant-la-Rochère, en Haute-Saône, La Rochère perpétue un savoir-faire unique, mêlant gestes ancestraux et innovations modernes. Cette verrerie, née en 1475, est bien plus qu’une usine : c’est un symbole de l’excellence française, capable de produire des verres à cocktail soufflés à la main comme des bouchons de parfums pour le marché du luxe. Comment une entreprise aussi ancienne reste-t-elle compétitive dans un monde industrialisé ? Plongeons dans l’histoire et les secrets de La Rochère.
Un Héritage Verrier de 550 Ans
Fondée au cœur des Vosges, La Rochère s’est imposée comme un pilier de l’industrie verrière française. Depuis 1475, elle traverse les époques, des ateliers médiévaux aux usines modernes. Ce qui frappe, c’est sa capacité à préserver un artisanat d’exception tout en adoptant des technologies de pointe. Aujourd’hui, l’entreprise emploie une centaine de salariés et produit aussi bien des pièces pour l’art de la table que des éléments architecturaux, comme les célèbres carreaux de verre de la station Châtelet-les-Halles à Paris.
La longévité de La Rochère repose sur un équilibre délicat. D’un côté, elle conserve des techniques traditionnelles, comme le soufflage à la bouche, qui demande une précision rare. De l’autre, elle investit dans des outils modernes pour répondre aux exigences des marchés internationaux. Cette dualité entre tradition et innovation est au cœur de son succès.
« Nos gestes n’ont pas beaucoup changé en 550 ans, mais nos outils, eux, ont évolué pour répondre aux défis d’aujourd’hui. »
– Nicolas Scellier, responsable de la production à La Rochère
Une Production Entre Artisanat et Automatisation
Entrer dans l’usine de La Rochère, c’est plonger dans un univers où le feu et le verre dialoguent. Les artisans manipulent du verre en fusion à 1100 degrés, utilisant des outils comme la mailloche pour façonner des pièces uniques. Mais depuis les années 60, l’automatisation a transformé l’usine. Trois des quatre lignes de production mécanisées tournent 24h/24, produisant jusqu’à 30 000 pièces sur mesure en quelques jours.
Cette flexibilité est un atout majeur. « Nous changeons de modèle tous les deux jours environ, grâce à la conception de nos machines », explique Nicolas Scellier. Cette agilité permet à La Rochère de répondre à des commandes variées, des verres à mojito aux briques de verre pour l’architecture. Pourtant, un atelier artisanal subsiste, dédié aux pièces haut de gamme, où le soufflage à la main reste roi.
Pour illustrer cette dualité, voici les deux piliers de la production :
- Production mécanisée : Trois lignes automatisées pour l’art de la table et l’architecture, avec une capacité de 33 tonnes de verre par jour.
- Atelier artisanal : Un four de 500 kilos dédié au soufflage manuel, pour des pièces uniques destinées au marché du luxe.
Le Luxe, un Nouveau Cap
Si l’art de la table représente 60 % du chiffre d’affaires de La Rochère, l’entreprise mise désormais sur le marché du luxe. Une cinquième ligne de production, prévue pour l’automne 2025, sera dédiée à la fabrication de petites pièces, comme des bouchons de flacons de parfum ou de spiritueux. Cet investissement, estimé entre 1 et 1,5 million d’euros, vise à capter une clientèle haut de gamme, où le savoir-faire français est particulièrement prisé.
« Le luxe ne représente que 5 à 6 % de notre activité aujourd’hui, mais nous voyons un fort potentiel de croissance », confie Nicolas Bigot, directeur commercial. Cette stratégie s’appuie sur la réputation de La Rochère, qui allie précision artisanale et innovation technologique pour produire des pièces d’exception.
« Le luxe, c’est avant tout une histoire de détails. Nos clients recherchent l’excellence, et c’est ce que nous leur offrons. »
– Nicolas Bigot, directeur commercial de La Rochère
Transition Énergétique : Un Défi Relevé
Comme toute industrie énergivore, La Rochère a dû s’adapter à la hausse des coûts de l’énergie, particulièrement depuis 2022. En 2009, l’entreprise a opéré une transition majeure en remplaçant ses fours à combustion par des fours électriques. Résultat : une meilleure efficacité énergétique et l’élimination des fumées polluantes. « Cette transition nous a permis de réduire notre impact environnemental tout en optimisant nos coûts », souligne Gilles Ambs, PDG de l’entreprise.
Malgré cette avancée, la crise énergétique de 2022 a pesé lourd. Après des aides de l’État, La Rochère a tout de même dû absorber une facture d’électricité d’un million d’euros. Pour compenser, l’entreprise a ajusté ses tarifs sur deux ans, une décision difficile mais nécessaire pour maintenir sa compétitivité.
Voici un aperçu des bénéfices de la transition énergétique :
- Réduction des émissions : Les fours électriques éliminent le besoin de filtrer les fumées de combustion.
- Efficacité accrue : Une consommation énergétique optimisée, malgré les hausses de coûts.
- Modernisation : Une infrastructure prête pour les défis énergétiques futurs.
Former les Artisans de Demain
Dans un secteur où les formations spécialisées se raréfient, La Rochère mise sur la formation interne. Les nouveaux employés, souvent embauchés comme intérimaires, débutent en tant que releveurs, chargés du contrôle qualité. Après une formation de douze jours, ils peuvent évoluer vers des postes plus techniques, comme régleur ou presseur. Le métier le plus crucial reste celui de chauffeur de four, véritable pilier de l’entreprise, responsable de la composition du verre et du fonctionnement des fours.
« Nous formons nos équipes sur place, car les compétences verrières ne s’apprennent plus à l’école », explique Nicolas Scellier. Cette approche permet à La Rochère de cultiver un savoir-faire unique tout en intégrant des profils variés, techniques ou non.
L’Export, un Levier de Croissance
Avec 50 % de sa production exportée, La Rochère regarde au-delà des frontières. Les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Corée du Sud et la Chine sont ses principaux marchés. L’entreprise explore désormais le Maroc, l’Inde et le Moyen-Orient pour diversifier ses débouchés. « L’export est une piste de développement clé, même dans un contexte international complexe », affirme Gilles Ambs.
Pour séduire ces marchés, La Rochère mise sur la qualité et l’authenticité du Made in France. Ses produits, qu’il s’agisse de verres élégants ou de briques architecturales, incarnent un savoir-faire qui séduit à l’international.
Tourisme Industriel : Un Atout Inattendu
La Rochère ne se contente pas de produire du verre : elle invite le public à découvrir son univers. Avec un mini-musée, une boutique, une galerie d’art et même un jardin japonais, l’entreprise attire entre 50 000 et 60 000 visiteurs par an. Ce tourisme industriel est une vitrine pour son savoir-faire et renforce son ancrage local.
« Ouvrir nos portes, c’est partager notre histoire et montrer que l’industrie peut être fascinante », confie Gilles Ambs. Cette initiative, rare dans le secteur, fait de La Rochère un acteur culturel autant qu’industriel.
« Nos visiteurs repartent avec une nouvelle vision de l’industrie verrière. C’est une fierté pour nous. »
– Gilles Ambs, PDG de La Rochère
L’Avenir de La Rochère
Après 550 ans d’existence, La Rochère ne montre aucun signe d’essoufflement. Son avenir repose sur trois axes majeurs :
- Innovation : Investissements dans des lignes de production pour le luxe et adoption de technologies durables.
- Exportation : Expansion vers de nouveaux marchés comme l’Inde et le Moyen-Orient.
- Patrimoine : Valorisation de son héritage à travers le tourisme industriel et la préservation de son savoir-faire.
En conjuguant tradition et modernité, La Rochère prouve que l’industrie française peut rayonner à l’échelle mondiale. Son histoire, riche de cinq siècles, est une source d’inspiration pour les entreprises d’aujourd’hui. Et vous, que pensez-vous de cette alchimie entre passé et futur ?