
Crise du Verre Vitrocéramique en France
Quand une industrie aussi spécialisée que celle du verre vitrocéramique tremble, c’est tout un écosystème qui vacille. En France, deux acteurs majeurs, EuroKera et Keraglass, viennent d’annoncer des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) dans leurs usines de l’Aisne et de la Seine-et-Marne. Ces annonces, loin d’être anodines, soulignent les défis colossaux auxquels fait face ce secteur face à la concurrence internationale et aux mutations économiques. Comment une industrie aussi innovante peut-elle se retrouver à ce tournant critique ? Cet article plonge dans les causes, les impacts et les perspectives d’avenir pour ces fleurons industriels français.
Une Industrie sous Pression
Le verre vitrocéramique, matériau star des plaques de cuisson modernes, est un symbole d’innovation industrielle. Résistant aux chocs thermiques, esthétique et durable, il a conquis les cuisines du monde entier. Pourtant, derrière cette prouesse technologique, les usines françaises font face à une tempête économique. À Chierry, dans l’Aisne, EuroKera, coentreprise de Saint-Gobain et Corning, emploie 297 personnes. À Bagneaux-sur-Loing, en Seine-et-Marne, Keraglass regroupe 240 salariés. Ces deux sites, piliers de la production française, sont aujourd’hui menacés par des suppressions de postes massives.
Pourquoi une telle crise ? La réponse réside en partie dans la concurrence chinoise. Les fabricants asiatiques, avec des coûts de production bien inférieurs, inondent le marché mondial de produits similaires à des prix défiant toute concurrence. Cette pression oblige les entreprises françaises à repenser leur modèle pour rester compétitives. Mais à quel prix ?
EuroKera : Un Plan de Sauvegarde qui Inquiète
À Chierry, l’annonce d’un plan de sauvegarde de l’emploi par EuroKera a fait l’effet d’une bombe. Selon les représentants syndicaux, pas moins de 83 postes seraient supprimés à la rentrée. Une déléguée syndicale, Candy Vanderhoeven, confie :
Nous savions que les ventes baissaient, mais personne ne s’attendait à un chiffre aussi élevé. C’est un choc pour les équipes.
– Candy Vanderhoeven, déléguée syndicale CGT d’EuroKera
La direction, de son côté, tente de rassurer en affirmant que l’usine ne fermera pas. L’objectif ? Réorganiser la production pour se concentrer sur des produits à forte valeur ajoutée, investir dans l’innovation et réduire les délais de mise sur le marché. Mais cette stratégie, bien que louable, soulève des questions : comment maintenir la compétitivité tout en préservant l’emploi local ?
Keraglass : Une Seconde Vague de Restructuration
En Seine-et-Marne, la situation n’est pas plus réjouissante. Keraglass, également une coentreprise de Saint-Gobain et Corning, envisage la suppression d’une centaine de postes. Ce n’est pas la première fois que l’usine de Bagneaux-sur-Loing traverse une telle épreuve : un précédent PSE en 2020 avait déjà fragilisé les équipes. Ce nouvel épisode ravive les inquiétudes des salariés, qui craignent pour l’avenir de leur site.
Comme EuroKera, Keraglass subit de plein fouet la concurrence internationale. Mais la direction insiste sur la nécessité de s’adapter à un marché en mutation. Les discussions avec les syndicats portent sur des mesures d’accompagnement social, mais pour beaucoup, ces annonces sonnent comme un aveu d’impuissance face aux géants asiatiques.
Les Défis de la Concurrence Internationale
La montée en puissance des fabricants chinois n’est pas le seul obstacle. Les coûts de production élevés en France, combinés à une demande mondiale fluctuante, mettent les entreprises sous pression. Voici les principaux défis auxquels EuroKera et Keraglass sont confrontées :
- Concurrence low-cost : Les produits chinois, souvent moins chers, captent une part croissante du marché.
- Coûts de production : Les normes sociales et environnementales françaises, bien que vertueuses, alourdissent les charges.
- Changements de consommation : La demande pour les plaques vitrocéramiques ralentit dans certaines régions, au profit d’autres technologies comme l’induction.
Ces facteurs, combinés à une conjoncture économique incertaine, placent les deux entreprises dans une situation délicate. Pourtant, des pistes existent pour rebondir.
Vers une Réinvention du Modèle Industriel ?
Face à ces défis, EuroKera et Keraglass explorent des solutions pour redynamiser leur activité. La première piste est l’innovation. En misant sur des produits à haute valeur ajoutée, comme des surfaces vitrocéramiques plus écologiques ou intégrant des technologies intelligentes, les deux entreprises pourraient se démarquer. Par exemple, des plaques connectées ou à faible consommation énergétique pourraient séduire un marché en quête de durabilité.
Une autre stratégie repose sur la relocalisation. Alors que le *Made in France* gagne en popularité, valoriser la qualité et l’origine française des produits pourrait devenir un atout. Cependant, cela nécessite des investissements conséquents et un soutien public, notamment via des subventions ou des incitations fiscales.
Nous voulons privilégier le dialogue avec les partenaires sociaux pour trouver des solutions viables et préserver l’avenir du site.
– Direction d’EuroKera
Enfin, la formation des salariés pourrait jouer un rôle clé. En développant les compétences des équipes pour travailler sur des technologies de pointe, les usines pourraient non seulement améliorer leur productivité, mais aussi attirer de nouveaux talents.
Quel Impact pour les Régions ?
Les suppressions de postes ne touchent pas seulement les salariés, mais aussi les régions où ces usines sont implantées. Dans l’Aisne et la Seine-et-Marne, ces sites industriels sont des moteurs économiques locaux. Une réduction des effectifs pourrait entraîner une baisse de l’activité dans les commerces environnants et fragiliser l’attractivité des territoires.
Pour contrer ces effets, des initiatives locales pourraient voir le jour. Par exemple, des partenariats avec des start-ups spécialisées dans les matériaux innovants pourraient dynamiser l’écosystème industriel. De plus, des programmes de reconversion professionnelle pourraient aider les salariés touchés à rebondir dans d’autres secteurs porteurs, comme l’énergie verte ou la biotechnologie.
Un Avenir à Construire Ensemble
La crise que traversent EuroKera et Keraglass n’est pas isolée. Elle reflète les défis plus larges auxquels l’industrie française est confrontée : mondialisation, transition écologique et nécessité d’innovation. Pourtant, ces entreprises ont des atouts : un savoir-faire unique, des équipes qualifiées et une réputation d’excellence. Le défi sera de transformer ces forces en opportunités concrètes.
Pour y parvenir, un effort collectif est nécessaire. Les pouvoirs publics, les entreprises et les salariés doivent travailler main dans la main pour repenser le modèle industriel. Voici quelques pistes pour l’avenir :
- Soutien public : Des aides financières pour moderniser les usines et encourager l’innovation.
- Partenariats : Collaborations avec des start-ups pour développer de nouveaux produits.
- Formation : Investir dans les compétences des salariés pour s’adapter aux nouvelles technologies.
En somme, la filière du verre vitrocéramique française n’est pas condamnée. Avec une stratégie audacieuse et des investissements ciblés, EuroKera et Keraglass pourraient non seulement surmonter cette crise, mais aussi devenir des modèles de résilience industrielle. L’enjeu est de taille : préserver un savoir-faire unique tout en s’adaptant à un monde en mutation.
Le verre vitrocéramique, symbole d’innovation, peut-il redevenir un moteur de croissance pour l’industrie française ? L’avenir dépendra des choix faits aujourd’hui. Une chose est sûre : demain se fabrique dès maintenant.