
Robots Industriels : L’Innovation Souterraine
Imaginez un monde où des robots quadrupèdes arpentent des tunnels souterrains, scrutant chaque recoin avec une précision chirurgicale, là où l'humain ne peut s'aventurer. Ce n'est pas de la science-fiction, mais une réalité qui prend forme à 500 mètres sous terre, dans le laboratoire de l’Andra à Bure. Là, des géants industriels français comme la RATP, Framatome, et Naval Group, accompagnés de la start-up innovante Nimbl’Bot, redéfinissent les usages de la robotique. Ces acteurs, armés des robots Spot de Boston Dynamics et Anymal d’Anybotics, collaborent pour façonner l’avenir des opérations industrielles complexes. Mais qu’est-ce qui rend cette réunion si fascinante ?
Ce rassemblement inédit, qui s’est tenu en juin 2025 dans les galeries souterraines de l’Andra, illustre une ambition commune : repousser les limites de la robotique industrielle. Ces tunnels, creusés dans la Meuse pour étudier le stockage des déchets radioactifs, servent de terrain d’expérimentation idéal. Les robots, conçus pour des tâches répétitives ou dangereuses, y testent des technologies qui pourraient transformer des secteurs aussi variés que le nucléaire, les transports ou la défense. Plongeons dans cet univers où l’innovation se fabrique sous nos pieds.
Une Alliance pour l’Innovation Robotique
Dans les profondeurs de Bure, l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) orchestre une collaboration unique. Ce n’est pas seulement une démonstration de robots, mais un véritable échange de savoirs entre industriels et start-ups. Pourquoi un tel engouement ? Les robots Spot et Anymal offrent une agilité et une robustesse qui séduisent les industriels confrontés à des environnements extrêmes. Leur capacité à naviguer dans des espaces confinés ou dangereux en fait des outils précieux pour des missions autrefois réservées aux humains.
Les galeries souterraines, avec leurs 2,4 kilomètres de tunnels éclairés par des néons, ne sont pas un simple décor. Elles reproduisent des conditions réelles où la précision et la fiabilité des robots sont mises à rude épreuve. L’Andra, par exemple, explore des applications comme la surveillance des alvéoles destinées à accueillir des déchets nucléaires. Mais ce n’est que le début : chaque acteur apporte sa propre vision pour enrichir ces machines.
L’Andra : Tester pour Anticiper
L’Andra ne cherche pas à adopter un robot spécifique, mais à développer des briques technologiques universelles. Ces briques, comme des modules logiciels ou matériels, peuvent être intégrées à différents robots pour des tâches variées. Par exemple, l’agence teste des systèmes pour effectuer des rondes de contrôle ou des mesures répétitives sur des décennies, comme la vérification quotidienne de la corrosion dans des alvéoles de 150 mètres de long.
Nos robots doivent être capables de compléter les mesures fixes là où l’humain est limité, notamment par le manque d’oxygène.
– Julien Cotton, chef du service chaîne de données et digital de l’Andra
Pour répondre à ces défis, l’Andra a mis au point un robot autonome nommé SAM, équipé d’un bras robotisé conçu par la start-up Nimbl’Bot. Ce bras, inspiré du biomimétisme et de la souplesse d’une colonne vertébrale, peut se faufiler dans des espaces étroits sans endommager les parois. Avec 25 degrés de liberté, il récupère des échantillons de corrosion là où un humain ne pourrait aller au-delà de 40 mètres.
Nimbl’Bot : La Start-up qui Repense le Bras Robotique
Fondée en 2018, Nimbl’Bot est l’une des pépites françaises qui brillent dans ce projet. Leur innovation ? Un bras robotisé modulaire, conçu à partir de zéro en s’inspirant de la nature. En imitant la flexibilité d’une colonne vertébrale, ce bras peut naviguer dans des environnements complexes, comme les alvéoles souterraines, sans jamais compromettre la précision.
Leur collaboration avec l’Andra, mais aussi avec des industriels comme Orano et Framatome, montre leur ambition. Leur objectif est clair : rendre leurs robots accessibles à tout opérateur, même sans expertise technique. Imaginez un robot qui, sur simple commande, va chercher un échantillon spécifique dans une alvéole, de manière totalement autonome. Cette vision pourrait transformer la manière dont les industries gèrent les tâches répétitives.
Notre bras robotisé est conçu pour être intuitif. Un opérateur peut simplement lui indiquer une tâche, et il l’exécute de manière autonome.
– Alice Lassalle, cofondatrice de Nimbl’Bot
Ce n’est pas seulement une question de matériel. Nimbl’Bot travaille aussi sur des algorithmes pour optimiser l’autonomie et la coordination des robots, un enjeu clé pour les environnements industriels où plusieurs machines doivent cohabiter.
La RATP : Un Pionnier dans l’Industrialisation
La RATP se distingue comme le leader dans l’utilisation pratique des robots Spot. Leur robot, surnommé Perceval, effectue déjà une centaine d’inspections par an dans des zones difficiles d’accès, comme les tunnels du métro parisien. En s’appuyant sur les algorithmes de base de Boston Dynamics, la RATP a privilégié une approche pragmatique, permettant un déploiement rapide.
Mais la RATP ne s’arrête pas là. En partageant ses retours d’expérience avec d’autres industriels, elle contribue à améliorer les capacités des robots. Par exemple, elle travaille sur des scénarios où Perceval peut naviguer dans des environnements encombrés, un défi commun à tous les acteurs présents à Bure.
Naval Group : La Surveillance Autonome
De son côté, Naval Group explore des applications pour la surveillance des chantiers navals et le suivi de la construction des navires. Leur défi ? Adapter les robots à des environnements en constante évolution, comme les chantiers où les obstacles changent quotidiennement. Pour y parvenir, ils développent une surcouche logicielle qui améliore la navigation autonome des robots Spot.
Le processus commence par une cartographie précise de l’environnement à l’aide d’un lidar, un capteur qui scanne l’espace en 3D. Une fois la carte établie, le robot peut se déplacer de manière autonome, évitant les obstacles… ou presque. Car un problème persiste : comment apprendre à un robot à contourner des zones interdites sans compromettre sa mission ? Naval Group collabore avec l’Andra pour résoudre cette question, avec des tests menés dans les galeries souterraines.
La navigation autonome de Boston Dynamics est performante, mais elle atteint ses limites dans des environnements dynamiques. Nous développons des solutions pour contourner ce problème.
– Thomas Domenigoni, chargé de projet R&D robotique chez Naval Group
Framatome : Mesurer l’Invisible
Framatome, spécialiste du nucléaire, utilise son robot Spot pour des missions bien spécifiques : mesurer les niveaux de radioactivité dans des zones sensibles. Équipé d’un bras robotisé et d’un capteur, le robot cartographie les galeries avant d’effectuer ses mesures en totale autonomie. Cette capacité à opérer sans intervention humaine est cruciale dans des environnements où la sécurité est une priorité absolue.
Comme Naval Group, Framatome travaille à perfectionner les algorithmes de navigation pour garantir une précision maximale. Leur collaboration avec l’Andra et d’autres partenaires permet d’échanger des données et d’accélérer le développement de ces technologies.
Anymal : Une Alternative Robuste
Si Spot domine la scène, le robot Anymal d’Anybotics n’est pas en reste. Testé par l’Andra en collaboration avec le Loria (laboratoire de recherche rattaché à l’Inria), Anymal se distingue par sa robustesse et sa flexibilité pour intégrer de nouveaux algorithmes. Contrairement à Spot, qui repose sur des solutions propriétaires, Anymal offre une plateforme plus ouverte, idéale pour les expérimentations.
Le Loria explore des scénarios où Anymal collabore avec d’autres robots, un enjeu majeur pour les usines du futur. Par exemple, comment coordonner plusieurs robots dans un espace confiné sans qu’ils se gênent ? Ces recherches pourraient ouvrir la voie à des systèmes robotiques interconnectés, capables de travailler en équipe.
Anymal nous permet de tester des algorithmes de collaboration entre robots, un sujet clé pour les environnements industriels complexes.
– Laurent Ciarletta, directeur du Tech Lab de l’école des Mines de Nancy
Les Défis Communs de la Robotique Industrielle
Malgré leurs différences, les acteurs présents à Bure partagent des défis communs. Voici les principaux obstacles qu’ils cherchent à surmonter :
- Navigation autonome : Les environnements dynamiques, comme les chantiers ou les tunnels, exigent des algorithmes capables de s’adapter en temps réel.
- Coactivité : Les robots doivent cohabiter avec des humains et d’autres machines sans provoquer d’incidents.
- Robustesse : Les robots doivent résister à des conditions extrêmes, comme la poussière ou l’humidité des souterrains.
- Autonomie énergétique : Prolonger la durée d’opération des robots reste un défi technique majeur.
En collaborant, ces industriels mutualisent leurs efforts pour résoudre ces problèmes, créant ainsi un écosystème d’innovation unique en France.
Un Écosystème d’Innovation
Ce qui rend cette réunion dans les souterrains de l’Andra si spéciale, c’est l’esprit de collaboration. Chaque acteur apporte son expertise : l’Andra excelle dans les tests en conditions réelles, la RATP dans l’industrialisation, Naval Group dans la navigation, Framatome dans les mesures de précision, et Nimbl’Bot dans la conception de solutions biomimétiques. Ensemble, ils construisent un avenir où les robots ne se contentent pas d’assister les humains, mais deviennent des partenaires autonomes.
Pour mieux comprendre l’impact de ces innovations, voici un résumé des contributions de chaque acteur :
Acteur | Contribution | Application |
---|---|---|
Andra | Développement de briques technologiques universelles | Surveillance et mesure de la corrosion |
RATP | Industrialisation des robots Spot | Inspections dans les tunnels du métro |
Naval Group | Navigation autonome en environnements dynamiques | Surveillance des chantiers navals |
Framatome | Mesures de radioactivité autonomes | Contrôle des zones nucléaires |
Nimbl’Bot | Bras robotisé biomimétique | Récupération d’échantillons en alvéoles |
Vers un Futur Robotisé
Les travaux menés à Bure ne sont qu’un début. À mesure que les algorithmes s’améliorent et que les robots gagnent en autonomie, leur adoption pourrait s’étendre à d’autres secteurs. Imaginez des robots surveillant des oléoducs, inspectant des éoliennes offshore, ou même assistant dans des missions spatiales. Les applications sont infinies, et la France, grâce à des collaborations comme celle-ci, se positionne comme un leader dans ce domaine.
Ce qui frappe dans ce projet, c’est son caractère humain. Derrière les machines, il y a des ingénieurs, des chercheurs et des entrepreneurs qui partagent une vision commune : utiliser la technologie pour rendre le travail plus sûr, plus efficace et plus durable. Les souterrains de l’Andra ne sont pas seulement un laboratoire ; ils sont le creuset d’une révolution technologique qui pourrait changer notre manière de concevoir l’industrie.
Alors, à quoi ressemblera le futur de la robotique industrielle ? Une chose est sûre : à Bure, les bases de ce futur sont déjà en train de s’écrire, sous la terre, loin des regards, mais avec un impact qui pourrait bientôt rayonner à la surface.