GM : Révolution Interne dans l’Équipe Logiciel
Imaginez : vous êtes le patron d’une des plus anciennes entreprises automobiles du monde et vous décidez, du jour au lendemain, de tout faire sauter pour devenir le nouveau Tesla de demain. C’est exactement ce qui se passe chez General Motors en cette fin 2025.
En l’espace d’un mois à peine, trois cadres supérieurs parmi les plus stratégiques de la division logiciel ont quitté le navire. Et pas n’importe qui : des pointures venues de Google, Apple et du monde des startups deep tech. Le message est clair : GM ne veut plus être un simple constructeur, mais un véritable acteur du logiciel et de l’intelligence artificielle embarquée.
Un vent de révolution souffle sur Detroit
Le dernier en date à faire ses cartons est Baris Cetinok, senior vice president en charge du product management logiciel et services. Il partira officiellement le 12 décembre. Juste avant lui, Dave Richardson (responsable ingénierie logiciel) et Barak Turovsky (ex-Google, recruté en mars comme head of AI) ont déjà pris la porte ces dernières semaines.
Trois départs aussi rapprochés, dans une division aussi critique, cela ressemble moins à une coïncidence qu’à un grand ménage orchestré.
« L’objectif est de supprimer les silos et d’intégrer complètement le hardware, le software, l’IA et l’expérience utilisateur dans une seule organisation.»
– Communiqué interne General Motors
Sterling Anderson, l’homme qui veut tout changer
À l’origine de ce bouleversement : Sterling Anderson. Ce nom ne vous dit peut-être rien, pourtant c’est l’un des cofondateurs de Aurora (rachetée depuis par Uber) et surtout l’ancien patron du programme Autopilot chez Tesla à l’époque héroïque.
Nommé il y a quelques mois chief product officer, un poste créé spécialement pour lui, Anderson rapporte directement au président de GM, Mark Reuss. Son pouvoir est immense : il supervise désormais l’ingénierie véhicule, la fabrication, les batteries et toute la partie logiciel et services. En clair, il a la main sur absolument tout ce qui touche au produit final.
Son ambition ? Transformer GM en une entreprise où le logiciel n’est plus un simple accessoire, mais le cœur même du véhicule. Fini les équipes séparées qui se marchent dessus ; place à une organisation unifiée, agile, presque à la façon Silicon Valley.
Des départs… et des arrivées très ciblées
Car si certains partent, d’autres arrivent en nombre. Et pas n’importe qui.
- Cristian Mori, ex-Rivian, Symbiotic et Boston Dynamics, prend la tête d’une toute nouvelle division robotique.
- Behrad Toghi, ancien d’Apple, devient lead IA.
- Rashed Haq, cinq ans chez Cruise (ex-filiale autonome de GM) comme head of AI & Robotics, revient en tant que vice president autonomous vehicles.
On sent une volonté claire : recruter des profils ultra-pointus issus des entreprises les plus avancées en robotique et intelligence artificielle. GM ne veut plus courir après la concurrence, elle veut la dépasser.
Pourquoi maintenant ?
Le timing n’est pas anodin. L’industrie automobile traverse une crise existentielle. Les ventes de véhicules électriques ralentissent aux États-Unis, la concurrence chinoise explose, et Tesla, malgré ses difficultés récentes, reste la référence absolue en matière d’expérience logicielle.
Dans ce contexte, les constructeurs historiques n’ont plus le choix : soit ils deviennent des géants du logiciel, soit ils disparaissent doucement. Ford a déjà commencé sa mue, Stellantis tente tant bien que mal de rattraper son retard, Volkswagen investit des milliards dans Cariad… GM, elle, semble avoir décidé d’appuyer à fond sur l’accélérateur.
Et pour y arriver, il faut parfois faire table rase du passé. Même si cela veut dire se séparer de talents recrutés à prix d’or il y a à peine deux ans.
Vers le véhicule défini par logiciel (SDV)
Le vrai enjeu derrière cette révolution, c’est le Software-Defined Vehicle (SDV). L’idée est simple : demain, la valeur d’une voiture ne résidera plus principalement dans sa mécanique, mais dans son logiciel et les services associés.
Mises à jour over-the-air, abonnements pour débloquer des fonctionnalités (accélération, autonomie supplémentaire, conduite semi-autonome…), interfaces ultra-fluides, assistants vocaux dopés à l’IA… Tout cela nécessite une architecture logicielle radicalement différente de celle d’aujourd’hui.
Or GM traîne encore un héritage de dizaines d’années de développement en silos. Changer cela demande du courage… et parfois des décisions brutales.
Et Cruise dans tout ça ?
Impossible de parler de la nouvelle stratégie tech de GM sans évoquer Cruise. La filiale robotaxi, rachetée 1 milliard en 2016 puis fermée en catastrophe fin 2024 après l’accident de San Francisco, a laissé des traces.
Mais paradoxalement, elle a aussi servi de laboratoire. Beaucoup des talents qui travaillaient chez Cruise rejoignent aujourd’hui les équipes centrales de GM. L’expérience (même douloureuse) de la conduite 100 % autonome n’est pas perdue : elle irrigue désormais l’ensemble des programmes.
Ce que cela dit de l’avenir de l’automobile
Cette vague de départs et de recrutements chez General Motors n’est pas un épiphénomène. Elle reflète un mouvement de fond : les constructeurs historiques comprennent enfin que la bataille se jouera sur le logiciel et l’intelligence artificielle.
Dans cinq ans, le meilleur moteur thermique du monde ne vaudra plus grand-chose si l’écran central plante toutes les trente secondes ou si l’assistant vocal répond comme un répondeur des années 90.
GM, avec ses moyens colossaux et sa nouvelle organisation, se donne les moyens de jouer dans la cour des grands. Reste à voir si elle parviendra à attirer et surtout retenir les meilleurs talents dans un marché où Tesla, Apple, Google et les startups chinoises raflent la mise.
Mais une chose est sûre : Detroit ne veut plus être le symbole d’une industrie en déclin. Elle veut redevenir le centre du monde automobile. Et pour ça, tous les coups (ou presque) sont permis.
À suivre de très près.