L’investissement étranger est-il toxique pour la tech canadienne ?

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décembre 1, 2025

L’investissement étranger est-il toxique pour la tech canadienne ?

Imaginez la scène : le gouvernement canadien vient de promettre 40 millions de dollars à Nokia pour agrandir son campus d’Ottawa et y développer… de l’intelligence artificielle. Quelques heures plus tard, Tobi Lütke, le patron de Shopify, tweete que ces subventions d’investissement étranger direct sont « toxiques » pour l’écosystème tech canadien. La photo est parfaite : d’un côté le sourire éclatant de la ministre Mélanie Joly qui pose avec une pelle dorée, de l’autre le tweet assassin du fondateur de la plus grande success-story tech du pays. Le malaise est palpable.

Quand le gouvernement paie pour faire fuir nos talents

Le deal Nokia n’est pas nouveau. Il date de l’ère pré-Carney, quand les libéraux adoraient les « annonces d’investissement étranger » avec gros chèque et ruban à couper. Sauf que depuis, le vent a tourné : Mark Carney a enterré la hausse de l’impôt sur les gains en capital, Evan Solomon a été nommé ministre de l’IA avec pour mission de faire du Canada une puissance souveraine, et Ottawa s’est engagé à transformer Cohere en champion national. Tout allait mieux… jusqu’à cette pelle dorée.

Le problème n’est pas Nokia en soi. La firme finlandaise emploie déjà des milliers de personnes à Ottawa depuis le rachat de l’ancienne gloire Nortel. Le problème, c’est le signal envoyé : pour créer des emplois en IA au Canada, il faut apparemment payer grassement une multinationale étrangère plutôt que de soutenir les centaines de startups locales qui galèrent à lever des fonds.

« C’est une bribe. Et les briberies sont toxiques pour l’écosystème tech. »

– Tobi Lütke, PDG de Shopify

Un coût par emploi astronomique

Faisons le calcul rapidement. Le projet total de Nokia représente 340 millions de dollars, dont 300 millions viennent de l’entreprise et 40 millions du fédéral (le gouvernement ontarien ajoute aussi sa part). Officiellement, cela doit créer ou maintenir environ 700 emplois hautement qualifiés. Cela fait donc plus de 57 000 $ d’argent public par emploi. Et encore, seulement si les promesses sont tenues.

À titre de comparaison, le programme Scale AI ou les supergrappes d’innovation fonctionnent avec des ratios bien plus favorables. Et surtout, l’argent reste dans des entreprises canadiennes qui réinvestissent ici.

La souveraineté numérique à géométrie variable

Le plus savoureux vient d’Evan Solomon lui-même. Le nouveau ministre de l’IA et de la Souveraineté numérique (oui, le titre existe) a défendu le projet Nokia en expliquant que c’était un bel exemple de « souveraineté en pratique ». Traduction : des chercheurs canadiens vont développer de l’IA de pointe… mais la propriété intellectuelle appartiendra à une entreprise finlandaise cotée à Helsinki.

Le même Evan Solomon qui, il y a quelques semaines, déclarait que la souveraineté numérique était « la question démocratique la plus urgente de notre époque ». On comprend mieux pourquoi une partie de l’écosystème tousse.

« La souveraineté, ce n’est pas faire payer les contribuables canadiens pour enrichir les actionnaires étrangers. »

– Un fondateur de startup torontoise ayant requis l’anonymat

Les vieux réflexes ont la peau dure

Ce qui frappe dans cette affaire, c’est qu’elle révèle la difficulté du gouvernement libéral à changer vraiment de logiciel. Même après le psychodrame des gains en capital, même après avoir nommé un ministre dédié à l’IA, même après avoir promis de faire de Cohere un champion national, on retombe dans les vieux travers : l’annonce sexy, le chèque géant, la photo avec la multinationale.

Pendant ce temps, les startups canadiennes en IA lèvent des tours après tours… aux États-Unis. Cohere a dû faire son dernier tour à San Francisco. Scale AI est désormais plus américaine que canadienne. Layer 6 a été rachetée par TD que tout le monde oublie. Element AI par ServiceNow. La liste est longue et douloureuse.

Et si on changeait vraiment de modèle ?

Plusieurs voix proposent des alternatives concrètes :

  • Mettre les 40 millions directement dans un fonds d’investissement dédié aux startups IA canadiennes
  • Conditionner toute subvention à une clause de propriété intellectuelle canadienne majoritaire
  • Créer un « golden share » gouvernemental dans les entreprises stratégiques d’IA
  • Transformer le crédit d’impôt SR&ED en subvention directe pour les jeunes pousses (comme le recommande le Council of Canadian Innovators

Certaines de ces idées figurent déjà dans les promesses du nouveau gouvernement. Reste à passer des paroles aux actes.

L’exemple coréen et singapourien

La Corée du Sud n’a pas attendu pour agir. Séoul a investi massivement dans ses champions nationaux (Samsung, LG, Naver, Kakaoet bloque systématiquement les rachats étrangers dans l’IA et les semi-conducteurs. Résultat : le pays est devenu en dix ans une superpuissance technologique tout en gardant le contrôle de ses fleurons.

Singapour, elle, a créé Temasek et GIC, deux fonds souverains qui investissent massivement dans les startups locales tout en attirant les talents étrangers… mais en gardant la propriété à la maison.

Le Canada a les moyens de faire pareil. Nous avons les talents, les universités, les laboratoires (Mila, Vector, Amii). Il manque juste la volonté politique de dire non aux vieilles recettes.

Vers un vrai tournant ?

La bonne nouvelle dans cette histoire, c’est que la critique est désormais portée haut et fort par des figures incontestables comme Tobi Lütke. Il y a cinq ans, un tel tweet aurait été impensable. Aujourd’hui, il fait la une de BetaKit et déclenche un débat national.

Le gouvernement a une occasion unique avec la réforme du SR&ED et le plan de souveraineté numérique d’Evan Solomon. S’il continue à signer des chèques en blanc aux multinationales, il perdra définitivement la confiance de l’écosystème. S’il choisit enfin de soutenir ses champions nationaux sans condition, le Canada peut vraiment devenir une puissance technologique souveraine.

Le choix est simple : continuer à payer pour que d’autres récoltent, ou investir dans nos propres graines pour faire pousser des géants canadiens.

La pelle dorée de Nokia pourrait bien rester comme le symbole d’un vieux monde qu’on enterre… ou d’un nouveau qu’on refuse de faire naître. À Ottawa de choisir.

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