Forum Ventures mise sur Toronto pour l’IA
Et si la prochaine licorne canadienne de l’intelligence artificielle ne naissait pas dans un garage de Waterloo ou dans un incubateur de Montréal, mais dans un studio de venture building financé par New York ? C’est exactement le pari que vient de prendre Forum Ventures.
Le fonds américain, qui gère déjà plus de 125 millions de dollars, vient de clôturer un nouveau véhicule de 11,5 millions USD dédié exclusivement à la création de startups B2B SaaS « AI-native »… à Toronto. Un choix qui peut surprendre quand on sait que le siège est à Manhattan et que San Francisco reste à deux heures d’avion.
Pourquoi Toronto, et pourquoi maintenant ?
Pour Michael Cardamone, CEO de Forum Ventures, la réponse tient en trois mots : talent, coût et vide.
La ville regorge d’ingénieurs formés à l’Université de Toronto et à Vector Institute, mais le financement « true risk » – celui qui accepte de miser avant même qu’un produit existe – reste cruellement rare au stade pré-revenue. Résultat : trop de fondateurs brillants traversent la frontière dès qu’ils ont une démo.
« On a vu une opportunité massive : amener du capital américain ultra-précoce et notre réseau de VC US directement dans une ville qui produit du talent de classe mondiale mais qui manque cruellement de prises de risque au tout premier jour. »
– Michael Cardamone, CEO & Managing Partner, Forum Ventures
Jonah Midanik, partner basé à Toronto et ancien fondateur (Limelight Platform), pilote l’opération sur place. Pour lui, l’équation est limpide : même salaire qu’à San Francisco, loyer trois fois moins cher, immigration ultra-rapide via le Global Talent Stream et un écosystème qui a appris à scaler grâce à Shopify, Wealthsimple ou Cohere.
Un modèle de venture studio qui sort du lot
Contrairement à beaucoup de studios qui prennent 50 à 80 % de l’équité, Forum Ventures injecte 250 000 USD au jour 1 et ne réclame « que » 20-30 % environ. Les fondateurs gardent le contrôle du board et la majorité des actions.
Le deal ? En échange, l’équipe Forum devient un véritable co-builder : recrutement des premiers ingénieurs, design produit, go-to-market, levée série A… Tout est pris en charge par une plateforme interne de 15 personnes, dont 12 sont désormais basées au Canada.
- 250 000 USD au démarrage
- Majorité et contrôle conservés par les fondateurs
- Accès immédiat à un réseau qui a déjà permis à plus de 500 startups B2B de lever plus d’un milliard de dollars
- 63 % des startups du studio ont levé un tour suivant en moins de 12 mois (contre moins de 50 % historiquement en 18 mois)
Les premiers bébés du studio canadien
Dix-sept startups ont déjà été lancées depuis 2023, dont trois purement canadiennes. Parmi elles, Identity Machines, une plateforme torontoise qui permet aux grandes entreprises de déployer des agents IA en respectant gouvernance et sécurité, illustre parfaitement la thèse.
Private AI et VendorPM font également partie du portefeuille canadien plus large de Forum. Et la cadence devrait s’accélérer : le nouveau fonds doit permettre de co-créer au moins six nouvelles sociétés, probablement davantage.
Un changement de paradigme dans le financement canadien
Ce qui frappe, c’est le timing. Alors que les fonds canadiens traditionnels restent souvent frileux sur les tours pre-seed inférieurs à 2-3 millions CAD, un acteur américain vient combler le vide avec une approche radicalement plus précoce.
Effet boule de neige possible : plus de succès rapides attirent plus de talents qui restent, qui attirent d’autres fonds US, etc. C’est exactement le cercle vertueux que San Francisco a connu dans les années 2010.
« Les fondateurs répètent nous veulent du contrôle. On n’est pas là pour diriger leur entreprise, on est là pour la faire décoller plus vite. »
– Jonah Midanik, Partner chez Forum Ventures et ancien CEO de Limelight Platform
Et après ?
Le plan est clair : atteindre 30 startups créées via le studio d’ici deux à trois ans. Avec déjà 63 % de succès sur les levées suivantes et un track-record qui parle (plus de 500 compagnies accompagnées depuis 2014), Forum Ventures envoie un signal fort.
Toronto n’est plus seulement une ville où l’on forme des chercheurs en IA. Elle devient, sous nos yeux, un lieu où l’on fabrique les entreprises qui vont utiliser cette recherche pour dominer des marchés B2B mondiaux.
Et pendant que certains débattent encore de la fuite des cerveaux, des Américains viennent investir des dizaines de millions pour la stopper. Ironique ? Peut-être. Efficace ? Les premiers résultats semblent dire que oui.
La prochaine fois que vous croiserez un ingénieur de 27 ans qui hésite entre San Francisco et Toronto, rappelez-lui qu’un chèque de 250 000 dollars l’attend peut-être déjà… à condition qu’il accepte de construire ici la prochaine grande réussite canadienne de l’IA.