Google et l’IA : Votre Vie, Son Avantage
Imaginez un assistant qui vous connaît mieux que votre meilleur ami. Il sait quel restaurant italien vous fait saliver, quel cadeau votre mère adore, et même que vous avez hésité trois jours avant d’acheter ces baskets. Pratique, non ? C’est exactement la promesse que Google fait aujourd’hui avec son IA. Mais derrière cette aide sur mesure se cache une réalité plus sombre : pour être aussi pertinent, Google doit tout savoir de vous.
L’avantage compétitif ultime de Google : vos données
Robby Stein, vice-président produit de Google Search, l’a dit sans détour dans le podcast Limitless : la grande force de l’IA de Google, c’est sa capacité à vous connaître personnellement. Pas seulement vos recherches du moment, mais toute votre vie numérique accumulée depuis quinze ans.
« Nous pensons qu’il y a une énorme opportunité pour notre IA de vous connaître mieux et d’être ainsi incroyablement utile grâce à cette connaissance. »
– Robby Stein, VP Product chez Google Search
Concrètement ? Gemini (l’IA de Google) peut déjà puiser dans Gmail, Google Photos, Drive, Calendar, et même votre historique de navigation pour répondre à vos questions. Vous demandez une idée de voyage ? Il vous propose directement la destination que vous avez regardée six fois sans oser réserver. Vous cherchez un recette ? Il vous sort celle que vous avez déjà cuisinée trois fois le mois dernier.
Quand l’aide devient intrusive
Cette hyper-personnalisation rappelle étrangement la série Apple TV+ Pluribus, où une IA omniprésente anticipe chaque désir des personnages… jusqu’à les étouffer. La protagoniste, Carol, finit par hurler face à un système qui lui sert son plat préféré sans qu’elle l’ait demandé. Fiction ? Peut-être pas tant que ça.
Car dans la vraie vie, nombreux sont ceux qui ressentent déjà ce malaise. Voir Google vous proposer une promotion sur un produit que vous avez seulement regardé en navigation privée, ça fait froid dans le dos. Et demain, quand l’IA pourra croiser vos emails avec vos positions GPS et vos achats, où s’arrête l’aide et où commence la surveillance ?
Un consentement en trompe-l’œil
Google assure que tout est opt-in. Dans les paramètres de Gemini, une section « Applications connectées » vous permet de choisir ce que l’IA peut lire ou non. Problème : par défaut, tout est coché. Et surtout, refuser revient à se priver d’une partie des fonctionnalités phares.
Autre détail qui fait grincer des dents : même quand vous acceptez, la politique de confidentialité précise que des employés humains peuvent relire vos données pour « améliorer le service ». Autrement dit, vos emails les plus intimes peuvent atterrir sous les yeux d’un inconnu à Mountain View.
Enfin, la firme promet d’indiquer clairement quand une réponse est personnalisée. Une petite étiquette « Pour vous » devrait apparaître. Mais est-ce vraiment suffisant quand l’ensemble du modèle est entraîné sur des milliards de vies privées ?
Pourquoi Google n’a pas le choix
Face à ChatGPT, Claude ou Perplexity, Google joue sa survie. OpenAI a montré qu’une IA générale pouvait séduire des centaines de millions d’utilisateurs en quelques mois. La seule arme de Google pour rester leader ? Ses données. Des pétaoctets d’informations uniques sur vos goûts, vos habitudes, vos relations.
- 15 ans d’historique de recherche
- Des milliards d’emails analysés (même si vous avez désactivé l’historique)
- Vos positions GPS précises depuis Android
- Vos photos géolocalisées et taguées automatiquement
- Vos documents professionnels dans Drive
Aucun concurrent n’a cette mine d’or. C’est à la fois une force colossale et une responsabilité écrasante.
Vers un futur à la Black Mirror ou à la Jarvis ?
Deux visions s’opposent. D’un côté, l’utopie : un assistant qui vous réveille doucement parce qu’il sait que vous avez mal dormi (Fitbit), qui réserve votre restaurant préféré quand votre agenda se libère, qui vous rappelle l’anniversaire de belle-maman avant même que vous y pensiez.
De l’autre, la dystopie : une IA qui vous juge sur vos recherches passées, qui vous propose des pubs en fonction de vos disputes par email, qui influence vos choix politiques à votre insu.
La vérité se situe probablement entre les deux. Mais une chose est sûre : plus Google rendra son IA intelligente grâce à vos données, plus il sera difficile de faire marche arrière.
Comment reprendre la main ?
Quelques gestes simples permettent déjà de limiter les dégâts :
- Désactivez l’historique des activités web et applications (myactivity.google.com)
- Déconnectez toutes les applications dans les paramètres Gemini
- Utilisez un navigateur alternatif et un moteur de recherche respectueux de la vie privée pour les sujets sensibles
- Pensez à supprimer régulièrement vos anciennes données via « Mon activité »
Mais soyons honnêtes : pour la majorité des gens, la commodité l’emportera toujours sur la privacy. Google le sait parfaitement. C’est d’ailleurs tout le génie (et le danger) de sa stratégie.
Alors, assistant rêvé ou grand frère numérique ? L’avenir de l’IA grand public se joue là, sous nos yeux. Et vous, jusqu’où êtes-vous prêt à laisser Google entrer dans votre vie ?