Partage Club : 2,1 M$ pour l’économie du partage
Imaginez-vous à la recherche d’un escabeau pour repeindre votre salon un week-end. Au lieu de filer au magasin et d’en acheter un que vous n’utiliserez peut-être plus jamais, vous ouvrez une application, tapez « escabeau » et… bingo, votre voisin du troisième étage vous en prête un gratuitement. C’est exactement ce que propose Partage Club, une startup montréalaise qui vient de boucler une levée de fonds de 2,1 millions de dollars canadiens.
Derrière ce projet, une histoire toute simple : celle d’une jeune maman qui, en 2020, regarde son appartement encombré et se dit qu’il y a quelque chose qui cloche dans notre façon de consommer.
Partage Club : quand une poussette déclenche une révolution
Fauve Doucet n’avait pas prévu de devenir entrepreneure. Pourtant, en cherchant une solution pour offrir un vélo à son fils sans rajouter un objet de plus dans son trois-et-demi, elle redécouvre un concept appris à l’université : l’économie du partage. Emprunter plutôt qu’acheter. Réduire les déchets. Renforcer les liens de voisinage. Tout collait.
Quelques années plus tard, l’idée est devenue une application utilisée par des centaines de Montréalais et déjà partenaire d’une douzaine de municipalités québécoises.
« C’est une autre façon de voir l’économie qui intègre les composantes sociales et environnementales. »
– Fauve Doucet, CEO et cofondatrice de Partage Club
Comment fonctionne concrètement l’application ?
Le principe est d’une simplicité désarmante : vous publiez les objets que vous acceptez de prêter (outils, jeux, matériel de sport, même une chambre d’appoint) et vous pouvez emprunter ceux des autres. Une seule règle d’or : pas de vente autorisée. C’est un espace 100 % gratuit entre particuliers… ou presque.
Car le modèle économique, lui, a évolué. Si les particuliers peuvent tester l’application gratuitement pendant trois semaines, l’abonnement coûte ensuite 8 $ par mois ou 60 $ par an. Mais la vraie manne provient des collectivités : villes, arrondissements, immeubles à condos, universités achètent des licences pour offrir l’accès gratuit à leurs citoyens ou résidents.
- Partenariats avec plus de 15 municipalités québécoises
- Licences vendues à des gestionnaires immobiliers
- Modèle B2B2C qui permet la rentabilité dès 2024
Des chiffres qui donnent le tournis
En collaboration avec un professeur de l’Université McGill, Partage Club a mesuré son impact. Chaque échange sur la plateforme génère en moyenne :
- 58 $ d’économies pour l’utilisateur
- 238 grammes de déchets évités (l’équivalent de 11 bouteilles en plastique de 1,5 L)
- Sur une année universitaire : 400 kg de déchets en moins
À titre de comparaison, chaque Canadien produit en moyenne 694 kg de déchets par an selon le Global Waste Index 2025. Il y a donc encore du chemin, mais la trajectoire est encourageante.
Une levée de fonds paradoxale ?
Voilà le grand paradoxe : une startup qui prône l’anti-consommation… lève des fonds auprès d’investisseurs qui attendent un retour sur investissement. Comment concilier les deux ?
Fauve Doucet l’admet sans détour : la tension existe. Mais le modèle hybride (abonnements particuliers + licences institutionnelles) a permis à Partage Club d’être rentable dès l’an dernier. Preuve qu’on peut gagner de l’argent en encourageant les gens à moins acheter.
Le tour de table de 2,1 M$ CAD, mené par l’investisseur Frédéric Bastien avec BDC Thrive Lab, Desjardins et Mistral Ventures, servira à :
- Conquérir le reste du Canada
- Préparer l’expansion internationale
- Multiplier par deux l’équipe d’ici 12 mois
- Ajouter des fonctionnalités de gamification
- Améliorer l’algorithme avec de l’IA… utilisée avec parcimonie
L’IA, oui mais responsable
Partage Club utilise l’intelligence artificielle pour suggérer des objets complémentaires (vous avez emprunté une perceuse ? L’appli vous propose des mèches). Mais Fauve Doucet insiste : l’expérience reste humaine avant tout.
« On mise sur la communauté. À l’heure où l’IA envahit le e-commerce pour pousser à l’achat, nous voulons être l’antithèse : une plateforme qui rapproche les gens. »
– Fauve Doucet
Et demain ?
Si le Québec sert de laboratoire, l’ambition est claire : devenir la référence du prêt entre voisins en Amérique du Nord, puis ailleurs. Les discussions sont déjà entamées avec des villes canadiennes hors Québec et des acteurs européens.
Dans un monde où l’on parle de plus en plus de sobriété heureuse, de décroissance choisie ou simplement de bon sens, Partage Club arrive au bon moment. L’application ne révolutionnera pas la planète à elle seule, mais elle prouve qu’une autre économie est possible : rentable, écologique et profondément humaine.
Et vous, quel objet dormez-vous dans vos placards qui pourrait rendre service à votre voisin ? Peut-être que la révolution commence là, juste derrière votre porte.
