Clio vs Alexi : Bataille Judiciaire Explosive
Imaginez payer un milliard de dollars pour acquérir la plus belle base de données juridiques au monde… et découvrir quelques semaines plus tard qu’une petite start-up concurrente y a toujours accès légalement. C’est exactement le cauchemar que vit Clio depuis novembre 2025.
Quand deux étoiles canadiennes du legaltech s’affrontent devant les tribunaux
Le 26 novembre 2025, Fastcase, filiale désormais détenue par le géant de Vancouver Clio, a porté plainte contre Alexi à Washington DC. L’accusation est lourde : utilisation abusive d’une base de données de jurisprudence pour développer une plateforme concurrente, en violation d’un contrat signé en 2021.
Ce qui rend l’affaire explosive, c’est le contexte. À peine quinze jours plus tôt, Clio finalisait l’acquisition de vLex et Fastcase pour un milliard de dollars américains. Une opération présentée comme le couronnement de la stratégie du leader canadien du logiciel pour cabinets d’avocats.
« Nous prenons nos obligations contractuelles et notre propriété intellectuelle très au sérieux »
– Porte-parole de Clio
Retour sur les faits : de la collaboration à la confrontation
Tout commence en 2021. Alexi, jeune pousse torontoise spécialisée dans l’IA juridique, signe un accord de licence avec Fastcase. Objectif : accéder à leur immense base de jurisprudence pour ses besoins internes de recherche.
Jusque-là, tout va bien. Les deux entreprises discutent même d’une possible collaboration plus profonde, voire d’un rachat d’Alexi par Fastcase en 2022. Les discussions n’aboutissent pas.
Puis les chemins divergent. Fastcase fusionne avec vLex en 2023. Alexi, de son côté, explose : +3000 % d’utilisateurs en un an, plus de 600 cabinets clients, et une nouvelle offre de workflows automatisés qui ressemble de plus en plus… à une plateforme de recherche juridique complète.
Le milliard qui change tout
Novembre 2025. Clio annonce fièrement avoir déboursé 1 milliard de dollars (1,4 milliard CAD) pour s’offrir vLex et Fastcase. Le CFO Curt Sigfstead parle d’un actif « rivalisant avec LexisNexis et Thomson Reuters ».
Mais voilà : quelques semaines après la clôture de l’opération, l’équipe juridique de Clio aurait découvert que l’accord de licence signé en 2021 avec Alexi était toujours en vigueur. Et pire, que la start-up torontoise l’utiliserait activement pour entraîner et alimenter sa propre plateforme concurrente.
Panique à bord. La valeur même de l’acquisition repose en grande partie sur l’exclusivité supposée de cette base de données.
« C’est une tentative désespérée de mettre fin à notre accord de licence »
– Mark Doble, CEO d’Alexi
Ce que contient vraiment l’accord de 2021 (qu’on ne verra jamais)
L’accord de licence est scellé. Aucune des deux parties n’a accepté de le partager. Mais la plainte de Fastcase est claire sur les restrictions :
- Utilisation uniquement à des fins de recherche interne
- Interdiction formelle d’utilisation commerciale concurrente
- Interdiction de redistribution ou publication des données
Alexi conteste vigoureusement. Mark Doble affirme n’avoir jamais franchi la ligne rouge et parle d’une interprétation abusive de Clio pour protéger son investissement récent.
Clio et Alexi : deux visions opposées du legaltech canadien
Derrière le conflit juridique se cache une bataille philosophique et stratégique.
Clio, c’est le mastodonte. 400 millions de dollars de revenus récurrents, 400 000 utilisateurs, valorisation à 5 milliards. Une approche intégrée : tout faire dans une seule plateforme (gestion, facturation, documents, et maintenant recherche grâce à vLex).
Alexi, c’est le challenger pur jus. Une IA ultra-spécialisée, des workflows agents autonomes, une croissance fulgurante. Une philosophie : devenir le « ChatGPT du droit » avant que les géants ne le fassent.
Les enjeux qui dépassent les deux entreprises
Cette affaire pourrait faire jurisprudence (c’est le cas de le dire) sur plusieurs points cruciaux pour l’écosystème tech :
- Jusqu’où peut-on utiliser une base de données sous licence pour entraîner des modèles d’IA ?
- Comment valoriser l’exclusivité d’un actif data dans une acquisition à neuf chiffres ?
- Les petits acteurs peuvent-ils encore concurrencer les géants quand ceux-ci rachètent les sources de données essentielles ?
On pense évidemment aux batailles OpenAI vs éditeurs de presse, ou Meta vs auteurs. Mais ici, tout reste 100 % canadien.
Et maintenant ?
Le procès se déroulera aux États-Unis, probablement sur plusieurs années. En attendant, les deux entreprises continuent de se développer. Alexi refuse de commenter l’impact commercial immédiat. Clio, silencieux au-delà de son communiqué.
Mark Doble reste optimiste :
« Clio est une entreprise incroyable. Je suis convaincu qu’ils finiront par reconnaître qu’ils sont du mauvais côté de cette histoire. »
– Mark Doble
Difficile d’y croire quand un milliard de dollars est en jeu.
Une chose est sûre : rarement un conflit entre deux entreprises canadiennes n’aura eu autant de retentissement dans le monde du legaltech mondial. À suivre de très près.
Et vous, quel camp choisissez-vous dans cette bataille qui oppose le géant établi au jeune loup torontois ?