Conexus Venture Capital Lève 30 M$ pour Saskatchewan
Imaginez une province souvent résumée à ses champs de blé et ses ciels immenses qui, discrètement, devient un terreau fertile pour la technologie. Cela peut paraître surprenant, et pourtant, c’est exactement ce qui se passe en Saskatchewan. Le 4 décembre 2025, Conexus Venture Capital (CVC) vient de boucler son deuxième fonds à 30 millions de dollars canadiens, une performance qui mérite qu’on s’y arrête.
Un fonds 100 % dédié à la Saskatchewan qui atteint son objectif malgré la tempête
Dans un contexte où même les géants du capital-risque peinent à lever des fonds, une firme basée à Regina vient de réussir l’improbable. Conexus Venture Capital a non seulement atteint, mais exactement rempli son objectif de 30 millions CAD pour son Fonds II. Un exploit qui force le respect quand on sait que le marché du venture est en pleine glaciation depuis plus de deux ans.
Lancé en mai 2024 avec un premier closing de 15 millions apporté par Conexus Credit Union, le fonds a patiemment convaincu huit autres credit unions de la province, des institutions financières, des family offices et des investisseurs privés (high-net-worth individuals) de compléter la mise. Résultat : 18 mois de travail acharné récompensés à la ligne d’arrivée.
« C’est une grande victoire pour la Saskatchewan, pour les Prairies et pour tout l’écosystème tech canadien. »
– Jordan McFarlen, managing director de CVC
Le premier fonds déjà dans le top 25 % nord-américain
Pour comprendre l’enthousiasme, il faut revenir au Fonds I. Créé en 2019 en parallèle de l’incubateur Cultivator, il a réalisé 17 investissements, dont 13 en Saskatchewan pure. Et les résultats parlent d’eux-mêmes : le fonds se classe aujourd’hui dans le premier quartile des millésimes 2019 en Amérique du Nord.
Deux exits complets (Curatio et Thinkific), des prises de secondaires sur deux autres positions, et surtout des pépites qui ont grandi : 7shifts et Coconut Software, probablement les deux plus belles success stories tech que la province ait connues ces dernières années.
En clair, CVC n’arrive pas en terrain inconnu. Le fonds a déjà prouvé qu’on pouvait faire du venture de haut niveau… depuis Regina.
Une stratégie qui ne change pas : pré-seed et seed, avec un gros cœur pour la Saskatchewan
Le Fonds II suivra exactement la même feuille de route. Objectif : 10 à 15 investissements, principalement en pré-seed et seed, parfois jusqu’au Series A. La grande majorité des chèques ira à des startups basées en Saskatchewan, même si quelques opportunités dans le reste des Prairies pourront être saisies.
Déjà, trois investissements ont été réalisés pendant la levée :
- Alto – solution tech pour les soins à domicile (Saskatoon)
- Offstreet – logiciel de gestion de stationnement (Regina)
- LiORA – plateforme de remédiation des sols (Calgary et Saskatoon)
Trois exemples qui montrent la diversité des secteurs ciblés : santé, smart cities, cleantech… tant que c’est du logiciel scalable et que l’équipe a un lien fort avec la province.
Un modèle unique au Canada : un fonds mené par un crédit union
CVC est aujourd’hui le seul fonds de venture capital headquartered en Saskatchewan et, plus surprenant encore, le seul au pays à être porté par un crédit union. Conexus Credit Union, avec ses 148 000 membres, n’a pas hésité à remettre 15 millions dans le Fonds II, soit la moitié du total.
Et même la fusion à venir avec Cornerstone et Synergy (effective début 2026) ne change rien : l’engagement reste total. Celina Philpot, CEO de Conexus, le martèle :
« Notre investissement de 15 millions est la preuve de notre foi absolue dans les entrepreneurs et les startups tech de la Saskatchewan. »
– Celina Philpot, CEO Conexus Credit Union
Cultivator + CVC : l’écosystème complet made in Saskatchewan
Il faut comprendre que Conexus ne fait pas que du capital-risque. Depuis 2019, l’incubateur Cultivator, également financé par le crédit union, a accompagné 196 startups et contribué à créer plus de 600 emplois. Un duo infernal : accompagnement très précoce + capitaux locaux patients.
Ce modèle « tout sous le même toit » rappelle un peu ce que fait MaRS à Toronto ou Communitech à Waterloo, mais en version prairie : moins de bruit médiatique, plus de proximité avec les entrepreneurs.
Pourquoi c’est important au-delà de la Saskatchewan
Parce que cela démontre qu’on peut faire du venture de qualité hors des grands centres. Toronto, Montréal et Vancouver captent l’essentiel de l’attention (et des dollars), mais des fonds régionaux comme CVC, Golden Ventures à Waterloo ou Brightspark à Ottawa prouvent qu’une autre voie est possible.
Dans un Canada où l’on parle beaucoup de « brain drain » vers les États-Unis, garder des capitaux patients et des succès locaux dans les provinces moins visibles est stratégique. Chaque 7shifts ou Coconut Software qui reste et grandit depuis Regina ou Saskatoon est une victoire collective.
Et puis, il y a l’effet boule de neige. Plus les premiers fonds performent, plus les LPs locaux reprennent confiance, plus les jeunes entrepreneurs osent rester ou revenir. C’est exactement ce cercle vertueux que CVC est en train d’alimenter.
Et maintenant ?
Avec Jordan McFarlen aux commandes, secondé par Alex Shimla (ex-co-fondateur de Co.Labs) et Gabrielle Schubach, l’équipe est prête à déployer les 27 millions restants (les trois premiers investissements ayant déjà été faits).
Les prochains mois risquent d’être passionnants à suivre. Qui seront les prochains 7shifts made in Saskatchewan ? Quelles verticales vont exploser grâce à ce capital patient et local ?
Une chose est sûre : la Saskatchewan ne se contente plus d’exporter du blé et du potash. Elle exporte aussi, de plus en plus, de l’innovation tech. Et avec 30 millions de dollars frais dans les caisses de Conexus Venture Capital, le message est clair : les Prairies ont leur mot à dire dans l’avenir technologique canadien.
À suivre, très attentivement.