Contrat de 620M$ pour Vulcan Elements et 1789 Capital
Imaginez : vous lancez une startup il y a quelques mois à peine, vous levez 65 millions en série A, et trois mois plus tard le ministère américain de la Défense vous signe un chèque de 620 millions de dollars. Le rêve de tout entrepreneur, non ? Sauf que dans le cas de Vulcan Elements, le fonds qui vient d’investir s’appelle 1789 Capital… et l’un de ses partners n’est autre que Donald Trump Jr.
Coïncidence ? Coup de génie ? Ou parfum de favoritisme ? L’histoire mérite qu’on s’y arrête.
Un contrat historique pour des aimants qui font tourner le monde
Les aimants permanents à base de terres rares, ce n’est pas sexy dit comme ça. Pourtant, sans eux, pas de moteurs électriques performants, pas de missiles guidés précis, pas d’éoliennes puissantes ni de smartphones qui tiennent dans la poche. Aujourd’hui, plus de 90 % de ces aimants stratégiques viennent de Chine. Washington panique depuis des années.
Le contrat signé entre le Département de la Défense américain et le duo Vulcan Elements / ReElement Technologies fait partie d’un package global de 1,4 milliard de dollars destiné à créer une filière complète made in USA. Objectif affiché : ne plus jamais dépendre de Pékin en cas de conflit.
« C’est le plus gros contrat jamais accordé par l’Office of Strategic Capital du Pentagone »
– Financial Times, 3 décembre 2025
Qui est vraiment Vulcan Elements ?
Fondée très récemment, la startup promet de produire des aimants néodyme-fer-bore de très haute performance tout en recyclant les terres rares déjà en circulation. Un double coup : réduire la dépendance aux mines étrangères et verdir la chaîne d’approvisionnement.
En août 2025, Vulcan lève 65 millions de dollars en série A menée par Altimeter Capital (le fonds de Brad Gerstner, connu pour ses paris sur Snowflake ou Uber). Puis, il y a environ trois mois, 1789 Capital entre au capital. 1789 Capital, c’est ce fonds très « MAGA-friendly » lancé par Omeed Malik, ex-BofA, qui investit dans des entreprises « parallel economy » souvent proches de l’écosystème Trump.
Et depuis l’arrivée de Donald Trump Jr. comme partner en 2024, le fonds a pris une couleur politique assumée. Il soutient déjà SpaceX, Anduril, Rumble ou PublicSq – des boîtes qui, pour beaucoup, travaillent déjà avec l’État fédéral.
620 millions… et quatre contrats en un an pour le portefeuille 1789
Ce qui interpelle, c’est la vitesse. Selon le Financial Times, au moins quatre entreprises du portefeuille 1789 Capital ont obtenu des contrats publics cette année. Vulcan Elements rafle la mise avec le record absolu.
Vulcan et un porte-parole de Donald Trump Jr. ont immédiatement démenti toute intervention personnelle :
« Donald Trump Jr. n’a eu aucune implication dans les négociations avec le gouvernement au nom des sociétés du portefeuille de 1789. »
Techniquement vrai… mais quand votre père redevient président des États-Unis un mois avant l’annonce officielle du contrat, la perception publique devient explosive.
Pourquoi ce contrat tombe à pic (pour tout le monde)
Regardons les intérêts en jeu :
- Le Pentagone sécurise enfin une source domestique d’aimants critiques pour les F-35, les sous-marins nucléaires ou les futurs drones.
- L’administration Trump 2.0 peut revendiquer une victoire immédiate en matière de « reshoring » et d’indépendance stratégique.
- 1789 Capital valide son positionnement « America First » et voit la valeur de son portefeuille exploser.
- Vulcan Elements passe du statut de bébé startup à licorne potentielle en quelques semaines.
Tout le monde gagne. Sauf peut-être l’image d’impartialité des appels d’offres publics.
Les terres rares, nouvel or noir géopolitique
Pour comprendre l’enjeu, il faut revenir aux bases. La Chine contrôle :
- 70 % de la production mondiale de terres rares
- 90 % du raffinage
- Presque 95 % de la production d’aimants permanents
En 2010, Pékin avait déjà bloqué ses exportations vers le Japon lors d’un différend maritime. Les prix avaient été multipliés par 10 en quelques semaines. Les États-Unis n’ont jamais oublié la leçon.
Aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine et les tensions autour de Taïwan, Washington injecte des milliards via l’Inflation Reduction Act, le CHIPS Act et maintenant l’Office of Strategic Capital pour rebâtir des filières entières.
Et les concurrents dans tout ça ?
MP Materials (mine de Mountain Pass, Californie), Lynas (Australie + usine en Malaisie) ou Neo Performance Materials travaillent depuis des années sur le sujet. Ils ont reçu des aides, mais rien d’approchant les 620 millions de Vulcan.
La différence ? Vulcan promet une technologie de recyclage révolutionnaire développée avec ReElement Technologies, capable de récupérer les terres rares des vieux disques durs, moteurs de voitures électriques ou éoliennes en fin de vie. Si cela fonctionne à l’échelle, c’est game-changer.
Ce que cela nous dit de l’écosystème startup sous Trump 2.0
Cet épisode annonce probablement la couleur des quatre prochaines années :
- Les fonds proches du pouvoir auront un accès privilégié aux programmes fédéraux massifs.
- Les technologies critiques (défense, énergie, IA, mines) seront ultra-subventionnées.
- La frontière entre intérêt national et intérêt privé va continuer de s’effilocher.
On a déjà vu ça avec les contrats SpaceX sous la première administration Trump. Mais là, on passe à la vitesse supérieure.
Conclusion : génie entrepreneurial ou népotisme 2.0 ?
Sur le papier, Vulcan Elements coche toutes les cases d’une startup légitime : technologie prometteuse, levée série A solide, partenariat industriel avec ReElement. Le contrat peut parfaitement se justifier sur le fond.
Mais quand le fils du président investit trois mois avant un méga-contrat record, la question du conflit d’intérêts se pose inévitablement. Même si aucune règle n’a été enfreinte (pour l’instant), la perception d’un système à deux vitesses risque de durablement abîmer la confiance dans les mécanismes d’attribution publics.
Une chose est sûre : dans le nouveau monde qui s’ouvre, être proche du pouvoir redevient un avantage compétitif majeur. Les entrepreneurs qui l’ont compris sont déjà en train de repositionner leurs pitchs.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Simple succès mérité ou retour du « who you know » à Washington ? Les commentaires sont ouverts.