ConstructionClock Lève 2M$ depuis Winnipeg
Imaginez-vous sur un chantier à -30 °C, les mains gelées, et qu’il faille encore remplir une feuille d’heures à la fin de la journée. Erreurs, oublis, estimations généreuses… et bonjour les marges qui fondent comme neige au soleil. C’est exactement ce casse-tête qui a poussé David Peters à tout plaquer pour créer une solution radicale.
De la poussière de bois à la Silicon Prairie : l’incroyable reconversion de David Peters
David Peters n’est pas le fondateur tech typique. Pendant près de vingt ans, il a dirigé sa propre entreprise de sous-traitance au Manitoba. Voix rocailleuse, mains calleuses, il connaît chaque détail du métier : les imprévus, les délais, et surtout le fléau du pointage manuel.
« Mes marges se faisaient bouffer par des pointages approximatifs », confie-t-il sans détour. Des ouvriers pressés qui arrondissent, d’autres qui oublient… Le résultat ? Des pertes sèches qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers de dollars par an pour une PME du bâtiment.
« J’aurais dû mieux former mes équipes, c’est aussi ma faute. Mais soyons honnêtes : il n’existait tout simplement pas d’outil adapté aux petites structures du BTP. »
– David Peters, fondateur et CEO de ConstructionClock
ConstructionClock : la fin du paperasse sur les chantiers
L’idée est d’une simplicité désarmante : dès qu’un ouvrier franchit la géobarrière virtuelle du chantier, l’application ConstructionClock le pointe automatiquement. Pas de badge, pas de formulaire, pas de triche involontaire. Le téléphone fait tout.
Résultat ? Des données fiables à 100 %, des factures clients justes, et surtout des salariés payés au centime près. Aujourd’hui, plus de 3 000 entreprises utilisent déjà la plateforme, dont 80 % aux États-Unis, le reste étant réparti dans 23 pays.
Et le rythme de croissance donne le vertige : environ dix nouvelles entreprises adoptent l’outil chaque jour, avec un cycle de vente souvent inférieur à une semaine.
2 millions CAD levés dans l’un des écosystèmes les plus discrets du Canada
Winnipeg n’est pas Toronto, Montréal ou Vancouver. Les fonds de capital-risque locaux se comptent sur les doigts d’une main, et les anges investisseurs sont rares. Pourtant, David Peters vient de boucler un seed de 2 millions CAD auprès de trois investisseurs seulement.
Le plus gros chèque vient de Trillick Ventures, le seul vrai fonds early-stage de la ville. Les deux autres sont des retours de M25 (Chicago) et d’un super-ange local qui préfère rester discret.
« Si tu es pré-revenue, c’est quasiment mission impossible de lever à Winnipeg. »
– David Peters
Pourtant, la mayonnaise a pris. La traction impressionnante, un produit qui répond à un vrai problème et la ténacité du fondateur ont fait la différence.
Quand la femme du fondateur devient LP du fonds qui investit… bienvenue au Manitoba
Dans les grands centres, on parlerait de conflit d’intérêts. À Winnipeg, on appelle ça « l’esprit communauté ». Dominique Smith, CFO de ConstructionClock et épouse de David Peters, est également limited partner chez Trillick Ventures.
Iain Crozier, le patron du fonds, assume totalement : « Beaucoup de fondateurs manitobains sont LP chez nous. On est une petite communauté, on veut que tout le monde gagne ensemble. »
Cette proximité, presque familiale, est à la fois la force et la limite de l’écosystème local.
Les ambitions 2026 : tripler le nombre de clients et lancer le paiement instantané
Avec ces 2 millions frais dans la caisse, David Peters voit grand :
- Passer de 3 000 à 9 000 entreprises clientes d’ici fin 2026
- Doubler l’équipe commerciale (10 nouveaux vendeurs)
- Augmenter fortement le budget marketing, surtout aux États-Unis
- Lancer la fonctionnalité payroll avec Earned Wage Access (paiement le jour même) mi-2026 dans certains États américains
Le concept d’Earned Wage Access existe déjà dans la restauration ou l’hôtellerie. Dans le BTP, c’est une petite révolution : l’ouvrier termine sa journée, ouvre l’app et retire immédiatement l’argent gagné. Sans attendre la quinzaine.
« Personne ne le fait encore pour les PME du bâtiment », sourit David Peters.
Winnipeg, future terre d’accueil pour les startups ConTech ?
SkipTheDishes, Bold Commerce, Taiv… Winnipeg a déjà donné naissance à quelques succès notables. ConstructionClock pourrait bien être le prochain.
Le coût de la vie raisonnable, des talents techniques sous-évalués et une communauté ultra soudée constituent des atouts non négligeables. Reste à changer l’image : non, le Manitoba n’est pas seulement la capitale mondiale du froid.
« On veut montrer qu’on peut construire une grosse boîte ici et embaucher des centaines de Winnipeggers », conclut le fondateur.
Ce qu’il faut retenir
ConstructionClock illustre parfaitement la nouvelle vague de fondateurs « domain experts » : des pros du terrain qui décident de résoudre leurs propres problèmes avec du logiciel.
Dans un secteur aussi traditionnel que le BTP, l’automatisation du pointage et, demain, du paiement, pourrait bien transformer complètement la manière dont on gère la main-d’œuvre sur les chantiers.
Et pendant que les grands hubs se battent pour les mêmes deals, des villes comme Winnipeg prouvent qu’on peut lever des millions, scaler à l’international et garder les pieds sur terre – ou plutôt dans la neige.
À suivre de très près.