Instacart Condamné à 60M$ par la FTC
Imaginez commander vos courses en ligne, attiré par une promesse alléchante de livraison gratuite, pour finalement découvrir des frais cachés qui gonflent la facture. C’est exactement ce que des millions d’utilisateurs d’Instacart ont vécu, selon la Federal Trade Commission aux États-Unis. La plateforme de livraison de courses à domicile vient d’accepter de payer 60 millions de dollars pour clore une enquête accablante sur ses pratiques publicitaires.
Cette affaire n’est pas anodine. Elle met en lumière les zones grises dans lesquelles évoluent certaines géantes de la tech, prêtes à jouer sur les mots pour maximiser leurs revenus. Et pendant que les consommateurs paient le prix fort, les régulateurs commencent à serrer la vis.
Instacart face à la justice : un règlement à 60 millions de dollars
Le 18 décembre 2025, la FTC a annoncé un accord à l’amiable avec Instacart. Au cœur des reproches : des pratiques jugées trompeuses qui auraient induit en erreur des millions de clients. La plateforme va ainsi rembourser directement les consommateurs lésés, notamment ceux qui ont été facturés sans le savoir après un essai gratuit de l’abonnement Instacart+.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Cette sanction intervient dans un contexte où Instacart fait déjà l’objet d’une nouvelle enquête, cette fois sur son outil d’intelligence artificielle qui ajuste les prix en temps réel. Deux fronts ouverts en même temps : un signal fort envoyé à l’ensemble du secteur.
Les principales accusations de la FTC
La Commission fédérale du commerce n’y est pas allée de main morte. Elle pointe plusieurs pratiques qui, selon elle, violent les règles de transparence envers les consommateurs.
- La promesse de « livraison gratuite » trompeuse : Instacart mettait en avant des offres de livraison sans frais, mais imposait systématiquement un service fee pouvant atteindre 15 % du panier. Un coût obligatoire que beaucoup prenaient pour un pourboire facultatif.
- Une garantie satisfaction à géométrie variable : La plateforme vantait une « garantie 100 % satisfaction » laissant croire à un remboursement intégral en cas de problème. En réalité, les retards de livraison ou les comportements peu professionnels des shoppers n’ouvraient souvent droit qu’à un crédit pour une prochaine commande.
- Des options de remboursement dissimulées : Lorsqu’un client signalait un souci, le menu d’assistance masquait délibérément la possibilité d’un remboursement en espèces, orientant vers des crédits internes.
- Un essai gratuit piégeux pour Instacart+ : Le processus d’inscription à l’abonnement payant ne mentionnait pas clairement la reconduction automatique payante à l’issue de la période d’essai. Résultat : des milliers de clients débités à leur insu.
Ces pratiques, cumulées sur plusieurs années, auraient permis à Instacart de générer des revenus indus tout en dégradant la confiance des utilisateurs.
« La FTC est concentrée sur la surveillance des services de livraison en ligne pour s’assurer que la concurrence se fasse de manière transparente sur les prix et les conditions de livraison. »
– Christopher Mufarrige, directeur du Bureau de protection des consommateurs de la FTC
La réponse d’Instacart : démenti et critique de la méthode
De son côté, Instacart a rapidement réagi via un billet de blog. La société nie toute faute et qualifie même les fondements de l’enquête de « fondamentalement erronés ». Elle accepte néanmoins le règlement pour tourner la page et éviter un procès long et coûteux.
Cette posture est classique dans ce type d’affaires : payer sans reconnaître sa culpabilité. Elle permet de limiter les dommages d’image tout en évitant des précédents judiciaires contraignants. Mais pour les observateurs, le montant de 60 millions reste un aveu implicite de pratiques problématiques.
Un contexte plus large : la régulation des plateformes tech
Cette sanction s’inscrit dans une vague plus large de contrôle accru des géants numériques. La FTC, sous l’impulsion de Lina Khan, multiplie les actions contre les pratiques anticoncurrentielles ou trompeuses. Amazon, Google, Meta… personne n’échappe à la vigilance renforcée.
Dans le secteur de la livraison à domicile, la concurrence est féroce. Instacart, DoorDash, Uber Eats ou encore les services internes des grandes surfaces se disputent un marché en pleine expansion. Dans cette course, la tentation est grande d’utiliser tous les leviers marketing possibles, même les plus limites.
Mais les consommateurs deviennent plus méfiants. Les avis négatifs, les comparatifs de prix et les réseaux sociaux amplifient rapidement les mauvaises pratiques. Une réputation abîmée peut coûter bien plus cher qu’une amende.
L’enquête sur l’IA de pricing : le nouveau front
À peine l’accord avec la FTC annoncé, une nouvelle ombre plane sur Instacart. Une étude récente a révélé que son outil d’intelligence artificielle pouvait afficher des prix différents pour les mêmes produits, selon les clients. La plateforme assure que les variations sont aléatoires et décidées par les commerçants partenaires.
Cependant, la FTC a déjà ouvert une enquête préliminaire. Le régulateur veut comprendre si ces pratiques relèvent d’une discrimination par les prix ou d’un simple test A/B. Dans un climat où l’opacité des algorithmes est de plus en plus critiquée, Instacart marche sur des œufs.
Ce dossier pourrait faire jurisprudence. Si l’utilisation de données personnelles pour personnaliser les prix est prouvée, cela ouvrirait la voie à des sanctions bien plus lourdes et à une régulation spécifique des IA commerciales.
Quelles leçons pour les startups du secteur ?
Cette affaire Instacart offre plusieurs enseignements précieux pour les jeunes pousses de la tech.
- La transparence avant tout : Même si une formulation est juridiquement correcte, elle peut être perçue comme trompeuse. Mieux vaut être limpide dès le départ.
- Les essais gratuits sous surveillance : Les mécanismes de reconduction automatique sont dans le viseur des régulateurs partout dans le monde (RGPD en Europe, CCPA en Californie…).
- Les algorithmes sous le feu des projecteurs : L’utilisation d’IA pour fixer les prix devra être justifiée et documentée. L’ère de l’opacité touche à sa fin.
- La confiance, un actif précieux : Une relation client basée sur la suspicion finit toujours par se retourner contre l’entreprise.
Les startups qui sauront intégrer ces principes dès leur conception auront un avantage compétitif durable. Celles qui persisteront dans les zones grises risquent de payer cher, au sens propre comme au figuré.
Vers une livraison à domicile plus éthique ?
À long terme, cette pression réglementaire pourrait assainir le marché. Les acteurs les plus vertueux en sortiront renforcés, tandis que les pratiques agressives seront marginalisées. Les consommateurs, eux, bénéficieront d’une information plus claire et de recours plus efficaces.
Le secteur de la livraison de courses reste prometteur. Avec l’essor du télétravail et des modes de vie urbains, la demande ne faiblit pas. Mais la croissance devra désormais rimer avec responsabilité.
Instacart, valorisée à plusieurs milliards de dollars, a les moyens de rebondir. Reste à savoir si cette sanction sera un simple accident de parcours ou le début d’une remise en question profonde de son modèle économique.
Une chose est sûre : dans la tech, la course à la croissance ne justifie plus tout. Les régulateurs veillent, et les consommateurs aussi.