EtherealX : 21M$ pour un Lanceur Réutilisable Indien
Imaginez un pays en pleine ascension économique qui décide soudain de viser les étoiles, non pas avec des fusées jetables, mais avec des engins capables de revenir sur Terre et de repartir à moindre coût. C’est exactement ce que prépare l’Inde avec des startups audacieuses comme EtherealX. Alors que SpaceX domine les débats sur les lanceurs réutilisables, une jeune entreprise indienne s’apprête à entrer dans la danse avec des arguments solides.
Le secteur spatial mondial est en ébullition. Les coûts de mise en orbite baissent, la demande explose, et les places sont chères. Dans ce contexte, une nouvelle levée de fonds vient rappeler que l’Inde ne compte pas rester spectatrice.
EtherealX lève environ 21 millions de dollars pour accélérer son projet
La startup indienne EtherealX, fondée en 2022 et basée à Bengaluru, est sur le point de boucler une Série A d’environ 21 millions de dollars. Initialement prévue à 15 millions, la ronde a attiré plus d’investisseurs que prévu et gonfle jusqu’à 20,5 millions.
Les co-leaders de cette opération sont TDK Ventures, le bras venture du géant japonais de l’électronique, et BIG Capital, un fonds vietnamien. Parmi les participants figure également le célèbre fonds américain Accel, très actif en Inde. Ces noms témoignent de l’intérêt international pour le potentiel spatial indien.
Cette nouvelle injection de capitaux arrive un peu plus d’un an après une seed round de 5 millions de dollars réalisée en août 2024. Elle valide la traction rapide de l’entreprise sur un marché pourtant ultra-compétitif.
Un projet technique ambitieux : le Razor Crest Mk-1
Au cœur du projet d’EtherealX se trouve le Razor Crest Mk-1, un lanceur moyen entièrement réutilisable. L’objectif : placer jusqu’à huit tonnes en orbite basse terrestre, mais aussi desservir des orbites de transfert géostationnaires ou même des trajectoires trans-lunaires.
La réutilisabilité totale est la clé. Comme SpaceX avec Falcon 9, EtherealX veut faire atterrir et relancer ses étages pour diviser drastiquement les coûts. Le premier vol est prévu pour début 2027, un calendrier agressif qui force le respect.
Le fondateur, Manu J. Nair, avait déjà annoncé l’an dernier des tarifs très compétitifs : entre 350 et 2 000 dollars le kilogramme. À titre de comparaison, Falcon 9 tourne autour de 1 600 à 2 000 dollars/kg. Si ces promesses sont tenues, l’impact pourrait être considérable.
« Au prix auquel nous entrerons sur le marché, nous pourrons confortablement capter 30 à 40 % de celui-ci. »
– Manu J. Nair, fondateur d’EtherealX
Cette citation illustre l’ambition : ne pas se contenter de niches, mais viser une part significative du marché mondial des lancements.
Des contrats déjà signés pour 130 millions de dollars
Ce qui rend cette levée particulièrement crédible, c’est la traction commerciale déjà obtenue. EtherealX annonce avoir sécurisé des contrats d’une valeur totale de 130 millions de dollars auprès de six clients. Un signal fort que la demande existe bel et bien pour des alternatives moins chères.
Dans un monde où les slots de lancement sont rares et chers, proposer une capacité supplémentaire à prix réduit attire forcément l’attention des opérateurs de satellites, des agences gouvernementales et des constellations privées.
Une équipe expérimentée aux commandes
EtherealX n’est pas partie de zéro. Manu J. Nair dirige l’entreprise, entouré de Shubhayu Sardar, ancien scientifique de l’ISRO (l’agence spatiale indienne) en tant que COO, et de Prashant Sharma, ingénieur aérospatial, comme CTO.
Cette combinaison d’expérience institutionnelle et d’esprit entrepreneurial est précieuse dans un domaine où la moindre erreur technique peut coûter des centaines de millions.
La startup avance aussi sur des composants critiques. Récemment, elle a présenté un assemblage de turbopompe LOX pour son moteur d’étage supérieur Pegasus 2.0. Des progrès concrets qui rassurent les investisseurs.
L’atout géographique et réglementaire de l’Inde
L’Inde dispose d’un avantage rare : depuis un seul site de lancement, elle peut atteindre de multiples inclinaisons orbitales grâce à sa position proche de l’équateur. Un atout stratégique que peu de pays possèdent.
EtherealX a déjà sécurisé 16 acres de terrain dans l’État du Tamil Nadu, au sud du pays. Le site devrait devenir opérationnel début 2026, en avance sur le calendrier des premiers vols.
Par ailleurs, le gouvernement indien pousse activement le secteur privé. L’objectif affiché : passer de moins de 2 % à 8-10 % de part de marché mondial d’ici une décennie, pour atteindre une économie spatiale de 40 à 45 milliards de dollars.
Pourquoi les investisseurs misent sur l’Inde spatiale
Les fonds comme TDK Ventures ou Accel ne se trompent pas de cible. L’Inde offre un écosystème en pleine maturation : talents techniques abondants, coûts raisonnables, soutien gouvernemental croissant.
Le pays devient un complément naturel aux écosystèmes américains et européens. Les investisseurs cherchent à diversifier leurs portefeuilles spatiaux au-delà des États-Unis, où la concurrence est féroce et les valorisations élevées.
- Talents formés par l’ISRO et les universités indiennes
- Coûts de développement bien inférieurs à l’Occident
- Politique spatiale ouverte au privé depuis 2020
- Accès à des orbites variées depuis un seul site
- Marché domestique en croissance rapide
Ces facteurs expliquent pourquoi des fonds internationaux se positionnent dès maintenant.
Les défis qui attendent EtherealX
Tout n’est pas rose pour autant. Développer un lanceur réutilisable demande une maîtrise parfaite de technologies complexes : rentrée atmosphérique, atterrissage précis, remise en condition rapide.
SpaceX a mis des années et des dizaines d’échecs avant de réussir. EtherealX devra brûler les étapes tout en respectant un calendrier serré et un budget limité comparé aux géants.
La concurrence ne manque pas non plus : Rocket Lab, Relativity Space, Isar Aerospace, ou encore les chinois comme iSpace et Galactic Energy. Le marché des petits et moyens lanceurs devient très dense.
Vers une démocratisation de l’accès à l’espace
Au-delà d’EtherealX, cette levée symbolise une tendance plus large : l’accès à l’espace se démocratise grâce à des acteurs privés issus de pays émergents. L’Inde, avec sa population jeune et son expertise technique, est idéalement placée.
Si le Razor Crest Mk-1 réussit son premier vol en 2027 et confirme ses promesses de coût, il pourrait redistribuer les cartes du marché des lancements moyens. Les constellations de satellites, les missions scientifiques, les clients gouvernementaux auront alors plus de choix.
L’histoire d’EtherealX n’en est qu’à ses débuts, mais elle illustre parfaitement comment l’innovation spatiale n’est plus l’apanage de quelques superpuissances. L’Inde arrive, et elle arrive avec des arguments solides.
Le spatial mondial entre dans une nouvelle ère de concurrence saine, où les coûts baissent et les opportunités se multiplient. Des startups comme EtherealX en sont les fers de lance, portées par des investisseurs visionnaires et une ambition sans limite.