Les géants de la tech investissent massivement dans l’IA
Alors que la course à l'intelligence artificielle s'intensifie, les géants de la Silicon Valley multiplient les investissements records dans les startups les plus prometteuses du secteur. DeepL, Scale AI, Anthropic... Ces jeunes pousses attirent des centaines de millions de dollars, faisant s'envoler leurs valorisations. Mais au-delà de l'engouement, ces deals soulèvent des questions sur la stratégie des mastodontes de la tech pour garder le contrôle sur cette technologie révolutionnaire tout en échappant aux radars des régulateurs.
La ruée vers l'or de l'IA
Cette semaine, trois startups européennes ont affolé les compteurs. DeepL, spécialiste allemand de la traduction par IA, a levé 300 millions de dollars, portant sa valorisation à 2 milliards. Scale AI, plateforme américaine d'annotation de données pour entraîner les algorithmes, a décroché 1 milliard supplémentaire, presque doublant sa valeur à 13,8 milliards. Enfin, le français H, tout juste lancé sur le créneau des grands modèles de langage, a réuni 220 millions pour son premier tour de table.
Si les fonds et business angels habituels sont de la partie, on note surtout la présence massive des géants de la tech. Meta, Amazon, Nvidia, ainsi que les bras armés d'Intel, AMD, Cisco ou ServiceNow ont tous mis au pot chez Scale AI. Même chose pour H avec Amazon et Samsung Ventures. Déjà l'an dernier, Anthropic avait séduit Google et les véhicules de Salesforce et Zoom, en plus d'une mega-injection de 4 milliards d'Amazon.
Des "quasi-fusions" dans le viseur des régulateurs
Ces "love money" de la Big Tech dans l'IA ne sont pas anodins. Ils font écho à l'alliance très scrutée entre Microsoft et OpenAI, créateur de ChatGPT. Avec 49% du capital, le géant de Redmond a tissé des liens étroits avec la startup, suscitant l'intérêt des autorités de la concurrence en Europe et au Royaume-Uni.
Car derrière ces deals se cache la crainte de voir les titans de la tech prendre le contrôle de technologies émergentes sans passer par des fusions-acquisitions classiques. À travers des recrutements croisés ou des investissements, ils pourraient influencer le développement de l'IA à leur avantage, sans déclencher les alertes antitrust. Une stratégie qualifiée de "quasi-fusion" par certains régulateurs.
Passer entre les mailles du filet
Anthropic pourrait ainsi se retrouver dans le viseur, à l'image de Microsoft avec OpenAI. Son méga-deal avec Amazon, bien que minoritaire, intéresse déjà la CMA britannique. Cela fait écho aux acquisitions récentes de Microsoft (Inflection AI, Mistral AI) qui sont passées au crible.
L'omniprésent Nvidia n'est pas en reste. Valorisée à plus de 2.500 milliards de dollars grâce à l'IA, l'entreprise a pris des parts dans une myriade de startups comme Cohere, Hugging Face ou Wayve. Une façon pour ces mastodontes de jouer sur les deux tableaux : mettre la main sur les futures stars en évitant les réglementations trop strictes.
Les investissements massifs et ciblés permettent aux géants de garder un œil sur le secteur, d'influencer son évolution tout en limitant les risques juridiques, analyse un avocat spécialisé. C'est un véritable numéro d'équilibriste.
– Un expert en droit de la concurrence
Une influence incontournable
Même sans majorité, les mastodontes peuvent peser sur les startups de multiples façons. Administrateurs influents, priorité d'accès aux technologies, pression sur la direction... Autant de leviers subtils pour façonner l'avenir de l'IA à leur image. De quoi nourrir les inquiétudes sur la concentration du pouvoir dans ce domaine crucial.
Mais au-delà des enjeux antitrust, ces mouvements illustrent surtout l'intensité de la course à l'IA. Dans cette compétition mondiale, la Silicon Valley compte bien rester à la pointe en misant sur les meilleurs chevaux. Quitte à jouer avec les limites des règles. L'avenir dira si ce pari osé est gagnant, ou si les régulateurs finiront par siffler la fin de la récréation.