Fisker : l’ascension et la chute d’un pionnier de l’électrique
En l'espace de quelques années, Fisker est passé du statut de promesse de la mobilité électrique à celui de naufrage industriel. Retour sur l'épopée mouvementée de cette startup automobile portée, et finalement coulée, par les rêves de grandeur de ses charismatiques fondateurs, Henrik Fisker et Geeta Gupta-Fisker.
Fisker, le « Tesla killer » aux mille visages
Depuis sa création en 2016, Fisker a multiplié les effets d'annonce, promettant tour à tour de lancer un SUV électrique, une sportive à batteries solides, un pick-up zéro émission ou encore une citadine high-tech à moins de 30 000$. Sans oublier la perspective alléchante de décrocher le marché de la prochaine Papamobile électrique. Autant de projets restés à l'état de croquis.
Car derrière le storytelling soigné et le design racé des concept-cars signés Henrik Fisker, la jeune pousse californienne semble avoir eu du mal à passer à l'acte. Son premier et unique modèle, le SUV Ocean, a certes fini par arriver sur le marché. Mais trop peu, trop tard, et surtout truffé de problèmes de jeunesse rédhibitoires.
L'Ocean, un lancement chaotique
Mécaniques défaillantes, électronique capricieuse, finitions approximatives... Les premiers clients de l'Ocean ont vite déchanté. Pour ne rien arranger, le service après-vente s'est révélé déficient, faute de processus rodés et de pièces détachées en stock. Résultat : des délais de réparation interminables pour des propriétaires excédés.
Le manque de procédures était à la limite de l'ahurissant. A chaque problème, on nous disait : "C'est normal dans une startup, c'est le chaos".
– Sean O'Grady, ex-responsable commercial Fisker
Quand les caprices des fondateurs priment sur les process
En interne, le duo Fisker aurait régulièrement court-circuité les procédures, au détriment de la qualité et de la sécurité. Objectif : aller vite, quitte à prendre des risques. Comme lorsque Henrik Fisker a exigé l'ajout d'entretoises au dernier moment sur les Ocean de présérie, pour un look plus "cool", mais sans validation technique.
De son côté, Geeta Gupta-Fisker, la directrice financière, aurait freiné des quatre fers sur les dépenses. Refusant notamment de constituer des stocks de pièces ou de mettre en place un vrai service client. Deux impasses qui se payeront cash par la suite.
Les derniers soubresauts avant le naufrage
Début 2024, les signes de déconfiture se multiplient. Pour honorer les réparations, Fisker se résout à spolier des pièces sur les Ocean de ses dirigeants ou ceux destinés au marketing. Et pour récupérer l'argent des voitures livrées mais non saisies dans les comptes, une traque effrénée aux paiements fantômes est lancée.
Mi-2024, Fisker jette l'éponge et se déclare en faillite, laissant clients et employés sur le carreau. Un épilogue amer pour cette startup qui promettait de bousculer les codes de l'automobile. Et une leçon de business pour les entrepreneurs : aussi séduisante soit-elle, une vision ne fait pas tout. Sans exécution rigoureuse derrière, le rêve peut vite tourner au cauchemar...