L’Europe Mise sur les Minilanceurs pour Conquérir l’Espace

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juin 2, 2024

L’Europe Mise sur les Minilanceurs pour Conquérir l’Espace

L'Europe spatiale est à un tournant. Longtemps à la traîne derrière les géants américains comme SpaceX, elle compte bien rebattre les cartes en misant sur un nouveau segment porteur : celui des petits lanceurs. Une véritable révolution se prépare, portée par une nouvelle génération de start-up innovantes et agiles.

L'émergence d'un nouvel écosystème spatial européen

Partout en Europe, on assiste à une véritable effervescence autour des minilanceurs capables d'embarquer des charges de 50 à 1500 kg. Des start-up ambitieuses comme RFA en Allemagne, PLD Space en Espagne ou encore HyprSpace en France se lancent dans la course.

Ce bouillonnement s'explique par un contexte favorable. D'une part, la démocratisation des petits satellites, utilisés notamment pour déployer des constellations, crée un besoin croissant en termes de capacités de lancement flexibles et réactives. D'autre part, les échecs répétés de l'Europe sur les grandes fusées comme Ariane 6 poussent à explorer de nouvelles voies.

Nous comptons plus d'une douzaine de start-up européennes qui travaillent dans le domaine des mini et des microlanceurs. Elles sont à différents stades d'avancement.

Toni Tolker-Nielsen, directeur du transport spatial de l'ESA

Un changement de doctrine à l'ESA

Pour favoriser l'émergence de cet écosystème, l'Agence Spatiale Européenne a décidé de changer son fusil d'épaule. Exit les grands projets monolithiques : place à la compétition et à la mise en concurrence des acteurs. L'ESA envisage ainsi de lancer un appel d'offres dès 2025 pour sélectionner et soutenir financièrement les meilleurs projets de minilanceurs, à hauteur de 150 millions d'euros chacun.

Ce changement de paradigme était nécessaire après les déconvenues à répétition sur Ariane 6 et Vega, qui ont conduit l'Europe à solliciter SpaceX pour assurer la continuité de l'accès à l'espace. En dispersant ses investissements sur plusieurs start-up prometteuses, l'ESA espère faire émerger de nouveaux champions continentaux.

Course contre la montre et risque de bulle

Mais la compétition fait rage et le temps presse. Les jeunes pousses européennes doivent aller vite pour transformer leurs promesses en réalité, sous peine d'être dépassées par la concurrence internationale.

Car le secteur connaît aussi un certain emballement, avec un afflux massif de capitaux attirés par les perspectives de croissance. Certains observateurs mettent en garde contre le risque de "bulle spatiale", vu qu'aucun des nouveaux entrants n'a encore prouvé la viabilité de son modèle.

Les dix premiers acteurs européens ont levé plus de 1 milliard d'euros. Or aujourd'hui, aucun d'entre eux n'a développé un lanceur opérationnel.

Pierre Lionnet, directeur de recherche chez Eurospace

La France accélère pour soutenir ses pépites

Dans cette course, la France met les bouchées doubles pour ne pas se faire distancer. Le gouvernement a annoncé fin mars une enveloppe de 400 millions d'euros sur le volet spatial de France 2030, dont une bonne part ira au soutien des minilanceurs français comme MaiaSpace ou Sirius.

Un coup de pouce décisif pour ces start-up, qui voient ainsi leur crédibilité renforcée et leurs perspectives commerciales s'éclaircir. Avec en ligne de mire un premier vol orbital en 2027 pour la plupart d'entre elles.

Mais la route est encore longue et semée d'embûches. Pour s'imposer durablement, les minilanceurs européens devront faire leurs preuves en termes de fiabilité, de cadence et de compétitivité. Un défi titanesque, alors que SpaceX continue de repousser les limites et de casser les prix. L'Europe joue gros dans cette aventure spatiale : sa souveraineté et sa place dans la conquête de l'espace en dépendent.

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